Biarritz Amérique latine 2018 : "Modelo Estereo", un documentaire franco-colombien
En sélection officielle à cette 27ème édition du Festival Biarritz Amérique latine, Modelo Estereo est une coproduction franco-colombienne. David Hurst, producteur et gérant de Dublin Films, revient sur la construction de ce projet, entre Bordeaux et Bogota.
À quel moment de son avancement et pour quelles raisons Dublin Films s’est-il associé au projet ?
David Hurst : Nous nous sommes associés assez tard à ce projet. Celui-ci a débuté à l’initiative d’un collectif de cinq jeunes réalisateurs à Bogota, dont fait partie Nicolás Gomez. C’est lui qui a eu l’idée de s’intéresser à la prison de Bogota, la plus grande de Colombie, parce que son père y avait été incarcéré des années plus tôt pour un fait divers. Il lui avait alors rendu visite à plusieurs reprises. Quand son père en est sorti, il a conservé un intérêt pour cette prison. Il a commencé à s’y rendre de temps en temps, avec des membres du collectif. Ils y ont découvert progressivement que des groupes de personnes incarcérées s’étaient formés autour de la chapelle et d’un studio de musique qui s’est petit à petit créé dans cette chapelle. Cette première étape, jalonnée de quelques rencontres dans ces lieux, remonte à environ cinq ans.
C’est après deux années passées à faire ces allers-retours dans la prison qu’ils ont décidé de réaliser un film. Ils ont d’abord trouvé un producteur colombien qui a inscrit le projet dans un forum de coproduction ayant lieu tous les ans à Bogota, le Bogota audiovisual market (ou "BAM"). J’avais repéré ce projet dans le catalogue du BAM en 2016 et rencontré le producteur. Il m’avait alors montré un teaser de trois minutes qui nous plongeait dans l’univers de la prison. Cela m’a tout de suite saisi, comme un monde à part, une ville dans la ville. Des personnages se dessinaient déjà, le lien avec la musique aussi était affirmé. J’ai donc souhaité prendre part à ce projet, qui est ma première expérience de coproduction avec le cinéma colombien. Le producteur, Jacques Toulemonde Vidal, est également un réalisateur et scénariste reconnu pour avoir coécrit L’Étreinte du serpent, nommé au Oscars en 2016. C’est quelqu’un de passionnant, qui m’a également incité à m’engager.
Qu’avez-vous apporté au projet ?
D.H. : Quelques mois après l’avoir rencontré au BAM, j’ai retrouvé Nicolás Gomez, de passage à Bordeaux où il a des amis depuis qu’il y a étudié le droit. Il m’a apporté plein de détails sur l’histoire et nous avons alors commencé à écrire ensemble. Avant cette rencontre, aucun texte n’avait été produit, ce qui était pourtant nécessaire pour solliciter des fonds régionaux de soutien à la production. Nous avons ainsi pu demander une aide au développement de la Région Nouvelle-Aquitaine, que nous avons obtenue.
Le collectif a continué de tourner pendant que nous peaufinions le texte. J’ai démarché d’autres diffuseurs français pour soutenir le projet mais aucun ne s’est engagé. Ils trouvaient le tournage trop éloigné, ne connaissaient pas le collectif… Sans trouver d’autres financements, j’ai suivi le projet jusqu’au bout, notamment au montage où nous avons dû composer avec énormément de rushes accumulés sur plusieurs années.
David Hurst : Nous nous sommes associés assez tard à ce projet. Celui-ci a débuté à l’initiative d’un collectif de cinq jeunes réalisateurs à Bogota, dont fait partie Nicolás Gomez. C’est lui qui a eu l’idée de s’intéresser à la prison de Bogota, la plus grande de Colombie, parce que son père y avait été incarcéré des années plus tôt pour un fait divers. Il lui avait alors rendu visite à plusieurs reprises. Quand son père en est sorti, il a conservé un intérêt pour cette prison. Il a commencé à s’y rendre de temps en temps, avec des membres du collectif. Ils y ont découvert progressivement que des groupes de personnes incarcérées s’étaient formés autour de la chapelle et d’un studio de musique qui s’est petit à petit créé dans cette chapelle. Cette première étape, jalonnée de quelques rencontres dans ces lieux, remonte à environ cinq ans.
C’est après deux années passées à faire ces allers-retours dans la prison qu’ils ont décidé de réaliser un film. Ils ont d’abord trouvé un producteur colombien qui a inscrit le projet dans un forum de coproduction ayant lieu tous les ans à Bogota, le Bogota audiovisual market (ou "BAM"). J’avais repéré ce projet dans le catalogue du BAM en 2016 et rencontré le producteur. Il m’avait alors montré un teaser de trois minutes qui nous plongeait dans l’univers de la prison. Cela m’a tout de suite saisi, comme un monde à part, une ville dans la ville. Des personnages se dessinaient déjà, le lien avec la musique aussi était affirmé. J’ai donc souhaité prendre part à ce projet, qui est ma première expérience de coproduction avec le cinéma colombien. Le producteur, Jacques Toulemonde Vidal, est également un réalisateur et scénariste reconnu pour avoir coécrit L’Étreinte du serpent, nommé au Oscars en 2016. C’est quelqu’un de passionnant, qui m’a également incité à m’engager.
