Mona Chollet, vers une nouvelle image du monde
Les Amis du Monde Diplomatique ont organisé une séance de dédicaces à la Machine à Musique ce mardi 5 mars. La salle était pleine. Les lectrices (si nombreuses !) et les lecteurs attendaient leur tour sur des chaises rouges. Ils avaient tant à dire à Mona Chollet, auteure de Sorcières, la puissance invaincue des femmes, sorti à l’automne 2018 chez Zones. Et puis, ils ont migré à la Machine à Lire pour la rencontre. Salle comble, encore une fois. Le ton est donné : Place du Palais, on y brûlait autrefois des femmes.
Dans votre dernier livre, vous écrivez : "Dès lors, pour une femme pratiquer le culte de la déesse, se nourrir des images, c’est chasser une représentation par une autre. C’est se recentrer, s’autoriser à être soi-même la source de son salut, puiser ses ressources en soi, au lieu de s’en remettre toujours à des figures masculines légitimes et providentielles." Vous parlez beaucoup d’imaginaire. Quelle place la femme peut-elle encore gagner dans la fiction ?
Mona Chollet : Je crois qu’il y a beaucoup de places à gagner encore. Au cinéma et à la télévision, il y a toujours des contraintes qui font que, en dehors des productions confidentielles, dès que vous avez des productions grand public, ces industries étant très largement masculines, tenues par des gens qui projettent des fantasmes qui ne sont pas très élaborés, on se retrouve régulièrement avec des héroïnes qui peuvent être féministes, bad-ass mais toujours bien foutues, minces, hyper sexy etc. Même si on incarne des femmes ultra puissantes, il faut toujours rentrer dans la combinaison en latex.
Dans la littérature, il y a plus de marge de manœuvres car ce ne sont pas les mêmes conditions de production. Mais la littérature est aussi très masculine. Les grands auteurs traînent parfois la figure du démiurge qui peut avoir une vision des femmes un peu problématique. Je pense à Kate Millett et ses critiques de Miller et Hemingway…
Quel genre de femmes manque-t-il dans la littérature ?
M.C. : J’ai toujours trouvé des héroïnes assez frappantes. Goliarda Sapienza qui est une autrice très importante pour moi a écrit des personnages de femmes géniaux. J’ai parlé en outre dans le livre du personnage de Floppy.
Quelle place la femme peut-elle encore gagner dans la fiction ?
M.C. : On a une marge de progression infinie.
Que pensez-vous du slogan "The future will be female" que l’on voit parfois dans les manifestations ?
M.C. : Je n’aime pas trop les slogans, je crois… Ça va dépendre de la force avec laquelle on va réussir à maintenir ou pas tout ce mouvement intéressant et puissant qui est apparu avec #metoo. Il y a une progression linéaire mais aussi beaucoup de reculs et beaucoup d’oublis. On a une très mauvaise mémoire de ce que les femmes, les féministes ont écrit ou fait avant nous. Il est important d’entretenir une mémoire du féminisme. Ça nous fera gagner du temps.
Mona Chollet : Je crois qu’il y a beaucoup de places à gagner encore. Au cinéma et à la télévision, il y a toujours des contraintes qui font que, en dehors des productions confidentielles, dès que vous avez des productions grand public, ces industries étant très largement masculines, tenues par des gens qui projettent des fantasmes qui ne sont pas très élaborés, on se retrouve régulièrement avec des héroïnes qui peuvent être féministes, bad-ass mais toujours bien foutues, minces, hyper sexy etc. Même si on incarne des femmes ultra puissantes, il faut toujours rentrer dans la combinaison en latex.
Dans la littérature, il y a plus de marge de manœuvres car ce ne sont pas les mêmes conditions de production. Mais la littérature est aussi très masculine. Les grands auteurs traînent parfois la figure du démiurge qui peut avoir une vision des femmes un peu problématique. Je pense à Kate Millett et ses critiques de Miller et Hemingway…
Quel genre de femmes manque-t-il dans la littérature ?
M.C. : J’ai toujours trouvé des héroïnes assez frappantes. Goliarda Sapienza qui est une autrice très importante pour moi a écrit des personnages de femmes géniaux. J’ai parlé en outre dans le livre du personnage de Floppy.
Quelle place la femme peut-elle encore gagner dans la fiction ?
M.C. : On a une marge de progression infinie.
Que pensez-vous du slogan "The future will be female" que l’on voit parfois dans les manifestations ?
M.C. : Je n’aime pas trop les slogans, je crois… Ça va dépendre de la force avec laquelle on va réussir à maintenir ou pas tout ce mouvement intéressant et puissant qui est apparu avec #metoo. Il y a une progression linéaire mais aussi beaucoup de reculs et beaucoup d’oublis. On a une très mauvaise mémoire de ce que les femmes, les féministes ont écrit ou fait avant nous. Il est important d’entretenir une mémoire du féminisme. Ça nous fera gagner du temps.
"On a toujours l’idée que pour être acceptable, il faut se faire subir toutes sortes de traitements. Je crois qu’il faut arrêter de se brider tout le temps."
Vous citez Susan Sontag dans le livre qui dit quelque chose de très fort : "Les femmes devraient permettre à leur visage de raconter la vie qu’elles ont vécue. Les femmes devraient dire la vérité." De quoi relève cette "vérité" ?
