Mireille Calmel : "Adapter un roman en BD, c'est faire une confiance absolue au dessin"
C'est un vrai triplé éditorial pour l'autrice girondine Mireille Calmel. Tout d'abord la sortie de Duchesse d'Aquitaine, tome 1 du Lit d'Aliénor, version BD, avec aux dessins le belge Pierre Legein, en coédition chez XO et Grrr...Art. Ensuite une édition collector de son best-seller Le Lit d'Aliénor, publié pour la première fois il y a 20 ans aux éditions XO. Et enfin, la parution du premier roman d'Anaël Train, son fils : Le Serment de Jaufré, aux éditions du 123, un préquel de l'histoire d'Aliénor. L'occasion d'un entretien à trois voix.
Le premier tome de la BD Le Lit d'Aliénor : Duchesse d'Aquitaine est paru fin octobre 2021. C'est une coédition XO et Grrr...Art. Comment est né ce projet ?
Pierre Legein : Il y a une petite dizaine d'années, j'ai lu le roman Le Lit d'Aliénor, ou plutôt je l'ai dévoré. Et une fois fini, je l'ai claqué sur mon lit en me disant : voilà enfin un roman adaptable en BD, il y a de l'action, c'est efficace, et de nombreux personnages de femmes très agréables à dessiner ! J'ai tout de suite crayonné quelques croquis que j'ai envoyés à XO éditions et un mois après j'ai été réveillé par un coup de téléphone : c'était Mireille.
Mireille Calmel : Oui, c'est vrai, j'ai tout de suite été très motivée. J'avais toujours rêvé d'adapter mon livre en BD. Je connaissais toutes les BD de Pierre, notamment la série des Dampierre, et quand j'ai découvert les croquis qu'il avait réalisés à partir de mon roman, j'ai su qu'on était en phase. Il avait dessiné mes personnages comme je me les imaginais.
C'était il y a à peu près 10 ans, disiez-vous. Pourquoi a-t-il fallu aussi longtemps pour que la BD sorte ?
M.C. : À l'époque, le contrat devait être signé chez Glénat mais l'attaché de presse qui s'occupait de ce projet est parti du jour au lendemain. Et son successeur n'a pas donné suite. Bref, avec Pierre nous nous sommes lassés et nous avons rangé tout ça au placard. En 2019, c'est Alain Rousset, le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, à qui je parlais de ce projet abandonné, qui m'a encouragée à le déterrer ! J'ai rappelé Pierre et lui aussi avait envie de s'y replonger. On a donc recommencé à faire le tour des éditeurs et finalement mon éditeur historique XO s'est lancé en coédition avec la maison Grrr...Art !
Comment s'est passé le travail d'adaptation du roman à la BD ?
M.C. : Adapter un roman en BD, c'est d'abord faire une confiance absolue au dessin. Ensuite, il fallait réussir à conserver l'âme de mon livre, sa puissance émotionnelle, sa trame narrative, mais avec beaucoup moins de mots ! En fait, il m'a fallu tout réécrire. Dans une première version, par exemple, nous avions repris les dialogues du roman tel quel, mais ça ne fonctionnait pas.
"On perd ici, on gagne là, il faut trouver le juste équilibre pour coller au roman. Ça a été un vrai travail collaboratif. "
P.L. : Passer du roman à la BD c'est une question de rééquilibrage en quelque sorte. Dans le roman de Mireille, certaines actions se jouent en deux phrases et dans la BD elles s'étendent sur deux pages. À l'inverse, une scène qui tient plusieurs pages dans le roman peut se raconter en trois petites cases. On perd ici, on gagne là, il faut trouver le juste équilibre pour coller au roman. Ça a été un vrai travail collaboratif.
Pierre Legein, vous travaillez exclusivement sur la BD historique. Pourquoi ?
P.L. : J'avais un grand-père qui m'a fait aimer l'histoire. Et je suis un grand lecteur de romans historiques. Pour moi, la BD historique a l'avantage d'être intemporelle, alors que la BD contemporaine est vite datée, non ? Et puis j'ai toujours préféré dessiner un cheval plutôt qu'une camionnette !
Justement, comment faites-vous pour dessiner les décors de vos BD historiques ?
P.L. : Je fais de nombreuses recherches : sur Internet, dans des livres. Je me renseigne par exemple sur l'agriculture, les costumes, la manière de monter un attelage, selon les époques. Quand cela est possible, je me rends sur place prendre des photos. Pour le château des Rudel, je me suis servi de la maquette visible au musée de Blaye. Et puis il faut aussi un peu fantasmer.
La BD Le Lit d'Aliénor est prévue en 8 tomes. Quand paraîtront les 7 suivants ?
M.C. : Le tome 2 sortira en octobre 2022. Il est déjà très avancé. Ensuite l'idée c'est qu'il ne s'écoule pas plus de 9 mois entre chaque tome.
Autre événement pour vous Mireille Calmel , la parution de l'édition collector du roman Le Lit d'Aliénor. Là encore, vous avez choisi Pierre Legein pour les illustrations…
M.C. : Oui, cette édition a été augmentée de plusieurs dessins en noir et blanc de Pierre. J'en suis très heureuse. Mais il y a aussi d'autres "bonus". Tout d'abord, cette édition compte un chapitre supplémentaire, chapitre qui existait déjà dans le manuscrit original mais que mon éditeur m'avait alors demandé de supprimer. Il s'agit de la scène de la rencontre entre Merlin et Bernard de Clairvaux. Ce n'est pas une séquence essentielle à l'histoire mais je l'aime vraiment beaucoup. Et cette édition comporte aussi la préface originale que j'avais écrite il y maintenant 20 ans !
"Jaufré de Rudel est un troubadour et je suis musicien, je joue de la citole, un instrument médiéval !"
Une BD, une édition collector, et le premier livre de votre fils Le Serment de Jaufré en librairie depuis le 7 octobre. C'est une année de réussite ?
M.C. : Que mon fils, Anaël, publie son premier livre 20 ans après moi, au même âge que moi, ça me touche beaucoup. Il y a un passage de relais très fort, avec les mêmes personnages. Ce livre, il avait vraiment raison de l'écrire, il manquait à l'histoire.
Le Serment de Jaufré est en effet un préquel du Lit d'Aliénor. Comment en êtes-vous arrivé à écrire ce roman, Anaël Train ?
Anaël Train : Pendant toute ma jeunesse, j'ai rejeté la lecture et l'écriture. Ce n'est qu'à 15 ans que j'ai commencé à lire et bien sûr, comme il venait de sortir, j'ai lu le roman de ma mère Le Lit d'Aliénor. Je me souviens lui avoir posé beaucoup de questions sur le personnage de Jaufré de Rudel. C'est un troubadour et je suis musicien, je joue de la citole, un instrument médiéval ! Bref, je m'intéressais beaucoup à ce personnage et j'avais envie de savoir ce qui lui était arrivé avant qu'il ne rencontre Aliénor d'Aquitaine. Mais ma mère n'avait pas envie de revenir en arrière. Elle avait terminé Le Lit d'Aliénor, Jaufré venait de mourir. Alors j'ai fait des recherches, j'ai lu tout un tas de livres, et bien sûr je me suis servi de ce que ma mère avait écrit. C'est comme cela qu'est né Le Serment de Jaufré.
M.C. : Quand j'ai commencé à écrire Le Lit d'Alinéor, Anaël avait 5 ans et je l'amenais régulièrement dans le Château des Rudel. Je ne peux pas m'empêcher de penser que là Jaufré lui a chuchoté quelque chose...