Cyril Herry : "N’importe quel genre de musique me dérange quand j’écris"
Parmi les cinq nommés à La Voix des lecteurs, dont la révélation du lauréat a lieu le 23 novembre prochain à Poitiers, Cyril Herry s’est livré au questionnaire de Proust "La madeleine, le canelé et le macaron". L’occasion pour l’auteur de Scalp, paru au Seuil, de revenir sur son rapport à la lecture et le rôle social de la littérature.
"Les mots sont comme des rayons X ; si l’on s’en sert convenablement, ils transpercent n’importe quoi" (Aldous Huxley) : Quel est votre mot préféré ?
Cyril Herry : Je dirais le mot arbre, pour tout ce qu’il symbolise à mes yeux, pour sa symétrie imparfaite, sa texture et sa sobriété.
"La musique, c’est du bruit qui pense" (Victor Hugo) : Quelle musique vous aide à penser, à écrire ?
C.H. : Les quatuors à cordes de Chostakovitch sont idéaux pour me mettre en condition, en particulier le matin de bonne heure, quand il ne fait pas encore jour, voire quand le jour est encore loin. La dynamique de ces compositions est stupéfiante, elle embrasse un spectre émotionnel incroyable. Ceci dit, je n’écoute pas de musique en écrivant, et surtout pas Chostakovitch ; ses œuvres sont animées de beaucoup trop de variations, précisément émotionnelles. Elles perturberaient par exemple le fil d’écriture d’une scène de roman où règne une seule ambiance bien spécifique. Elle me dérangerait. N’importe quel genre de musique me dérange quand j’écris.
"Une heure de lecture est le remède souverain aux dégoûts de la vie" (Montesquieu) : Quels sont vos livres de chevet, ceux qui accompagnent votre vie ?
C.H. : Je reviens de temps en temps à Vingt-cinq ans de solitude, de John Haines, pour l’ouvrir au hasard et lire quelques pages. Je procède de la même façon avec certains récits de Grey Owl. Et je pense que La Bête qui mangeait le monde, d’Antoine Nochy, que j’ai lu cette année, n’est pas près de quitter la pile de livres que je garde à portée de main. Il y en a quelques autres qui, de cette manière, sont ouverts comme de grandes fenêtres qui donnent tout droit sur la forêt et la nature, notamment humaine.
Cyril Herry : Je dirais le mot arbre, pour tout ce qu’il symbolise à mes yeux, pour sa symétrie imparfaite, sa texture et sa sobriété.
"La musique, c’est du bruit qui pense" (Victor Hugo) : Quelle musique vous aide à penser, à écrire ?
C.H. : Les quatuors à cordes de Chostakovitch sont idéaux pour me mettre en condition, en particulier le matin de bonne heure, quand il ne fait pas encore jour, voire quand le jour est encore loin. La dynamique de ces compositions est stupéfiante, elle embrasse un spectre émotionnel incroyable. Ceci dit, je n’écoute pas de musique en écrivant, et surtout pas Chostakovitch ; ses œuvres sont animées de beaucoup trop de variations, précisément émotionnelles. Elles perturberaient par exemple le fil d’écriture d’une scène de roman où règne une seule ambiance bien spécifique. Elle me dérangerait. N’importe quel genre de musique me dérange quand j’écris.
"Une heure de lecture est le remède souverain aux dégoûts de la vie" (Montesquieu) : Quels sont vos livres de chevet, ceux qui accompagnent votre vie ?
C.H. : Je reviens de temps en temps à Vingt-cinq ans de solitude, de John Haines, pour l’ouvrir au hasard et lire quelques pages. Je procède de la même façon avec certains récits de Grey Owl. Et je pense que La Bête qui mangeait le monde, d’Antoine Nochy, que j’ai lu cette année, n’est pas près de quitter la pile de livres que je garde à portée de main. Il y en a quelques autres qui, de cette manière, sont ouverts comme de grandes fenêtres qui donnent tout droit sur la forêt et la nature, notamment humaine.
"À l’instar de la musique, la lecture d’un roman saisissant peut perturber celui que je suis en train d’écrire."
"Sur les étagères des bibliothèques, je vis un monde surgir de l’horizon" (Jack London) : Quelle place accordez-vous à la lecture ?
C.H. : Elle n’est pas très importante. Je lis peu et lentement, sauf quand je prends le train. Je peux passer deux mois sans ouvrir un livre. Ça ne me manque pas et ça ne m’empêche pas d’écrire, bien au contraire. À l’instar de la musique, la lecture d’un roman saisissant peut perturber celui que je suis en train d’écrire.
"Les métiers sans ennuis sont les métiers qu’on ne fait pas" (Alain) : Quel est le métier que vous n'auriez pas aimé faire ?
