Valèria Gaillard Francesch : "J’ai osé traduire Proust et ça m’étonne encore quand je regarde en arrière"
Valèria Gaillard Francesch est venue au Chalet Mauriac pour traduire Sodome et Gomorrhe, le quatrième volume d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, à paraître aux éditions Proa / Grup 62. Enthousiaste et volubile, elle nous a accordé cet entretien en français, son français imagé de traductrice catalane, préférant le "tu" au "vous" qui, s’il existe bien en catalan, suggère une grande déférence et un écart de génération qui n’avaient pas leur place ici, sous le soleil printanier du Sud Gironde.
Traduire l’intégralité des sept volumes de la Recherche est une entreprise titanesque : comment convaincre un éditeur de se lancer dans cette aventure au long cours ?
Valèria Gaillard Francesch : Les éditeurs sont très gourmands de grands titres de la littérature classique, surtout s’ils trouvent une personne disposée à prendre ce chemin ! Je n’ai pas eu de problème, ils m’ont tout de suite dit oui. C’est vrai qu’on s’est lancés sans trop penser à "l’étalage" de cette traduction, c’était : commençons par le début, on verra après…
Le premier volume a été bien reçu par les lecteurs…
V.G.F. : Oui, c’est un titre assez choyé de la littérature française, il a ce côté rêveur qui donne envie de le lire – et c’était une édition de poche, avec des dessins inédits de Luís Marsans dont on a fait une jolie couverture. Alors, oui, il a été très bien accueilli, mais au fond, j’avais surtout très envie de faire cette traduction, je trouve que pour bien connaître un auteur la meilleure chose est de le traduire. Proust lui-même a traduit Ruskin1. C’est une expérience de réécrire, de se mettre dans la tête de l’auteur, je le fais plutôt pour moi et après, s’il y a des lecteurs avec qui je peux partager, parfait ! C’était donc un projet très personnel, d’autant plus qu’en parallèle, je fais une recherche sur Proust et la traduction. Pour lui, écrire c’est traduire les sensations intérieures, et je veux juste mettre cette question en lumière : qu’y a-t-il exactement dans cette transfiguration entre des sensations, des sentiments, des souvenirs et une écriture, une mise en paroles, quelle transsubstantiation se crée ? Il y a déjà eu quelques études à ce propos, notamment celle, très bonne, d’Edward Bizub2, mais la question a été peu étudiée, mon projet est de la réviser à la lumière des nouvelles théories en traductologie.
Si tu avances en parallèle thèse et traduction, y a-t-il des brouillages entre les deux ?
V.G.F. : Oh oui c’est brouillé ! Pendant que je traduis tout à coup je vois qu’il parle de traduction alors pam ! Les alarmes sonnent et je note, j’essaie de lire en parallèle. Là je vais finir Sodome et Gomorrhe et reprendre un peu haleine, mais je ne vais pas finir toute la Recherche et ensuite écrire la thèse. Cela s’enrichit mutuellement, au fur et à mesure.
Il y a deux traductions en cours de la Recherche en catalan. Est-ce que tu regardes ce que fait l’autre traducteur ?
V.G.F. : Non ! Je reste bien loin pour ne pas me contaminer. Il est d’une autre génération, plus âgé… Chaque traducteur a sa propre voix. Pour ce que l’on m’a dit, les traductions sont assez différentes. Le catalan est une langue à l’évolution particulière, la langue d’un pays sans État, qui a été fixée au début du XXe siècle. Il y a eu un écart très grand entre la langue littéraire et la langue parlée, ce n’est que dans les années 80 que les écrivains ont voulu en faire une matière d’écriture vivante, avec de l’argot… Ce que Céline a fait au français au début du XXe siècle, nous l’avons connu presqu’un siècle plus tard. En conséquence, un auteur catalan doit toujours faire un choix crucial, moi j’ai clairement pris parti pour une langue actuelle, parlée.
Je voulais rapprocher Proust du lecteur, ne pas être trop "littéraire". Dans un essai excellent, Sylvie Pierron3 relate qu’à l’époque on a reproché à Proust d’écrire la langue des servantes… Bien sûr, cela dépend des personnages, chacun – Charlus, Guermantes… – a son modèle de langage et comme traductrice je dois en tenir compte, mais en général sa langue n’est pas très soutenue, érudite, alors j’essaie de trouver l’équivalent en catalan.
Sans pour autant tordre de style, raccourcir la phrase pour la "moderniser" ?
V.G.F. : Non non non ! C’est un équilibre, et la question du rythme est fondamentale. L’ouverture du roman, je l’ai "comptée" comme si c’était de la poésie, j’ai repris le même nombre de syllabes pour chaque phrase, c’était un rythme. Écouter l’audiobook m’a aussi beaucoup aidée pour trouver la respiration de Proust et parfois se perdre dans les méandres de la phrase… Quand je parle de prendre un catalan "actuel" c’est surtout une question de sémantique, entre deux mots je choisirai le moins "bizarre".
