La Librairie Olympique, 30 ans de poésie et d'action culturelle à Bordeaux
En 1989, Jean-Paul Brussac créa, sur la place du Marché des Chartrons, à Bordeaux, la Librairie Olympique. 30 ans après, il évoque avec Prologue l’évolution de sa librairie dont il a voulu, dès le début, qu’elle s’inscrive dans la vie du quartier.
Pouvez-vous nous présenter le contexte de la création de la librairie ?
Jean-Paul Brussac : C’est à l’âge de 20 ans, à l’issue de plusieurs rencontres et de plusieurs expériences, dont celle que j’ai connue au sein de la librairie Shakespeare et co, à Paris, que j’ai envisagé d’ouvrir une librairie. Installé à Bordeaux, j’ai constaté qu’il n’existait pas sur la ville d’événement qui faisait de manière optimale le relai de maisons d’édition de poésie, ce qui a nourri mon désir de créer le Marché de la poésie.
Puis, lorsque j’ai lancé mes prospections, j’ai exploré d’abord les abords de Bordeaux. Mais dans la mesure où j’habitais les Chartrons, je me suis rendu compte du potentiel qu’offrait le quartier au regard de l’évolution de la ville. Il ne faut pas perdre de vue qu’à la fin des années 80, ce quartier était loin d’être aussi animé qu’aujourd’hui.
Au-delà de la Librairie Olympique, vous avez créé le Marché de la poésie. Comment cela s’est-il passé ?
J-P.B. : Comme je vous l’indiquais, j’avais identifié qu’il y avait sur Bordeaux un espace pour une manifestation littéraire spécifiquement dédiée à la poésie. La mairie de Bordeaux portait par ailleurs un projet de réaménagement de la place du Marché de Chartons, qui posait notamment l’hypothèse de la destruction de la halle et était loin de faire l’unanimité.
Avec l’association culturelle du Marché des Chartrons, nous nous sommes positionnés en militant d’une part pour la sauvegarde et la restauration de la halle et, d’autre part, en proposant d’animer la halle avec ce qui deviendra le Marché de la poésie.
"Nous avons par exemple organisé des projections cinématographiques et des lectures […] avec l'association des commerçants du quartier."
Comment se sont construits les partenariats avec les acteurs locaux ?
J-P.B. : À la suite de la création du Marché de la poésie, François Mauget, du Théâtre des Tafurs, m’a proposé une collaboration qui nous a permis de développer le festival. Nous avons ainsi passé un cap en étayant notamment les aspects administratifs de l’action. En outre, en tant qu’acteur culturel, il participait évidemment à la programmation culturelle du Marché de la poésie.
À cela, des actions ponctuelles ont été développées, notamment avec l'association des commerçants du quartier. Nous avons par exemple organisé des projections cinématographiques et des lectures.
Au regard de l’évolution du quartier, comment avez-vous adapté l’offre de la librairie ?
J-P.B. : Tout cela s’est passé de manière empirique. En effet, la clientèle était au début essentiellement composée de personnes âgées. Puis, la population du quartier, et donc la clientèle, s’est modifiée et m’a amené à mettre en place une pochothèque. L’évolution familiale des nouveaux arrivants m’a ensuite invité à développer un rayon jeunesse. Au-delà, la vitrine est devenue un vrai appel : je vends aujourd'hui des ouvrages que l’on pourrait qualifier "d’exigeants" avec pour seul "argument de vente" la présentation en vitrine. Je maintiens néanmoins un rayon poésie qui constitue approximativement un cinquième du fonds de la librairie.
"Il est évident que ce taux de rotation très lent est un choix totalement assumé et qui ne fera jamais de moi un homme riche."
La constitution de ce fonds poésie est avant tout le fruit de rencontres, de découvertes qui m’ont amené à souhaiter diffuser le travail des éditeurs et/ou des auteurs. C'est ainsi animé de cette volonté que je m’attache à tous les vendre ; je n’opère donc aucun retour de ce rayon. Il est évident que ce taux de rotation très lent est un choix totalement assumé et qui ne fera jamais de moi un homme riche. Toutefois, ce fonds caractérise la librairie et m’amène à accueillir des clients que d’autres librairies bordelaises m’envoient sachant que je saurai être à l’écoute et éventuellement prodiguer les conseils de lectures adaptés.
Comment les récents événements sanitaires ont-ils influencé la vie de la librairie ?
J-P.B. : Durant la période de confinement, mon épouse a eu l’idée de me filmer en lisant des textes que nous adressions ensuite par mail aux clients de la librairie. Ils commandaient, le cas échéant, les ouvrages dont j’avais lu des extraits en passant à la librairie.