"The Neon people": Vegas, ton univers impitoyable


Sous les lumières étincelantes des enseignes qui habillent les rues de Las Vegas, des milliers de personnes vivent dans l’obscurité. Ancien historien du cinéma devenu réalisateur, Jean-Baptiste Thoret descend, avec The Neon people, dans les entrailles de la ville pour explorer l’envers du rêve américain et dresser le portrait de la communauté des invisibles établie dans le réseau d'evacuation des eaux pluviales de la ville.
Sous la surface de Vegas, dans l'enchevêtrement de tunnels sinueux, des hommes et des femmes vivent à l’écart du monde. Ils s’appellent Mary, Preston ou Brandi. Certains pensaient n’y passer que quelques jours et sont désormais là depuis plus de dix ans. Tous partagent le même constat : "Dans les tunnels, on perd la notion du temps." Pas de jour, pas de nuit, seulement la lumière froide des lampes torches et le bruit lointain de la ville.
Le film raconte ces trajectoires bouleversées. Ces habitants des souterrains ont tous connu un élément déclencheur : un accident de vie, un licenciement, une dépendance, un deuil ou une simple suite de malchances. En seulement quelques semaines, on peut se retrouver à la rue. The Neon people rappelle qu’il ne s’agit pas de marginaux, mais de personnes ordinaires happées par un système qui ne laisse aucune seconde chance.
Là-dessous, tout se réduit à l’essentiel : trouver une dose, un peu d’eau, un endroit sec. La vie s’organise pourtant, avec ses règles, ses votes, sa communauté. Les visages sont marqués, les gestes lents, mais il reste de la douceur. Mary récupère des fleurs fanées pour décorer son abri. "Avec des choses moches, on peut faire de jolies choses", explique-t-elle à la lueur bleutée de sa lampe frontale.
Le réalisateur nous livre un documentaire sans idées reçues ni jugement. La caméra capte les pleurs, les silences, les éclats de rire, les espoirs. Les images alternent entre les façades dorées du Strip et la poussière du désert du Nevada qui borde les galeries. Ce contraste dit tout : une ville saturée de lumière et de richesse, où tant d’hommes et de femmes vivent dans les abîmes de la précarité la plus totale. Le mythe américain s’effrite, mais la dignité tente désespérément de tenir debout.
Les témoignages traduisent la peur : celle d’être sobre, de recommencer à zéro, ou de rater encore. "Impossible de se motiver sans drogue" confie l’un d’eux, adossé à la bannière étoilée, symbole d'un rêve américain définitivement derrière lui. Le temps passe, les jours se confondent. Certains naissent dans ces tunnels, d’autres y vieillissent sans s’en rendre compte. Malgré les multiples overdoses, la solitude ou la violence, reste l’envie de se battre, de ne plus vivre ainsi.
Pour son sixième film, Jean-Baptiste Thoret propose une œuvre sur l’addiction, l’errance et le courage, portée par un regard profondément humain. Un film bouleversant qui force le spectateur à regarder "les invisibles" sans détour. Derrière les façades lumineuses et luxueuses des palaces et des casinos de "Sin City", il révèle une vérité simple : il suffit parfois de peu pour tomber, mais il faut une immense force pour se relever.
The Neon people, de Jean-Baptiste Thoret
En salles le 22 octobre 2025.
Soutien à la production de la Région Nouvelle-Aquitaine et du Département de la Charente-Maritime, en partenariat avec le CNC, accompagné par ALCA.