M.C. : Ne pas rentrer dans le moule de la féminité acceptable. Ne pas se laisser intimider. C’est à la fois physique et psychique… On a toujours l’idée que pour être acceptable, il faut se faire subir toutes sortes de traitements… On est toujours bombardées d’idées reçues, il ne faut pas être trop intelligentes, trop drôles, trop cultivées… Il faut mettre une sourdine à tout ce qu’on est sinon on finira seule et dans la misère. Sur le physique, il faut être mince, jeune. Toujours garder une apparence la plus inoffensive possible, voilà les critères de beauté qu’on a. Je crois qu’il faut arrêter de se brider tout le temps.
C’est quoi être féministe ?
M.C. : Il y a plein de manières d’être féministe. J’aurais du mal à en définir une seule. Selon qu’on est hétéro, noire, blanche, trans, ce sont des problématiques particulières qui apparaissent. Il peut y avoir un mouvement commun, mais on a souvent des préoccupations et des priorités pas souvent concordantes et c’est très bien d’ailleurs.
Vous dites à propos de #metoo, et particulièrement du témoignage de Uma Thurman, ceci : "Mais contrairement à eux, je vivais cet effondrement comme une libération, une percée décisive, comme une transformation de l’univers social. On avait le sentiment qu’une nouvelle image du monde luttait pour advenir." Quelle est cette nouvelle image du monde ?
M.C. : Une nouvelle image du monde, c’est un monde où les femmes peuvent imposer un récit fidèle à ce qu’elles vivent et ne pas se couler dans le récit qu’on fabrique pour elle.
Pour finir, on parlait de mémoire, de connaissance de l'histoire du féminisme, je repense à votre citation de Françoise d’Eaubonne : "Les contemporains sont façonnés par des événements qu’ils peuvent ignorer et dont la mémoire même sera perdue ; mais rien ne peut empêcher qu’ils seraient différents, et penseraient peut-être d’autre façon, si ces événements n’avaient pas eu lieu." Jusqu’où peut-on aller grâce à cette connaissance et cette libération ?
M.C. : Dans ce passage, elle parlait vraiment des chasses aux sorcières, un événement dont on n’a pas forcément conscience mais qui a façonné le monde dans lequel on vit. C’est une arme de se renseigner sur ce passé et de savoir effectivement quels événements ont eu lieu et de prendre conscience qu’on est le produit d’une histoire pour ne pas être le jouet de ces histoires passées mais pouvoir justement être actifs.
M.C. : Ne pas rentrer dans le moule de la féminité acceptable. Ne pas se laisser intimider. C’est à la fois physique et psychique… On a toujours l’idée que pour être acceptable, il faut se faire subir toutes sortes de traitements… On est toujours bombardées d’idées reçues, il ne faut pas être trop intelligentes, trop drôles, trop cultivées… Il faut mettre une sourdine à tout ce qu’on est sinon on finira seule et dans la misère. Sur le physique, il faut être mince, jeune. Toujours garder une apparence la plus inoffensive possible, voilà les critères de beauté qu’on a. Je crois qu’il faut arrêter de se brider tout le temps.
C’est quoi être féministe ?
M.C. : Il y a plein de manières d’être féministe. J’aurais du mal à en définir une seule. Selon qu’on est hétéro, noire, blanche, trans, ce sont des problématiques particulières qui apparaissent. Il peut y avoir un mouvement commun, mais on a souvent des préoccupations et des priorités pas souvent concordantes et c’est très bien d’ailleurs.
Vous dites à propos de #metoo, et particulièrement du témoignage de Uma Thurman, ceci : "Mais contrairement à eux, je vivais cet effondrement comme une libération, une percée décisive, comme une transformation de l’univers social. On avait le sentiment qu’une nouvelle image du monde luttait pour advenir." Quelle est cette nouvelle image du monde ?
M.C. : Une nouvelle image du monde, c’est un monde où les femmes peuvent imposer un récit fidèle à ce qu’elles vivent et ne pas se couler dans le récit qu’on fabrique pour elle.
Pour finir, on parlait de mémoire, de connaissance de l'histoire du féminisme, je repense à votre citation de Françoise d’Eaubonne : "Les contemporains sont façonnés par des événements qu’ils peuvent ignorer et dont la mémoire même sera perdue ; mais rien ne peut empêcher qu’ils seraient différents, et penseraient peut-être d’autre façon, si ces événements n’avaient pas eu lieu." Jusqu’où peut-on aller grâce à cette connaissance et cette libération ?
M.C. : Dans ce passage, elle parlait vraiment des chasses aux sorcières, un événement dont on n’a pas forcément conscience mais qui a façonné le monde dans lequel on vit. C’est une arme de se renseigner sur ce passé et de savoir effectivement quels événements ont eu lieu et de prendre conscience qu’on est le produit d’une histoire pour ne pas être le jouet de ces histoires passées mais pouvoir justement être actifs.
Nathalie Man est une poétesse, autrice et street-artiste française. Elle affiche ses poèmes dans les rues de France et d’ailleurs depuis 2013. Elle a récemment publié un livre féministe, Le Journal d’Elvire, aux éditions Le bord de l’eau. Pendant le confinement, elle a commencé un roman-photo. Elle incarne Amélie. Son premier roman sortira chez Lanskine à l’automne 2022.