Xavier Rosan et "Le Festin", trente ans au service des patrimoines régionaux
À l’occasion du trentième anniversaire du Festin, pour lequel la Bibliothèque de Bordeaux Mériadeck propose une exposition jusqu’au 13 novembre, son directeur et cofondateur Xavier Rosan revient sur l’histoire de la revue patrimoniale et ses ambitions à l’échelle de la région Nouvelle-Aquitaine.
Jusqu’au 13 novembre, la Bibliothèque Mériadeck propose une exposition retraçant l’histoire du Festin, 30 années à parcourir la Nouvelle-Aquitaine. Que peut-on y découvrir ?
Xavier Rosan : Depuis fin septembre, la Bibliothèque Mériadeck accueille une exposition consacrée aux 30 ans de la revue. Ce travail, réalisé en collaboration avec l’équipe du Festin et la bibliothèque, met surtout en avant des visuels. L’idée est de faire découvrir par l’image l’ensemble de nos productions, nos publications – revues, livres, hors-séries – étant référencées depuis toujours à la bibliothèque.
L’exposition rend compte de l’évolution de la revue, à travers notamment une série de couvertures, mais vise aussi à faire connaître la variété de nos travaux : la revue trimestrielle, des hors-séries, toute une gamme de livres s’incluant dans des collections et une vitrine présentant l’un de nos derniers nés, L’Éveilleur. À la différence de nos autres titres, pour lesquels nous assurons la diffusion, les publications de cette maison d’édition ont une vocation nationale.
D’autres rendez-vous ont-ils lieu en cette fin d’année pour célébrer cet anniversaire ?
X.R. : La Librairie Mollat a eu la gentillesse de nous accueillir au sein de la Station Ausone le 22 octobre dernier pour une conférence revenant sur l’histoire de la revue. Nous organisons également jusqu’à la fin de l’année un cycle de conférences sur l’histoire de l’art animées par Dominique Dussol, qui est l’un de nos auteurs et président du comité scientifique de la revue. Ces rendez-vous ont pour thème le XIXe siècle et se déroulent au Théâtre du Pont Tournant, dans le quartier de Bacalan, à Bordeaux.
Dans le cadre du "Festin reçoit", nous organisons aussi des rencontres au sein de nos locaux en invitant des acteurs culturels régionaux pour un échange ou un débat. La prochaine a lieu le 13 novembre et interroge l’avenir du patrimoine industriel. Nous reviendrons notamment sur un livre que nous venons de réaliser sur la passerelle Eiffel, sur l’évolution des quartiers industriels comme celui de Bacalan et d’autres endroits au-delà de Bordeaux concernés par le fer, la pierre et le béton.
C’est à l’automne 1989 que paraît le premier numéro de la revue. Vous écriviez dans le centième numéro, publié il y a deux ans, que la création du Festin relevait de l’utopie. En quoi était-ce utopique de lancer une telle revue patrimoniale ?
X.R. : Je pense qu’il serait encore plus utopique de créer cette revue aujourd’hui. En 1989, Le Festin était une publication consacrée aux patrimoines en région. La notion des patrimoines n’était pas évidente à l’époque. Le point de vue, dès le départ, était de traiter le patrimoine dans son caractère le plus large à savoir les différents types de patrimoines – gastronomie, arts de vivre, architecture, beaux-arts, peinture, littérature, etc. – mais aussi le mouvement du patrimoine en intégrant la création contemporaine. La région Aquitaine était quant à elle une pure invention administrative et ses habitants se considéraient plutôt comme Girondins, Basques ou Landais plutôt qu’Aquitains. Il y avait donc un enjeu fort à montrer une diversité et une cohérence culturelles de ce nouveau territoire.
Xavier Rosan : Depuis fin septembre, la Bibliothèque Mériadeck accueille une exposition consacrée aux 30 ans de la revue. Ce travail, réalisé en collaboration avec l’équipe du Festin et la bibliothèque, met surtout en avant des visuels. L’idée est de faire découvrir par l’image l’ensemble de nos productions, nos publications – revues, livres, hors-séries – étant référencées depuis toujours à la bibliothèque.