Et pour la traduction des temps verbaux, y a-t-il les mêmes temps du passé, en catalan et en français ?
V.G.F. : J’ai choisi le temps verbal le plus habituel, qui est le passé périphrastique et non le passé simple, beaucoup plus littéraire. Pour dire "il est allé" on peut dire "anà", c’est très littéraire et personne ne parle comme ça, ou "vaig anar" et j’utilise celui-là, le plus commun. Mais pour l’ouverture j’ai utilisé le passé parfait "he anat" parce que je sais qu’il part du présent. Dans ce cas-là, j’ai essayé de respecter ce premier verbe qui a aussi beaucoup choqué les Français. Mais j’ai tellement lu sur Proust, ma bibliothèque proustienne est très fournie…
Est-ce que ce n’est pas intimidant toutes ces références proustiennes ?
V.G.F. : J’essaie d’apprendre, d’être toujours à l’écoute de ce qui se dit sur le style, sur la traduction, de m’imprégner… Après, c’est vrai qu’au début je n’ai pas trop réfléchi, c’était comme avoir un désir si grand de faire une chose qu’on n’y réfléchit même pas, un peu comme avoir des enfants, si on y pense trop…
"Aujourd’hui il y a une pression des lecteurs qui attendent la suite, et cela donne du courage pour continuer."
Il faut un peu d’inconscience pour se lancer…
V.G.F. : Oui ! Pourtant je ne suis pas toujours comme ça. Par exemple, écrire m’inspire beaucoup de respect, j’aimerais bien écrire mais… c’est curieux. En revanche, j’ai osé traduire Proust et ça m’étonne encore quand je regarde en arrière. Aujourd’hui il y a une pression des lecteurs qui attendent la suite, et cela donne du courage pour continuer. Récemment j’ai animé un club de lecture virtuel, sur Proust, et on a dû faire deux groupes parce qu’il y avait trop de monde, et tous m’ont demandé : "Alors, le prochain ?" J’aime faire du "proustélitisme" – c’est un néologisme forgé à Proustonomics : nous avons à Barcelone un réseau de proustiens incroyable, une société catalane des amis de Marcel Proust, fondée avec un l’autre traducteur, Josep Maria Pinto et monsieur Amadeu Cuito, qui a une magnifique bibliothèque proustienne. Il y a une vraie ferveur, c’est un écrivain qui parle de tout, toute la vie entre dans son roman, un roman fleuve ça crée des adeptes, c’est une espèce de religion ! On se rencontre une fois par mois, on essaie de faire des concerts, des discussions, de parler des nouveautés…
Une fois par mois ? C’est très suivi !
V.G.F. : Oui, oui. Pour le centenaire4 nous allons faire un volume avec des personnalités, des écrivains, des artistes, voir ce qu’ils/elles pensent de Proust aujourd’hui. Les anciennes générations étaient plus "francisées", la langue française s’apprenait à l’école, puis l’anglais a pris le dessus et c’est plus difficile de trouver de jeunes écrivains concernés… Ça me désole, je trouve que nous avons beaucoup de liens avec la culture française : les intellectuels, les artistes catalans du début du siècle allaient tous à Paris. Il y avait cette effervescence, on essaie de retrouver ces racines.
Est-ce que la part des traductions du français dans la littérature éditée en Catalogne est importante ?
V.G.F. : Oui, même si nous sommes envahis par la fiction anglo-saxonne. Cet imaginaire qui n’est pas le nôtre est présent partout, mais il y a un réel intérêt pour la littérature française, par exemple je traduis aussi Annie Ernaux – que j’aime bien, elle est très proustienne – et Leïla Slimani.
Tu as eu deux bourses de l’Institut des lettres catalanes pour traduire la Recherche, et aujourd’hui cette résidence, est-ce que ces soutiens comptent pour une telle entreprise ?
V.G.F. : Oui ! Ce genre de traduction ne sera jamais une chose économique… Les heures et les heures que l’on consacre à une traduction aussi complexe sont "impayables". Par ailleurs je suis aussi journaliste, je fais de la critique, des articles, des entretiens, alors une aide pour pouvoir se concentrer sur la traduction est bienvenue. Pour le volume antérieur, Du côté de Guermantes, je suis allée un mois à Olot, où il y a le centre Faberllull, en Catalogne. Voilà, une résidence c’est une espèce de… d’élan (c’est correct ?) oui, un élan pour traduire.
Tu n’es pas la première à fréquenter Proust au Chalet. Gita Grinberga est venue traduire en letton Le Temps retrouvé. Est-ce que le lieu où l’on travaille – l’esprit du lieu, ses occupants passés et présents – peut exercer une influence ?