C.H. : Celui de mon père. Il était ouvrier dans une usine et, pendant toute sa vie, il a fait la même chose, accompli les mêmes gestes à la même cadence, avec une grande rigueur et sans aucune surprise. Pour moi, c’est inconcevable. Ce n’est pas la vie.
"Tout portrait qu’on peint avec âme est un portrait non du modèle, mais de l’artiste" (Oscar Wilde) : Où se situe la part autobiographique de vos écrits ?
C.H. : Pour avoir souvent réfléchi à cette question, je pense que cette part est disséminée dans mes romans, même si j’injecte bien sûr dans certains personnages davantage de moi que dans d’autres. Je saupoudre mes histoires de mon regard sur le monde, de mes envies, de mes peurs, ou simplement des extraits de mon vécu. Je ne suis sans doute nulle part, tout en étant un peu partout, y compris dans mes personnages féminins et dans la lumière rasante de l’automne dans une forêt qui s’effeuille.
"Son impact se situe à l’échelle individuelle, strictement. C’est déjà beaucoup."
"Si tous les gens du monde voulaient se donner la main" (Paul Fort) : Quelle suite donneriez-vous à cette comptine ?
C.H. : "Il ne faudrait surtout pas qu’ils se mettent à tourner et à danser, car il y aurait rapidement désaccords, bousculades et panique générale." Je ne pense pas l’homme capable d’un tel geste, d’autant que la nature qui l’entoure, à commencer par les animaux qui forment notre complexe chaine alimentaire, ne lui fournit pas le meilleur des modèles de paix. La paix est une des plus belles inventions de l’homme, mais, globalement, elle n’est pas au point.
Que vous inspire ces mots de Boris Vian ? "Il est évident que le poète écrit sous le coup de l’inspiration, mais il y a des gens à qui les coups ne font rien."
C.H. : Il me semble que Vian entend par là que la poésie – la littérature – impacte bien peu de gens en fin de compte. Elle impacte ainsi très peu la marche des sociétés, en dépit du fait que bien des écrivains, des penseurs et des scientifiques aient posé des doutes et ouvert des voies de réflexion au fil des siècles. Ça n’a pas changé grand-chose. C’est regrettable et ce n’est pas une raison pour cesser d’écrire le monde, de le dépeindre ici et maintenant. C’est un des enjeux de la littérature, pour ne parler que d’elle, de témoigner de son temps. Mais il ne faut pas se leurrer cependant : elle ne modifiera pas le monde. Son impact se situe à l’échelle individuelle, strictement. C’est déjà beaucoup.
"Je ne crois pas à l’au-delà mais j’emmènerai quand même des sous-vêtements de rechange" (Woody Allen) : Si un dieu existe, qu'aimeriez-vous, après votre mort, l'entendre vous dire ?
C.H. : Que les bêtises que j’ai pu faire dans mon enfance et mon adolescence n’étaient pas si graves, et qu’une fois devenu adulte, je n’ai pas causé trop de chagrin autour de moi. Ensuite, je lui demanderais s’il a lu mes romans.
C.H. : "Il ne faudrait surtout pas qu’ils se mettent à tourner et à danser, car il y aurait rapidement désaccords, bousculades et panique générale." Je ne pense pas l’homme capable d’un tel geste, d’autant que la nature qui l’entoure, à commencer par les animaux qui forment notre complexe chaine alimentaire, ne lui fournit pas le meilleur des modèles de paix. La paix est une des plus belles inventions de l’homme, mais, globalement, elle n’est pas au point.
Que vous inspire ces mots de Boris Vian ? "Il est évident que le poète écrit sous le coup de l’inspiration, mais il y a des gens à qui les coups ne font rien."
C.H. : Il me semble que Vian entend par là que la poésie – la littérature – impacte bien peu de gens en fin de compte. Elle impacte ainsi très peu la marche des sociétés, en dépit du fait que bien des écrivains, des penseurs et des scientifiques aient posé des doutes et ouvert des voies de réflexion au fil des siècles. Ça n’a pas changé grand-chose. C’est regrettable et ce n’est pas une raison pour cesser d’écrire le monde, de le dépeindre ici et maintenant. C’est un des enjeux de la littérature, pour ne parler que d’elle, de témoigner de son temps. Mais il ne faut pas se leurrer cependant : elle ne modifiera pas le monde. Son impact se situe à l’échelle individuelle, strictement. C’est déjà beaucoup.
"Je ne crois pas à l’au-delà mais j’emmènerai quand même des sous-vêtements de rechange" (Woody Allen) : Si un dieu existe, qu'aimeriez-vous, après votre mort, l'entendre vous dire ?
C.H. : Que les bêtises que j’ai pu faire dans mon enfance et mon adolescence n’étaient pas si graves, et qu’une fois devenu adulte, je n’ai pas causé trop de chagrin autour de moi. Ensuite, je lui demanderais s’il a lu mes romans.