L’exposition rend compte de l’évolution de la revue, à travers notamment une série de couvertures, mais vise aussi à faire connaître la variété de nos travaux : la revue trimestrielle, des hors-séries, toute une gamme de livres s’incluant dans des collections et une vitrine présentant l’un de nos derniers nés, L’Éveilleur. À la différence de nos autres titres, pour lesquels nous assurons la diffusion, les publications de cette maison d’édition ont une vocation nationale.
D’autres rendez-vous ont-ils lieu en cette fin d’année pour célébrer cet anniversaire ?
X.R. : La Librairie Mollat a eu la gentillesse de nous accueillir au sein de la Station Ausone le 22 octobre dernier pour une conférence revenant sur l’histoire de la revue. Nous organisons également jusqu’à la fin de l’année un cycle de conférences sur l’histoire de l’art animées par Dominique Dussol, qui est l’un de nos auteurs et président du comité scientifique de la revue. Ces rendez-vous ont pour thème le XIXe siècle et se déroulent au Théâtre du Pont Tournant, dans le quartier de Bacalan, à Bordeaux.
Dans le cadre du "Festin reçoit", nous organisons aussi des rencontres au sein de nos locaux en invitant des acteurs culturels régionaux pour un échange ou un débat. La prochaine a lieu le 13 novembre et interroge l’avenir du patrimoine industriel. Nous reviendrons notamment sur un livre que nous venons de réaliser sur la passerelle Eiffel, sur l’évolution des quartiers industriels comme celui de Bacalan et d’autres endroits au-delà de Bordeaux concernés par le fer, la pierre et le béton.
C’est à l’automne 1989 que paraît le premier numéro de la revue. Vous écriviez dans le centième numéro, publié il y a deux ans, que la création du Festin relevait de l’utopie. En quoi était-ce utopique de lancer une telle revue patrimoniale ?
X.R. : Je pense qu’il serait encore plus utopique de créer cette revue aujourd’hui. En 1989, Le Festin était une publication consacrée aux patrimoines en région. La notion des patrimoines n’était pas évidente à l’époque. Le point de vue, dès le départ, était de traiter le patrimoine dans son caractère le plus large à savoir les différents types de patrimoines – gastronomie, arts de vivre, architecture, beaux-arts, peinture, littérature, etc. – mais aussi le mouvement du patrimoine en intégrant la création contemporaine. La région Aquitaine était quant à elle une pure invention administrative et ses habitants se considéraient plutôt comme Girondins, Basques ou Landais plutôt qu’Aquitains. Il y avait donc un enjeu fort à montrer une diversité et une cohérence culturelles de ce nouveau territoire.
"On m’avait même conseillé de reprendre mes études plutôt que de me lancer dans ce projet fou."
Un autre enjeu était économique : les diffuseurs régionaux et les libraires n’étaient pas forcément convaincus par le projet. On m’avait même conseillé de reprendre mes études plutôt que de me lancer dans ce projet fou. Il n’y avait pas alors de modèle économique et je crois qu’aujourd’hui il est impossible de créer un tel projet sans modèle économique.
Quelles volontés et quels acteurs ont alors permis le lancement du Festin ?
X.R. : À la fin des années 1980, j’étudiais l’histoire de l’art à l’Université Bordeaux 3 [aujourd’hui Université Bordeaux Montaigne, ndlr]. C’est en discutant avec mes professeurs, des universitaires et des intervenants extérieurs, notamment du service de l’Inventaire, que j’ai pu bénéficier de soutiens intellectuels et d’appuis précieux. Ces personnes nous ont permis l’ouverture de quelques portes et à terme des premiers financements. Parmi ces premiers financeurs, figurait l’ancêtre d’ALCA, le Centre régional des lettres, puis ont suivi le ministère de la Culture via la Drac. Le tournant décisif s’est produit en 1997 avec la constitution d’un comité de pilotage qui a décidé de nous faire confiance et de nous permettre de nous professionnaliser. La Région Aquitaine, puis la Région Nouvelle-Aquitaine, est ainsi devenue dans ce schéma le principal soutien de la revue, accompagnée dans une moindre mesure par la Drac, les Départements et la Ville de Bordeaux.
