"Et pour la première fois…", une lecture dessinée par Marion Duclos et Sébastien Sampietro
La Bibliothèque Mériadeck de Bordeaux accueille l'exposition Et pour la première fois… réalisée par Marion Duclos. Pour accompagner cette présentation, l'illustratrice et le comédien Sébastien Sampietro proposent le 15 juin une lecture dessinée, dans le cadre du festival Chahuts, qu'ils ont pu préparer il y a quelques jours à l'auditorium d'ALCA.
Comment est né ce projet, quelle est son origine ?
Marion Duclos : Et pour la première fois… est un projet issu d’un compagnonnage avec les Bibliothèques de Bordeaux. Les Bibliothèques m’ont proposé de rencontrer différents publics et j’ai choisi les mineurs isolés. J’ai fait la connaissance de ces personnes en octobre 2020, entre les deux confinements. Bien que difficile à mettre en place, le projet a pu avoir lieu. Les bibliothécaires ont d'abord approché les mineurs afin de savoir s’ils étaient d'accord pour me raconter leur histoire. Je n'ai pu faire leur connaissance qu’une seule fois.
Ma principale intention était qu’ils me partagent une première expérience de vie. Je me disais que ça devait être pesant d’être toujours considéré par son statut de migrant, femme battue... J’ai donc voulu leur permettre de se définir autrement en leur proposant de partager d'autres histoires. C’était un peu idéaliste dans la mesure où, par exemple, certaines personnes que j’ai rencontrées étaient encore dans une situation d'urgence, sans vraiment de logement. Ils ne pouvaient me raconter autre chose que leur parcours d'exil. Et à cause de la langue, il peut être compliqué d’acquérir un vocabulaire suffisamment subtil pour exprimer tout ce qu’on ressent. Il peut être également difficile de partager une intimité avec quelqu’un qu’on ne connaît que depuis une demi-heure.
Qu'est-ce qui a amené à ce que vous travailliez ensemble ?
M. D. : Ce projet va donner lieu à des expositions de portraits sous forme de bande dessinée inspirés de ces témoignages. Ces présentations seront diffusées de façon itinérante dans les bibliothèques participantes (Bacalan, Grand Parc, Jean-de-la-Ville-de-Mirmont, Mériadeck et Pierre-Veilletet). J'ai également réalisé un livre, imprimé en très peu d’exemplaires (130), ce qui laissera une trace physique du projet. Mais les formats livre et exposition réduisaient énormément l’expérience. Représenter ce projet à travers une forme vivante comme un spectacle avec un comédien peut apporter quelque chose en plus. J’ai donc proposé à Sébastien d’intégrer ce travail, intitulé Et pour la première fois… parce qu'il raconte ma première rencontre avec ces personnes.
Sébastien Sampietro : J’ai un rapport avec ce projet qui est beaucoup plus distancié. Je l'ai découvert sur le compte Facebook de Marion sur lequel je voyais depuis quelques temps des portraits accompagnés de textes. Je porte un regard sensible sur ces questions, ce qui a forcément suscité mon intérêt. Je suis proche de quelques personnes qui font partie du collectif Bienvenue, qui se mobilise pour les réfugiés et qui a pour but d'informer, de sensibiliser et de changer le regard sur les réfugiés. Je me demandais comment je pouvais faire pour aider ces personnes isolées, donc la proposition de Marion est arrivée au bon moment pour moi. Elle m'a permis d'en faire un peu plus pour cette cause. Je suis content de travailler avec elle et de pouvoir apporter un peu à cette troisième forme issue de ce projet, pour que la rencontre entre l’expérience de Marion et le public se fasse le plus largement possible.
"Nous avons cherché d'abord à ce qu’il y ait vraiment une interaction, une scénographie qui permette de nous rencontrer malgré la table à dessins, malgré le support papier ou tablette qui sera lu."
Qu'elles ont été les grandes étapes de préparation dont celle à l’auditorium d’ALCA ?
M. D. : Nous avions besoin d’un espace calme et de mise en situation du spectacle. Nous avons réfléchi à la scénographie parce qu’on ne voulait pas que ce soit une forme classique, avec Sébastien d’un côté et moi de l’autre. Nous avons cherché d'abord à ce qu’il y ait vraiment une interaction, une scénographie qui permette de nous rencontrer malgré la table à dessins, malgré le support papier ou tablette qui sera lu. Nous avons choisi de travailler dans un endroit calme, tel que l’auditorium d’ALCA, pour que Sébastien puisse façonner le texte brut que je lui ai donné et pour que je puisse me projeter dans les tableaux qui vont être réalisés en direct. J’imagine au maximum ce que je vais dessiner en même temps que la parole de Sébastien afin que le jeu entre le dessin en direct et la lecture soit le plus fluide possible.
S. S. : J’ai eu le texte en main il y a quelques semaines, je l’ai lu plusieurs fois et nous nous sommes vus à deux reprises en réunion pour ouvrir les perspectives de travail. L’idée est de confronter l’espace de la scène avec cette matière. Dans la lecture dessinée, le temps est une entrave, j’essaie donc de remanier l'écriture dans une perspective de dramaturgie pour le spectacle vivant et non pour la publication. Nous avons testé les premiers temps de travail de filage, en continu. Mais deux jours pour travailler sur ce projet, c'était un temps très court.
À quelles occasions pourra-t-on découvrir cette restitution ?
S. S. : Le projet sera présenté le 15 juin dans le cadre du festival Chahuts, à 18 heures, à l’auditorium Jean-Jacques-Bel de la bibliothèque Mériadeck. Ensuite, nous aurons la possibilité de jouer à Alifs, l'association du lien interculturel et familial à Bordeaux. Nous n'avons pas encore de date mais nous avons signé une convention qui court jusqu’en décembre, ce serait probablement à l’automne. Nous pensons intégrer ce spectacle au répertoire de ma compagnie, Les volets rouges, pour qu'une structure le porte en diffusion et le fasse vivre le plus longtemps possible. Nous envisageons aussi de nous rapprocher de Bienvenue pour y jouer l’année prochaine, ce sera une belle façon de participer à cette aventure.