"Toute sa vie, Christine de Rivoyre, comme Colette, s’est intéressée aux éclosions"
Il y a cinquante ans, en 1968, paraissait chez Grasset Le Petit matin, un chef-d'œuvre romanesque pour lequel Christine de Rivoyre recevait quelques mois plus tard le Prix Interallié. À l'automne dernier, est née l'association des Amis de Christine de Rivoyre que préside Frédéric Maget. Elle ambitionne de faire vivre l'œuvre de l'écrivain très attachée aux Landes et à Onesse-et-Laharie.
À l'automne dernier, l'association des Amis de Christine de Rivoyre est née. Qu'est-ce qui a motivé ce projet ?
Frédéric Maget : L’association est née de la volonté d’habitants d’Onesse-et-Laharie, village où vit Christine de Rivoyre, de lecteurs et de proches de faire découvrir ou redécouvrir la vie et l’œuvre de la romancière par le biais de publications, de rencontres, d’actions culturelles et pédagogiques, notamment dans les Landes. Christine de Rivoyre fut pendant quarante ans, de son premier à son dernier roman, de L’Alouette au miroir, en 1955, à Racontez-moi les flamboyants, en 1995, un des auteurs préféré des Français. Des romans comme Le Petit matin, Boy ou Belle Alliance ont laissé une empreinte durable dans la mémoire et le patrimoine landais. Il nous revient de réactiver ce lien et de le renforcer en faisant connaître ces textes à de nouveaux lecteurs et notamment aux nouvelles générations.
Vous êtes le président de cette association, de même que vous présidez la Société des Amis de Colette. Qu'est-ce qui vous lie à Christine de Rivoyre et à son œuvre ?
Le lien entre Colette et Christine de Rivoyre est profond et a été noté par la critique dès L’Alouette au miroir. En 1966, Colette de Jouvenel, la fille unique de Colette, fit appel à Christine pour prononcer un discours lors de l’inauguration de la rue Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye, le village natal de la romancière. Christine de Rivoyre y est revenue très régulièrement par la suite, notamment à l’occasion des réunions de la Société des amis de Colette. C’est ainsi que j’ai fait sa connaissance. Tout de suite, j’ai été frappé par l’intelligence et l’originalité de Christine de Rivoyre. Ses mots, sa façon de regarder le monde, sa perspicacité, son ironie mordante aussi, toutes les marques de son style d’écrivain que je retrouvais dans sa conversation m’ont immédiatement séduit.
"Pour nous soutenir dans notre action, nous avons reçu le soutien de nombreux amis et admirateurs illustres de la romancière, tels Bernard Pivot, Jérôme Garcin ou Evelyne Bloch-Dano."
Quelles sont les ambitions de l'association qui réunit dans son comité d'honneur quelques personnalités et écrivains célèbres ?
F.M. : Le but est de faire redécouvrir au plus grand nombre l’œuvre de Christine de Rivoyre. Son dernier roman, Racontez-moi les flamboyants a été publié en 1995. Depuis, beaucoup de ses lecteurs – très nombreux, car chacun de ses livres étaient des best-sellers – l’avaient un peu oubliée. Lors de la sortie en 2014 de Flying-Fox, le livre de souvenirs de Christine de Rivoyre, j’avais pu constater, à Bordeaux et à la Baule par exemple, combien son œuvre avait marqué des générations de lecteurs, notamment dans le Sud-Ouest. Cela m’a beaucoup encouragé. Pour nous soutenir dans notre action, nous avons reçu le soutien de nombreux amis et admirateurs illustres de la romancière, tels Bernard Pivot, Jérôme Garcin, Evelyne Bloch-Dano, Claude Arnaud, Sabine Haudepin ou Stéphane Hoffmann. Beaucoup d’entre eux ont accepté très généreusement de participer au premier numéro des Cahiers Christine de Rivoyre, paru en juin. En plus de leurs témoignages, le lecteur peut y découvrir des nouvelles inédites de l’auteur et une étude sur la réception du Petit matin.
Cette année, cela fait cinquante ans qu'est paru Le Petit matin, le chef-d'œuvre romanesque de Christine de Rivoyre pour lequel elle a obtenu le Prix Interallié. Quelle est l'importance de ce texte ? Sa modernité ? Comment a-t-il alors été reçu ?
F.M. : Le Petit matin a été publié en 1968, à peine quelques semaines avant les événements de mai. Le succès critique et public fut immédiat, à la fois en raison de la nouveauté et le caractère scandaleux du thème – l’histoire d’amour d’une jeune femme pour un officier allemand en pleine Occupation – et aussi pour sa réussite stylistique. Les pages que Christine de Rivoyre consacre à la forêt landaise et aux chevaux comptent parmi les plus belles de l’œuvre et sans doute parmi les plus belles jamais consacrées aux Landes. Le Petit matin appartient à cette famille de livres qu’on se passe de lecteur en lecteur, où l’on goûte chaque phrase, chaque mot avec un plaisir intact. Pas étonnant que Bernard Pivot ou Jérôme Garcin lui aient consacré des articles enthousiastes lors de sa réédition en 2008. Nous attendons désormais avec impatience la sortie en DVD du film de Jean-Gabriel Albiccoco, adapté du roman, avec Mathieu Carrière et Catherine Jourdan dans les rôles principaux.
"Il y a chez Christine de Rivoyre une révolte permanente contre la bêtise et l’hypocrisie."
Que diriez-vous de l'œuvre de Christine de Rivoyre à un jeune lectorat d'aujourd'hui qui ne la connaitrait pas ?
F.M. : Toute sa vie, Christine de Rivoyre, comme Colette, s’est intéressée aux éclosions. Elle avait une compréhension très fine, presque instinctive, des enfants et des adolescents. Beaucoup de ses romans, qu’il s’agisse du Petit matin, de Boy ou bien encore de La Glace à l’ananas, un roman moins connu, mettent en scène des personnages d’adolescents qui refusent les compromissions du monde des adultes. Il y a chez Christine de Rivoyre une révolte permanente contre la bêtise et l’hypocrisie. Jérôme Garin a, à son propos, une phrase qui me paraît très juste : "Les romans de Christine de Rivoyre sont de terribles courroux tempérés par la beauté du monde". Se révolter contre la bêtise et apprendre à contempler la beauté du monde, ce sont, je crois, de beaux messages à la jeunesse.