Page et Plume : 40 ans et plein d'allant !
Page et Plume, seule librairie généraliste indépendante du centre-ville de Limoges, fête ses 40 ans. Une étape marquante dans l’histoire d’une librairie et d’une ville. Sébastien Lavy, gérant et Aurélie Janssens, responsable de la communication, nous parlent de cet anniversaire et des surprises qu’ils concoctent…
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Alors, avoir 40 ans, qu’est-ce que ça fait ?
Aurélie Janssens : Ah, moi je ne les ai pas, je ne réponds pas !
Sébastien Lavy : Et moi, je suis plus proche des 50… Blague à part, personne dans l’équipe n’était là au démarrage de la librairie. Mais c’est sûr qu’avoir 40 ans pour une librairie dans une ville comme Limoges, cela reste somme toute assez jeune. Dans d’autres villes de cette taille, on trouve des librairies centenaires. Donc nous restons jeunes, mais on peut dire maintenant que les fondations sont posées, la librairie est devenue une référence pour les Limougeauds.
A.J : Oui, et puis tu lui as fait faire sa crise de la quarantaine à la librairie, on a mis de l’anti-rides !
S.L : C’est vrai que les travaux entrepris en 2021-2022 ont permis de repartir sur un nouveau cycle, d’appréhender le futur en ayant un bon outil entre les mains. Et puis l’équipe s’est renouvelée un peu, de plus jeunes libraires nous ont rejoints, ça donne aussi un coup de fouet !
Quels ont été les moments clés de l’histoire de la librairie ?
S.L : La librairie a connu quatre propriétaires successifs : créée par M. et Mme Chaumard, elle a été reprise par M. Gloeckler, puis par M. et Mme Dubarry en 2006 alors que la Fnac s’installait en centre-ville, puis par moi le 1er avril 2020 en plein confinement… Au démarrage, la librairie était implantée dans un autre lieu. Les locaux actuels sont répartis sur deux immeubles différents, qui ont été petit à petit "grignotés", ce qui explique le côté parfois labyrinthique de notre espace commercial. Page et Plume a toujours été une librairie généraliste, avec un fort rayon papeterie au départ, qui a disparu depuis. Il y avait moins de demande et les propriétaires de l’époque souhaitaient développer fortement la bande-dessinée, d’abord sous franchise (Album puis Canal BD) puis de façon indépendante.
Page et Plume fait-elle face à beaucoup de concurrents ?
S.L : Le centre-ville comporte un bon nombre de librairies, mais il est étonnant de constater qu’il y a eu pas mal de mouvements en 20 ans : deux librairies généralistes ont fermé (Petit en 2009 et une librairie-papeterie située dans une galerie marchande de supermarché à Corgnac en 2014) ainsi qu’une librairie concept (Les gens qui doutent) en 2018, Anecdotes qui appartenait à Chapitre a failli disparaître en 2013 avant d’être reprise par Albin Michel, la Fnac s’est installée en 2005, plusieurs librairies spécialisées se sont créées, Rêv’en Pages (jeunesse) en 2002, et tout récemment Inoku (manga) et Bulles 2 papiers (BD-manga). Sans compter BD rêve (BD) et la librairie occitane, Librariá occitana, toutes deux installées également en 1984 !
A.J : Il faut aussi noter la présence de librairies d’occasion, comme Le Bibliovore en centre-ville. Avec l’inflation, certains de nos clients achètent aussi de la seconde main.
S.L : Notre clientèle est typique d’une librairie d’hyper centre dans une ville moyenne. Ce sont des cadres, des professions intellectuelles surtout qui viennent chez nous, alors qu’on essaye d’être le plus ouvert possible. Mais c’est vrai que nos clients ne regardent pas le prix quand ils achètent. Le centre-ville de Limoges manque un peu de dynamisme, on le voit notamment l’été, alors que les touristes sont de plus en plus nombreux.
Quel est le rôle d’une librairie comme la vôtre sur votre territoire ?
A.J : Nous sommes clairement un relais culturel parmi toutes les institutions, c’est pour ça qu’on travaille avec les bibliothèques, les théâtres, les festivals, l’opéra… Le maillage culturel est fragile, nous devons tous travailler en en bonne intelligence pour que les gens continuent d’aller vers la culture, quelle que soit sa forme.
S.L : Nous nous devons d’avoir une identité propre, nous sommes à l’écoute de ce qui se passe dans la société, en termes d’écologie, de féminisme… Nous construisons des liens forts avec certaines maisons d’édition dont nous portons la voix, comme La Fabrique, La Découverte, Finitude, Agullo, Le Détour, les éditeurs du groupe CDE, Zulma, La Ville brûle ou Les Fourmis rouges… Nous cherchons un équilibre entre une production demandée et une production plus pointue qu’on souhaite défendre, tout ça dans un contexte de surproduction, même si cette année la rentrée littéraire est en baisse. Mais nous apprécions vraiment la démarche du Tripode qui a annoncé renoncer à sortir des titres pour la rentrée de janvier.
A.J : Nous sommes aussi un lieu de rendez-vous, de rencontres.
S.L : Oui, nous souhaitons provoquer la curiosité, être un lieu d’échanges et de débats. Les gens cherchent du sens, on voit qu’il y a des prises de conscience sur plein de sujets et on accompagne ce mouvement, parfois même on le provoque en mettant en avant des thématiques émergentes.
A.J : Redonner du temps et redonner du sens… une vraie pensée de quarantenaire !
Alors justement, comment allez-vous fêter cela ?
S.L : La période récente a été assez fatigante, donc je veux faire les choses tranquillement… on fera une fête sans doute au printemps, en tous les cas avant les 41 ans, promis ! Ce sera l’occasion d’inviter nos partenaires, notamment les institutions qui nous ont soutenu, le CNL, l’Adelc, la Région, la Drac, ALCA… En attendant, on fait durer le plaisir, en invitant un maximum d’éditeurs et d’auteurs qu’on avait envie de mettre ou remettre en lumière, parce qu’on travaille avec eux régulièrement. En allant "piocher" dans tous les rayons, notamment en beaux-arts, parce que Limoges est tout de même une ville d’arts ! On essaye systématiquement d’inviter à la fois un auteur et son éditeur ou son éditrice.
A.J : De quoi se nourrir et réfléchir jusqu’au printemps !
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