Biarritz Amérique latine : un "retour aux fondamentaux" pour les trente ans du festival
Après une édition 2020 fortement contrariée par la crise sanitaire, le festival Biarritz Amérique latine accueille du 27 septembre au 3 octobre prochains de nombreux invités étrangers autour d'une programmation pluridisciplinaire mettant notamment en avant le Pérou et ses auteurs littéraires. Rencontre avec le délégué général de la manifestation, Antoine Sebire.
Le festival connaît sa trentième édition dans un contexte sanitaire plus favorable que l'an passé. Comment avez-vous construit la programmation qui fait la part belle au Pérou dont nous célébrons le bicentenaire de son indépendance ?
Antoine Sebire : Sans aller jusqu'à parler de "retour à la normale", l'édition de cette année marque un retour à nos fondamentaux. Nous retrouvons par exemple, grâce notamment au passe sanitaire qui rend possible l'organisation de concerts, une programmation musicale que nous avions dû abandonner en 2020. La vaccination permet aussi des mouvements internationaux et donc à la majorité de nos invités étrangers de nous rejoindre.
Pour cette trentième édition, de ce festival qui se veut historiquement pluridisciplinaire, nous recevons une exposition du photographe franco-argentin Daniel Mordzinski, considéré comme "le photographe des écrivains". Il a en effet su apprivoiser nombre d'auteurs, surtout latino-américains, comme Mario Vargas Llosa, Alvaro Muti ou Luis Sepúlveda. Nous proposons également un focus sur le Pérou, dont nous célébrons cette année le bicentenaire de son indépendance, avec une rétrospective cinématographique, des rencontres avec des auteurs littéraires, de la musique et de la gastronomie.
Nous accueillons aussi pour la première fois du street art et nous mettons en place une programmation pour les enfants en école primaire, avec des films et des ateliers d'initiation à la musique et à la danse. Nous avons souhaité renforcer cette partie dédiée au jeune public qui a souffert d'être tenu éloigné des pratiques culturelles présentielles depuis un an et demi.
Des auteurs littéraires, notamment péruviens, et une librairie seront présents tout le long de la manifestation. Quelle importance Biarritz Amérique latine accorde-t-il au livre ?
A.S. : Nous avons toujours reçu de nombreux écrivains à Biarritz. Depuis la création du festival, les organisateurs ont souhaité associer les écrivains latino-américains dont certains sont de très grandes figures littéraires mondiales. Lors de cette trentième édition, nous avons invité des auteurs péruviens de plusieurs générations que sont Alonso Cueto, qui est un proche de Vargas Llosa, Santiago Roncagliolo, connu notamment pour ses polars, ou de plus jeunes comme Renato Cisneros, Karina Pacheco Medrano, Grecia Cáceres. Il sera donc question de réfléchir à ce qu'est aujourd'hui la littérature péruvienne et d'aborder un mouvement d'émergence de plumes féminines avec la romancière Grecia Cáceres et Karina Pacheco Medrano, romancière également et anthropologue.
Cette année encore, la librairie itinérante L'Hirondelle sera présente au festival pour proposer des livres et des films en DVD, en français et en espagnol. Nous faisons en sorte que les livres de chaque auteur présent soient disponibles au festival. En tant que promoteurs de la culture latino-américaine, il nous apparaît fondamental d'accueillir un acteur culturel comme une librairie, d'ailleurs plébiscitée par les festivaliers et les auteurs présents.
"Si de nombreuses coproductions sont signées à la suite de ces rencontres, nous ne voulons pas pour autant que cet espace devienne un marché à part entière."
Le festival accueille des rencontres professionnelles structurées depuis 2018 sous le label de Biarritz Amérique Latine Lab (Bal-Lab) autour de deux pôles : un pôle "résidences" et un pôle "rencontres de coproduction". Qu'apporte cet espace aux professionnels, notamment les réalisateurs en sélection ?
A.S. : Nous montrons près de 70 films lors du festival dont la plupart des réalisateurs sont présents à Biarritz. Nous les invitons de candidater à une résidence de trois semaines à la Prévôté, à Bordeaux, sachant que le lauréat entrera en résidence de création l'année suivante. Le comité de sélection est pluripartite avec des membres issus du festival, du Poitiers Film Festival, d'ALCA et d'un expert extérieur.
Dans le cadre des rencontres de coproduction, nous recevons de plus en de plus de projets de réalisateurs sélectionnés au festival qui sont susceptibles d'être présentés à des producteurs. Depuis l'an dernier, nous disposons d'une bourse de développement du CNC pour ces projets du BAL LAB. Nous avons aussi mis en place il y a deux ans des prix à la traduction pour deux projets. Si de nombreuses coproductions sont signées à la suite de ces rencontres, nous ne voulons pas pour autant que cet espace devienne un marché à part entière.
Ce trentième anniversaire vous invite-t-il à penser une évolution du festival ?
A.S. : Même si nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire, nous réfléchissons à l'évolution du festival. Le développement de la programmation jeune public figure parmi les enjeux stratégiques à l'instar de l'accès aux écrans des œuvres de la diversité. Dans l'état actuel de l'exploitation et de la distribution cinématographiques, les films les plus fragiles risquent d'être encore moins visibles. Les distributeurs prennent peu de risques pour ces films et quand ils ont la chance de sortir en salle, c'est sur une période très réduite. Les festivals devenant les seuls endroits où ces films sont vus, je crois que nous devons renforcer l'articulation entre nos manifestations et l'accès aux œuvres pour le grand public en-dehors de nos temps événementiels.