Qu’avez-vous apporté au projet ?
D.H. : Quelques mois après l’avoir rencontré au BAM, j’ai retrouvé Nicolás Gomez, de passage à Bordeaux où il a des amis depuis qu’il y a étudié le droit. Il m’a apporté plein de détails sur l’histoire et nous avons alors commencé à écrire ensemble. Avant cette rencontre, aucun texte n’avait été produit, ce qui était pourtant nécessaire pour solliciter des fonds régionaux de soutien à la production. Nous avons ainsi pu demander une aide au développement de la Région Nouvelle-Aquitaine, que nous avons obtenue.
Le collectif a continué de tourner pendant que nous peaufinions le texte. J’ai démarché d’autres diffuseurs français pour soutenir le projet mais aucun ne s’est engagé. Ils trouvaient le tournage trop éloigné, ne connaissaient pas le collectif… Sans trouver d’autres financements, j’ai suivi le projet jusqu’au bout, notamment au montage où nous avons dû composer avec énormément de rushes accumulés sur plusieurs années.
"J’ai commencé à me positionner sur des projets comme Modelo où j’étais cette fois le seul Français, avec un impact et une implication beaucoup plus importants sur le projet."
S’agit-il de la première coproduction étrangère pour Dublin Films ? D’autres sont-elles prévues ?
D.H. : Dublin Films existe depuis douze ans maintenant et son activité s’est structurée à partir de 2011, quand je l’ai rejoint. Assez vite, j’ai eu l’envie de développer non seulement du cinéma français mais aussi du cinéma d’auteur international. Nous avons eu une première expérience de coproduction en 2013 avec Pasolini d’Abel Ferrara. Ce film a été le déclencheur pour ensuite multiplier les expériences de coproduction, notamment à l’international. Nous avons donc fait plusieurs longs métrages en coproduction et, fort de ces expériences où nous étions minoritaires, j’ai commencé à me positionner sur des projets comme Modelo où j’étais cette fois le seul Français, avec un impact et une implication beaucoup plus importants sur le projet.
Aujourd’hui, il y a beaucoup de coproductions étrangères prévues ! Deux autres projets sont en cours en Colombie, notamment le deuxième long métrage d’un réalisateur extrêmement talentueux, Juan Sebastian Mesa, qui a été accueilli l’an dernier à la Cinéfondation du Festival de Cannes. Et il y en a d’autres, avec des productions en Argentine, au Venezuela ou à Cuba, où l’on vient de terminer un projet soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine avec un réalisateur brésilien que j’avais par ailleurs rencontré lors du Festival Biarritz Amérique latine.
Qu’est-ce qui explique cette affinité que vous entretenez avec les pays d’Amérique latine ?
D.H. : Avant de faire de la production, il se trouve que j’ai beaucoup voyagé aux États-Unis ou en Europe. Je ne connaissais pas du tout l’Amérique latine avant de me rendre à Buenos Aires, où j’ai eu un choc. La deuxième fois, à Bogota, j’ai été frappé par la présence de nombreux jeunes auteurs et réalisateurs qui, en raison de la situation politique et de l’avancement du processus de paix, étaient en mesure de s’adresser au monde différemment, de donner une autre vision de leur pays. Il y a un renouveau du cinéma colombien depuis cinq ans à peu près, porté notamment par les pouvoirs publics, ce qui avait été salué par la Cinémathèque à Paris lors d’une exposition sur "e cinéma colombien : hier, aujourd’hui, demain".
En Colombie, en Argentine, à Cuba, au Mexique et tout récemment au Venezuela, à chaque fois je rencontre des talents, qui ont une espèce de désir profond de faire du cinéma. Ils sont dans une joie presque enfantine de faire du cinéma, une fraîcheur qui me parle beaucoup et qui se mêle à une diversité culturelle entre les différents pays de cette région. La musique, la nourriture, le rythme de vie… Ce sont aussi ces choses du quotidien qui me plaisent, qui provoquent d’autres sensations, invitent d’autres couleurs.
Modelo Estereo est réalisé par le collectif Mario Grande. Comment travaille-ton avec un collectif de réalisateurs ?
D.H. : Tout au long du projet, j’étais surtout en relation avec Nicolás Gomez, qui était le seul à parler parfaitement français et qui était en quelque sorte leur porte-parole. Dès que j’avais un retour à faire sur le film, je m’adressais à lui et ils en discutaient tous ensemble.
D.H. : Dublin Films existe depuis douze ans maintenant et son activité s’est structurée à partir de 2011, quand je l’ai rejoint. Assez vite, j’ai eu l’envie de développer non seulement du cinéma français mais aussi du cinéma d’auteur international. Nous avons eu une première expérience de coproduction en 2013 avec Pasolini d’Abel Ferrara. Ce film a été le déclencheur pour ensuite multiplier les expériences de coproduction, notamment à l’international. Nous avons donc fait plusieurs longs métrages en coproduction et, fort de ces expériences où nous étions minoritaires, j’ai commencé à me positionner sur des projets comme Modelo où j’étais cette fois le seul Français, avec un impact et une implication beaucoup plus importants sur le projet.
