Nathalie Bernard et Hectory sur leur mustang au Chalet Mauriac
Lauréats de la résidence d'aide à la création péri-littéraire, Nathalie Bernard et le musicien Hectory étaient au Chalet Mauriac du 27 juillet au 7 août pour la création avec l’illustrateur Tom Haugomat d’un concert dessiné du roman Le Dernier sur la plaine, publié par Thierry Magnier et écrit il y a deux ans au Chalet.
Jeudi 6 août 2020. Avant dernier jour de résidence pour Nathalie Bernard qui revient au Chalet Mauriac en familière des lieux. Lauréate en juin 2018 de la résidence Polar et littérature, c’est au Chalet qu’elle commence à travailler non pas sur le projet qu’elle avait initialement prévu, autour des pactes de suicide chez les jeunes des réserves autochtones du Canada, mais autour de la figure légendaire du dernier chef Comanche à vivre libre sur la plaine, Quanah Parker. La belle aventure du Dernier sur la plaine (paru aux éditions Thierry Magnier) est loin d’être terminée : auréolé de la prestigieuse Pépite fiction au dernier Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, défendu par les libraires et les bibliothécaires et apprécié des lecteurs, Le Dernier sur la plaine poursuit sa vie sur scène…
La chaleur écrase Saint-Symphorien et invite à chercher l’ombre. La maison communale offre à un public réduit la fraîcheur espérée mais c’est pour mieux nous replonger dans l’ambiance des vastes plaines du Texas. Sur scène, pour une première répétition en public, Nathalie Bernard et son complice guitariste Hectory ont revêtu leurs costumes, jupe longue en daim et bottes assorties pour l’une, cravate western, chapeau noir et santiag pour l’autre. Premières notes de guitare et l’ambiance est déjà là, le voyage commence.
"On y retrouve les grandes lignes du roman comme les moments de bascule : la liberté, la fin de l’innocence, la violence, la résistance face à la disparition d’un monde et d’une culture."
La lumière s’accroche sur la splendide guitare "dobro" d’Hectory, la caisse métallique scintille avant de faire résonner les premières notes aussi mystérieuses que ténues. La voix de Nathalie Bernard s’y pose, grave, sereine, profonde et en quelques phrases se dessine le décor du Dernier sur la plaine, vastes étendues de l’Ouest américain, chaleur… Nos pieds suivent le tempo de Sur son mustang, première chanson du spectacle, et le charme opère. La complicité entre les deux artistes est déjà palpable, les regards se cherchent, se trouvent et les rythmes s’accordent. Les moments d’émotion alternent avec les scènes chocs et l’on retrouve sur scène le soin apporté par la romancière à la structure de ses romans. On y retrouve les grandes lignes du roman comme les moments de bascule : la liberté, la fin de l’innocence, la violence, la résistance face à la disparition d’un monde et d’une culture. Le blues du chemin de fer, racontant le massacre des bisons depuis les fenêtres du train qui traverse la plaine, est un point d’orgue qui suscite le frisson à force de tension dramatique mais, comme dans le roman, la dernière note sera celle de l’espoir et de la lumière, portée par un texte écrit par Léa, la fille de Nathalie Bernard. "Uni ton cœur au mien/ Ne crains rien", dit la chanson.
Les lectures musicales et/ou dessinées sont légion lors de manifestations littéraires mais il est plus rare d’y voir associer le chant et encore plus rare d’y entendre l’auteur ou l’auteure chanter. Pour Nathalie Bernard, rien de plus naturel ! C’est autour de Silence, série de cinq textes parus aux éditions Lily jeunesse que l’association entre Hectory et Nathalie s’est forgée : de nombreux spectacles associant musique, chant et lecture les ont réunis au point de concevoir un CD de 7 titres autour de cette saga qui reprend des thèmes chers à la romancière. Ne changeant pas une équipe qui gagne, l’aventure s’est poursuivie pour les mises en voix autour de Sauvages avec la complicité au chant d’Adeline Détée, déjà présente sur les lectures de Sept jours pour survivre. Bref ! Si Nathalie Bernard connaît et pratique la solitude dans son activité de romancière, elle prend aussi plaisir à la quitter pour aller vers son public et excelle tout autant dans la mise en voix que ce soit comme lectrice ou comme chanteuse. Grand amateur de blues et de musique américaine, Hectory semblait tout désigné pour accompagner musicalement les aventures de Quanah Parker. Sa partition est tantôt douce et mélancolique, tantôt fiévreuse ou rageuse quand Quanah appelle les éléments à se déchaîner contre ses ennemis mais peut aussi se faire déchirante ou porteuse d’une belle énergie communicative. Helli Allik, traductrice estonienne en résidence, évoquera très justement à la fin du spectacle l’ambiance du film Dead Man de Jim Jarmush et la sublime bande originale de Neil Young. Une évidence… Et sans doute le plus beau des compliments que l’on puisse faire à un musicien.
"Le travail sur tablette graphique du très talentueux illustrateur des couvertures de Nathalie chez Thierry Magnier accompagnera le spectacle de bout en bout."
Dans le spectacle donné ce jour-là comme premier aperçu du travail accompli pendant la résidence conjointe de Nathalie Bernard et d’Hectory manque encore le troisième élément, la mise en images réalisée par Tom Haugomat. Le travail sur tablette graphique du très talentueux illustrateur des couvertures de Nathalie chez Thierry Magnier accompagnera le spectacle de bout en bout. Et déjà, la description que nous en a fait Nathalie Bernard qui a eu le privilège d’en voir les premières moutures met l’eau à la bouche et ne peut que susciter l’impatience de voir le trio réuni sur scène ! Nul doute que le sens de la couleur et de l’espace de cet artiste passionné par le potentiel narratif qu’offre le dessin s’exprimera pleinement sur grand écran.
Ce sera chose faite à Saint-Symphorien en septembre devant le public des scolaires puis le 11 octobre lors de Lire en poche où le spectacle sera cette fois-là tout public, avec la présence du désormais très convoité Tom Haugomat pour une performance dessinée en direct. Et voilà que soudainement naissent des envies d’automne… Mais en attendant, d’autres actualités décidemment brûlantes concerneront Nathalie Bernard dont on pourra voir un nouvel ouvrage en librairie, D.O.G, le troisième opus des aventures de Valérie Lavigne et Gautier Saint-James aux éditions Thierry Magnier, ainsi que sa participation au recueil de nouvelles Rêves d’Amérique chez le même éditeur.