V.G.F. : Tout à fait, il est même premier, non ? En quelque sorte, nous sommes à la fois vraiment dans le livre et dans le présent… Comme le dit Proust, même plongé dans une lecture, on est à l’écoute de ce qui se passe alentour, ça prend une résonnance beaucoup plus forte. Il parle ainsi de la lecture à Combray, le petit enfant qui lit et écoute toutes les cloches… Ça imprègne en quelque sorte la traduction. Il faut aussi parfois être inspiré, alors le calme, la paix aident à trouver le mot juste. Normalement, à Barcelone, je traduis de 10 heures du soir à minuit, parce que j’ai deux filles et d’autres choses à faire dans la journée… Les maisons-musées d’écrivain sont des maisons figées, en revanche ce que l’on fait ici – donner vie à une nouvelle littérature, une création – ça rend beaucoup plus l’esprit d’un écrivain, que de le mettre sous cloche, avec cette odeur… de passé, de choses fanées, flétries.
Ta méthode de travail a-t-elle évolué depuis Du côté de chez Swann ?
V.G.F. : Au Chalet, j’en ai parlé avec Carlos Mayor5, qui a plus d’expérience, il m’a suggéré de travailler sur le texte directement en français, normalement moi je réécris en prenant la Pléiade, la dernière édition. Là, j’ai essayé grâce à son conseil d’avoir le texte et de réécrire dessus [elle fait des gestes]. En plus j’ai la chance que le catalan et le français sont très proches, parfois il faut changer juste une lettre.
"C’est vrai que l’on passe beaucoup de temps à chercher les mots justes, mais je crois que c’est ce que nous, traducteurs, nous aimons le plus. On discute entre nous, on se consulte…"
D’un autre côté, il y a les faux amis, il faut faire attention. Par exemple, l’expression "un amant de cœur" : c’est quoi ça ? On ne peut pas traduire "un amant del cor", ça sonne presque pareil mais pour nous, Catalans, ça ne veut rien dire ! Alors j’ai cherché… dans le Trésor de la langue française, le Larousse, les dictionnaires de synonymes (chez moi j’ai aussi le Littré et d’autres encore). C’est vrai que l’on passe beaucoup de temps à chercher les mots justes, mais je crois que c’est ce que nous, traducteurs, nous aimons le plus. On discute entre nous, on se consulte… C’est le truc marrant, qui donne vie à une traduction. Je pense qu’il est très important d’avancer avec beaucoup de calme et d’y prendre plaisir. Je dois garder présent à l’esprit que je fais cela non pour l’argent mais pour me régaler. Je parle d’une traduction "artisanale", une chose où il faut prendre son temps.
La recherche de la meilleure manière de traduire compte plus que le résultat dont tu pourrais être fière : le plaisir, c’est avoir les mains dans le cambouis ?
V.G.F. : Tout à fait. Quand on est vraiment dans le texte… J’ai énormément lu sur la vie de Proust, Monsieur Proust de Céleste6, tous les Pinter7, les Tadié8, tout… Parfois je le hais même, c’est un peu maladif, il faut que j’aille dormir et je ne peux pas m’arrêter ! C’est une chose très… excessive. Il m’arrive la nuit de rêver d’un mot, quel est ce mot, et tout d’un coup, Ha ! ce mot-là ! Et l’on sait qu’on peut toujours faire mieux, non ? Mais bon, c’est un work in progress, destiné à être surmonté d’ici quelques années par quelqu’un d’autre, qui s’approchera d’une autre façon, c’est pour ça qu’il faut vraiment se faire plaisir.
La traduction a un côté très créatif, ce n’est pas mécanique du tout. J’ai des amis qui traduisent à l’aide de programmes mais ce ne sont pas des traducteurs littéraires. Cela dit, ça peut être un outil utile, pour faire des transpositions de mots, trouver des équivalents, mais traduire c’est aussi de la construction, et des sonorités. Dire le texte à haute voix, entendre comment il sonne – ce que je fais aussi comme journaliste. J’essaie toujours de lire et dire de la façon la plus naturelle. Parfois la proximité avec le français complique les choses ; pour cette raison aussi c’est important, une fois fini, de se tenir loin du texte puis de le reprendre avec de nouveaux yeux et voir ce qui est trop "français" ! Mon compagnon me relit aussi, et un autre traducteur.
Voilà, maintenant je suis contente d’approcher de la fin… après avoir beaucoup travaillé ! Ensuite il faudra relire, il reste plein de problèmes à résoudre. Ce qui est pratique c’est que je peux consulter les volumes antérieurs en e-book, et voir comment j’ai dit telle chose dans tel volume. Bien sûr je me suis aussi construit une sorte de dictionnaire, et c’est de plus en plus facile : quand on a déjà fixé un vocabulaire, il faut l’appliquer et on avance plus vite. Mais parfois j’ai beaucoup de mal avec le vocabulaire des domestiques – le valet de pied, le valet de chambre… Nous n’avons pas l’équivalent ! C’est une traduction historique, mais nous n’avions pas autant de services.