Quelles ont été les grandes évolutions de la revue ?
X.R. : Après le tournant de 1997, nous avons décidé d’élargir notre diffusion au marché de marchands de journaux, ce qui a nécessairement entraîné une augmentation des tirages et des coûts de production. Aujourd’hui, nous diffusons 80 % des exemplaires par les marchands de journaux et 20 % en librairies, contre 100 % en librairies auparavant. Cette croissance de la diffusion s’est accompagnée d’une amélioration de la qualité de production.
Nous avons commencé assez tôt, vers 1992-1993, à faire de l’édition littéraire de manière construite, autour d’un programme éditorial. Nous nous sommes inscrits dans le paysage aquitain dans la diffusion des connaissances en matière de patrimoine avec des beaux livres, sur les beaux-arts ou le patrimoine. Nous avons ensuite commencé à faire des hors-séries au début des années 2000. L’un des premiers, réalisé avec la Drac et les Monuments historiques, notamment le conservateur régional Alain Rieu, s’intitulait L’Aquitaine monumentale. Le titre a connu un beau succès et nous a interrogés sur l’opportunité d’investir le territoire du hors-série. Une date essentielle pour nous reste 2006, quand nous sortons Bordeaux en 101 sites et monuments, six mois avant que la ville n’obtienne le label UNESCO. Ce très grand succès, qui vit sa dixième édition, a donné naissance à une gamme de hors-séries qui, à travers la sélection de 101 sites, permet au lecteur d’entrer à sa guise dans le titre en reconnaissant certains édifices et en en découvrant d’autres.
Quelles volontés et quels acteurs ont alors permis le lancement du Festin ?
X.R. : À la fin des années 1980, j’étudiais l’histoire de l’art à l’Université Bordeaux 3 [aujourd’hui Université Bordeaux Montaigne, ndlr]. C’est en discutant avec mes professeurs, des universitaires et des intervenants extérieurs, notamment du service de l’Inventaire, que j’ai pu bénéficier de soutiens intellectuels et d’appuis précieux. Ces personnes nous ont permis l’ouverture de quelques portes et à terme des premiers financements. Parmi ces premiers financeurs, figurait l’ancêtre d’ALCA, le Centre régional des lettres, puis ont suivi le ministère de la Culture via la Drac. Le tournant décisif s’est produit en 1997 avec la constitution d’un comité de pilotage qui a décidé de nous faire confiance et de nous permettre de nous professionnaliser. La Région Aquitaine, puis la Région Nouvelle-Aquitaine, est ainsi devenue dans ce schéma le principal soutien de la revue, accompagnée dans une moindre mesure par la Drac, les Départements et la Ville de Bordeaux.
Quelles ont été les grandes évolutions de la revue ?
X.R. : Après le tournant de 1997, nous avons décidé d’élargir notre diffusion au marché de marchands de journaux, ce qui a nécessairement entraîné une augmentation des tirages et des coûts de production. Aujourd’hui, nous diffusons 80 % des exemplaires par les marchands de journaux et 20 % en librairies, contre 100 % en librairies auparavant. Cette croissance de la diffusion s’est accompagnée d’une amélioration de la qualité de production.
Nous avons commencé assez tôt, vers 1992-1993, à faire de l’édition littéraire de manière construite, autour d’un programme éditorial. Nous nous sommes inscrits dans le paysage aquitain dans la diffusion des connaissances en matière de patrimoine avec des beaux livres, sur les beaux-arts ou le patrimoine. Nous avons ensuite commencé à faire des hors-séries au début des années 2000. L’un des premiers, réalisé avec la Drac et les Monuments historiques, notamment le conservateur régional Alain Rieu, s’intitulait L’Aquitaine monumentale. Le titre a connu un beau succès et nous a interrogés sur l’opportunité d’investir le territoire du hors-série. Une date essentielle pour nous reste 2006, quand nous sortons Bordeaux en 101 sites et monuments, six mois avant que la ville n’obtienne le label UNESCO. Ce très grand succès, qui vit sa dixième édition, a donné naissance à une gamme de hors-séries qui, à travers la sélection de 101 sites, permet au lecteur d’entrer à sa guise dans le titre en reconnaissant certains édifices et en en découvrant d’autres.
