"J'avais un camarade" gagnant du prix Haut les courts !
Le lauréat du prix Haut les courts !, Janloup Bernard répond aux questions d'ALCA suite à sa distinction par le jury de lycéens pour son film J'avais un camarade. Mais d'abord, le pitch : c'est la semaine de rentrée au Bahut, école militaire de prestige. Deux camarades de chambrée, Woyzeck et Bakary, vont vivre ces journées décisives bien différemment. L'un, de modeste extraction, va déployer des prodiges d'énergies pour s'intégrer au mieux. L'autre, membre d'une lignée du rang, tente d'échapper aux jeux du bizutage.
Heureux ?
Janloup Bernard : Je suis content et surpris à la fois d'avoir gagné ce prix. Quand on a terminé le film, on se demandait à qui il s'adresserait et ça nous touche que des lycéens aient aimé et compris le film, surtout sa cruauté. Le sujet, c'est ce plafond de verre que le personnage de Bakary essaie de percer. Le film montre qu'on le ramènera toujours à ses origines sociales, même hors du cadre militaire. Pourtant, lui est motivé pour intégrer ce milieu qui lui est hostile. La question du racisme est venue après, elle ne se posait pas vraiment au moment de l'écriture. Mais elle est venue s'ajouter.
D'où vient cette histoire ? Est-ce un univers que vous avez pu observer de près ?
J.B : Une partie de ma famille a fait partie de grandes écoles militaires. C'était présent autour de moi mais de manière éloignée. Il y avait une culture du secret autour de ce monde qui me fascinait. Après, j'ai mené des recherches pour le film et j'ai trouvé un forum sur Internet où d'anciens membres de lycées militaires se parlaient entre eux mais ne semblaient pas avoir conscience qu'ils pouvaient être lus par les autres. J'y ai attrapé quelques mots de vocabulaires ou des anecdotes.
À certains moments du film, on a des impressions de documentaire, voire de caméra cachée. Comment avez-vous recruté les comédiens ?
J.B : Les trois comédiens principaux ont été castés de manière classique. Mais déjà, l'un d'entre eux s'est révélé être réserviste et connaissait certains chants militaires. Quant aux figurants, nous les avons recruté dans le Lot-et-Garonne, là où se tournait le film. C'était compliqué de les trouver… et compliqué de les garder. Dans le lot, il se trouvait un autre réserviste qui, lui aussi, connaissait des chants ! Pendant la première scène de bizutage, on a mis la lumière à 360 degrés pour ne plus avoir à y toucher, et on a tourné en continu, en tournant la caméra quand il se passait quelque chose ici ou là. On disait aux figurants de faire ce qu'ils voulaient derrière. A un moment, deux d'entre eux se sont mis à chanter spontanément. Pareil pour la chanson paillarde, ils l'ont entonnée d'eux-mêmes et on a propulsé le comédien qui joue Bakary au milieu d'eux pour garder la scène. D'où cet aspect documentaire. Ils sont devenus tous très soudés pendant les nuits de tournage, et à la fin, ce sont eux qui nous ont bizuté…!
Pourquoi avoir choisi la forme du court métrage ? Est-ce pour laisser les spectateurs sur ce choc, cette cruauté évoquée plus haut, ou pour les laisser libres d'imaginer la suite en ne donnant que le tout début de l'histoire ?
J.B : Le film est né d'un appel à projets, "War on screen", qui imposait le format d'un court-métrage de 15 minutes. Un cahier des charges jamais respecté mais on s'est dit, cette fois-ci, on va le faire, on va se confronter à l'exercice du 15 minutes. Et comme ça, la fin tombera comme un couperet. Chacun peut imaginer ce que va être l'année de Bakary au sein de cette école militaire d'élite totalement fictionnelle. Le film a été donné dans plusieurs villes et festivals : War on screen, Brest, Clermont, Bordeaux… Il vient d'être acheté par OCS donc on espère qu'il sera vu par la plus grand nombre.
Quelques mots sur votre prochain film ?
J.B : Ce sera un long-métrage qui se déroule à la frontière basque, entre Hendaye et Irun. C'est une histoire d'amitié, de trahisons, d'amour… J'ai hâte qu'il prenne vie.