L’aristocratie n’était pas organisée de la même manière ?
V.G.F. : Non, chez nous c’était essentiellement de la bourgeoisie, même s’il y avait bien quelques seigneurs… Bon, "cocotte" je vais le mettre tel-quel, en cursive, parce que ce n’est pas n’importe quelle prostituée, pas une courtisane, mais il y a aussi la "demi-mondaine", comment dit-on une demi-mondaine en catalan ? En plus de la complexité syntaxique, il y a une difficulté historique, les réalités d’un monde qu’on ne peut pas transposer. J’essaie de faire le minimum de notes, ce n’est pas une édition critique, mais s’il y a besoin de quelques notes, pas de problème l’éditeur est d’accord.
Tu as une date limite de remise du manuscrit ?
V.G.F. : Avant l’été, pour une publication à la fin de l’année, et le correcteur doit aussi relire. Maintenant j’ai hâte d’en venir à Albertine disparue et La Prisonnière parce que ce sont les volumes les plus beaux, les plus poétiques.
Que penses-tu des récentes controverses posées par la traduction du poème d’Amanda Gorman, lu lors de l’investiture de Joe Biden ? Sachant que s’il est question de "proximité" entre le traducteur et l’auteur, tu n’es pas un homme…
V.G.F. : Non, pas un homosexuel mâle. C’est vrai qu’on en a beaucoup discuté entre nous ici. D’un côté je pense que le plus important est de trouver la personne qui traduit le mieux, qui a l’expérience et la sensibilité, indépendamment de son genre, de sa couleur de peau. L’effet miroir est dangereux, si en conséquence je ne peux traduire qu’une femme, des gens de mon âge et ne plus traduire Proust. C’est une censure sur une matière littéraire qui justement échappe à ces questions-là, morales… Mais, d’un autre côté, je suis hyper-féministe, j’ai subi une autre censure, comme journaliste, face à ceux qui me disent "Ah non, ce travail est pour un autre"… Parce que je suis une femme avec des enfants, qui ne serait plus assez jeune pour ceci ou cela, ça me révolte et je trouve très bien qu’on l’on recherche une femme9, cette revendication est légitime, pour se mettre à niveau et que l’on sache qu’existe enfin une opportunité… En Catalogne, la traduction a été confiée puis retirée à Víctor Obiols, il y a eu débat et lui, en colère, a finalement dit à la radio qu’il devra désormais se maquiller le visage en noir pour travailler. Voilà bien le masque de l’homme puissant, non ? C’est une réalité : ceux qui sont de l’autre côté, du côté du pouvoir, ne se rendent pas compte à quel point ils écrasent tout.
Comment vois-tu l’avenir de ton métier après la pandémie : es-tu optimiste ?
V.G.F. : Oui ! Peut-être qu’il y aura des effets à retardement, mais pour l’instant en Catalogne tout continue à marcher, je travaille avec plusieurs éditeurs qui ont encore envie de faire des traductions, il y a toujours des projets. Et nous avons vu clairement ce phénomène : les gens lisent plus, prennent plus de temps, à la maison ou à la campagne, ils ont retrouvé le goût de lire. Il y a une effervescence de lecture, d’envie de connaître d’autres auteurs, alors voilà, je suis tranquille. C’est bien de finir avec un point positif, non ?
1John Ruskin [1819-1900], auteur britannique, poète, peintre et critique d’art, dont Proust a traduit deux essais : The Bible of Amiens (1884) et Sesame and Lilies (1865).
2Edward Bizub : La Venise intérieure. Proust et la poétique de la traduction, éd. La Baconnière, 1991.
3Sylvie Pierron : Ce beau français un peu individuel. Proust et la langue, éd. Presses universitaires de Vincennes, 2005.
4Le centenaire de la mort de Proust, décédé à Paris en 1922.
5Carlos Mayor : traducteur, journaliste et enseignant catalan, en résidence au même moment que Valèria Gaillard.
6Céleste Albaret : Monsieur Proust, éd. Robert Laffont, Paris, 1991.
7Harold Pinter : Le Scénario Proust. À la recherche du temps perdu, traduit de l’anglais par Jean Pavans, éd. Gallimard, Paris, 2003 (livre issu d’un projet de film de Joseph Losey, non réalisé).
8Jean-Yves Tadié, éditeur et grand spécialiste de Proust, il a dirigé en 1987 l’édition de la Recherche dans la Bibliothèque de la Pléiade.
9La traduction d’Amanda Gorman sera faite en Catalogne, pour la maison d’édition Univers, par la poétesse Maria Cabrera, également activiste du Mouvement des Indignés.