"À partir de septembre 2020, nous lançons une nouvelle formule destinée notamment à investir complètement la Nouvelle-Aquitaine dans toute sa diversité."
Parmi ces évolutions, quel a été l’impact du changement d’échelle à la suite de la création de la région Nouvelle-Aquitaine ?
X.R. : La Nouvelle-Aquitaine est pour nous un enjeu très galvanisant bien qu’il implique des efforts conséquents : passer de cinq départements à douze, s’inscrire dans la plus vaste région de France avec de longs déplacements et des disparités de population, engendre nécessairement une adaptation de notre part. D’un point de vue éditorial, les sujets des numéros et hors-séries que nous avons développés hier sur Bordeaux et l’Aquitaine sont aujourd’hui étendus à l’ensemble des territoires de la Nouvelle-Aquitaine voire au-delà de la région. Cette nouvelle carte nous impose d’élargir notre réseau, de ne pas faire ce que font d’autres acteurs éditoriaux et donc prolonger notre travail avec le même prisme.
Après 30 années de publication, quelles sont les ambitions du Festin ?
X.R. : À partir de septembre 2020, nous lançons une nouvelle formule destinée notamment à investir complètement la Nouvelle-Aquitaine dans toute sa diversité. Il y a également pour nous un enjeu économique capital puisque l’essentiel de notre budget provient des ventes et des abonnements. Dans le cadre de la nouvelle région, nous nous devons de traiter de la même manière des territoires plus ou moins peuplés, où se trouvent plus ou moins de potentiels lecteurs. C’est presque pour nous une mission de service public de traiter chacun des territoires, une mission qui doit se concilier avec des impératifs économiques.
Dans le contexte éditorial particulièrement tendu que nous connaissons, nous avons l’obligation de renforcer l’assise économique de la structure. Il nous faut donc faire des choix forts pour maintenir la revue à flot et d’un autre côté développer toutes les autres productions comme les livres et les hors-séries. C’est dans cet esprit que nous avons pour projet de développer les hors-séries 101 sites et monuments dans des villes extrarégionales et de donner totalement son indépendance à L’Éveilleur.
X.R. : La Nouvelle-Aquitaine est pour nous un enjeu très galvanisant bien qu’il implique des efforts conséquents : passer de cinq départements à douze, s’inscrire dans la plus vaste région de France avec de longs déplacements et des disparités de population, engendre nécessairement une adaptation de notre part. D’un point de vue éditorial, les sujets des numéros et hors-séries que nous avons développés hier sur Bordeaux et l’Aquitaine sont aujourd’hui étendus à l’ensemble des territoires de la Nouvelle-Aquitaine voire au-delà de la région. Cette nouvelle carte nous impose d’élargir notre réseau, de ne pas faire ce que font d’autres acteurs éditoriaux et donc prolonger notre travail avec le même prisme.
Après 30 années de publication, quelles sont les ambitions du Festin ?
X.R. : À partir de septembre 2020, nous lançons une nouvelle formule destinée notamment à investir complètement la Nouvelle-Aquitaine dans toute sa diversité. Il y a également pour nous un enjeu économique capital puisque l’essentiel de notre budget provient des ventes et des abonnements. Dans le cadre de la nouvelle région, nous nous devons de traiter de la même manière des territoires plus ou moins peuplés, où se trouvent plus ou moins de potentiels lecteurs. C’est presque pour nous une mission de service public de traiter chacun des territoires, une mission qui doit se concilier avec des impératifs économiques.
Dans le contexte éditorial particulièrement tendu que nous connaissons, nous avons l’obligation de renforcer l’assise économique de la structure. Il nous faut donc faire des choix forts pour maintenir la revue à flot et d’un autre côté développer toutes les autres productions comme les livres et les hors-séries. C’est dans cet esprit que nous avons pour projet de développer les hors-séries 101 sites et monuments dans des villes extrarégionales et de donner totalement son indépendance à L’Éveilleur.