Aujourd’hui, il y a beaucoup de coproductions étrangères prévues ! Deux autres projets sont en cours en Colombie, notamment le deuxième long métrage d’un réalisateur extrêmement talentueux, Juan Sebastian Mesa, qui a été accueilli l’an dernier à la Cinéfondation du Festival de Cannes. Et il y en a d’autres, avec des productions en Argentine, au Venezuela ou à Cuba, où l’on vient de terminer un projet soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine avec un réalisateur brésilien que j’avais par ailleurs rencontré lors du Festival Biarritz Amérique latine.
Qu’est-ce qui explique cette affinité que vous entretenez avec les pays d’Amérique latine ?
D.H. : Avant de faire de la production, il se trouve que j’ai beaucoup voyagé aux États-Unis ou en Europe. Je ne connaissais pas du tout l’Amérique latine avant de me rendre à Buenos Aires, où j’ai eu un choc. La deuxième fois, à Bogota, j’ai été frappé par la présence de nombreux jeunes auteurs et réalisateurs qui, en raison de la situation politique et de l’avancement du processus de paix, étaient en mesure de s’adresser au monde différemment, de donner une autre vision de leur pays. Il y a un renouveau du cinéma colombien depuis cinq ans à peu près, porté notamment par les pouvoirs publics, ce qui avait été salué par la Cinémathèque à Paris lors d’une exposition sur "e cinéma colombien : hier, aujourd’hui, demain".
En Colombie, en Argentine, à Cuba, au Mexique et tout récemment au Venezuela, à chaque fois je rencontre des talents, qui ont une espèce de désir profond de faire du cinéma. Ils sont dans une joie presque enfantine de faire du cinéma, une fraîcheur qui me parle beaucoup et qui se mêle à une diversité culturelle entre les différents pays de cette région. La musique, la nourriture, le rythme de vie… Ce sont aussi ces choses du quotidien qui me plaisent, qui provoquent d’autres sensations, invitent d’autres couleurs.
Modelo Estereo est réalisé par le collectif Mario Grande. Comment travaille-ton avec un collectif de réalisateurs ?
D.H. : Tout au long du projet, j’étais surtout en relation avec Nicolás Gomez, qui était le seul à parler parfaitement français et qui était en quelque sorte leur porte-parole. Dès que j’avais un retour à faire sur le film, je m’adressais à lui et ils en discutaient tous ensemble.
"La chaine de télévision Señal Colombia, l’un des principaux partenaires financiers du projet, diffuse le film à la fin du mois."
Quelle est l’actualité de Modelo Estereo en-dehors de ce festival ?
D.H. : Le film est ou sera en sélection dans d’autres festivals. Nous allons retenter des ventes chez les diffuseurs et dans d’autres pays d’Amérique latine. La chaine de télévision Señal Colombia, l’un des principaux partenaires financiers du projet, diffuse le film à la fin du mois. Señal Colombia est une chaine nationale, publique et culturelle, un peu comme Arte. C’est une belle nouvelle pour le film.
Concevez-vous des accointances entre la coproduction internationale et l’association régionale de producteurs, vous qui êtes membre du bureau de la PEÑA, association des producteurs de Nouvelle-Aquitaine ?
D.H. : Oui, complètement. Je suis producteur en région mais, pour autant, je ne produis pas que des films sur la région ou tournés dans la région. Il y a en Nouvelle-Aquitaine une grande liberté pour produire et une grande capacité à être plus facilement identifié. Fort de cet ancrage et de la mise en réseau des producteurs, je produis depuis la région dans tous les genres et tous les formats. C’est par cet effort d’association entre acteurs du même territoire que nous pouvons mettre en valeur la diversité de ces productions.
D.H. : Le film est ou sera en sélection dans d’autres festivals. Nous allons retenter des ventes chez les diffuseurs et dans d’autres pays d’Amérique latine. La chaine de télévision Señal Colombia, l’un des principaux partenaires financiers du projet, diffuse le film à la fin du mois. Señal Colombia est une chaine nationale, publique et culturelle, un peu comme Arte. C’est une belle nouvelle pour le film.
Concevez-vous des accointances entre la coproduction internationale et l’association régionale de producteurs, vous qui êtes membre du bureau de la PEÑA, association des producteurs de Nouvelle-Aquitaine ?
D.H. : Oui, complètement. Je suis producteur en région mais, pour autant, je ne produis pas que des films sur la région ou tournés dans la région. Il y a en Nouvelle-Aquitaine une grande liberté pour produire et une grande capacité à être plus facilement identifié. Fort de cet ancrage et de la mise en réseau des producteurs, je produis depuis la région dans tous les genres et tous les formats. C’est par cet effort d’association entre acteurs du même territoire que nous pouvons mettre en valeur la diversité de ces productions.