L’Association des éditeurs de Nouvelle-Aquitaine : la mutualisation comme ADN
Créer une association des maisons d’édition de Nouvelle-Aquitaine c’est, par essence, la volonté d’échanger, de faire ensemble, de partager des expériences et de mutualiser des actions ou des problématiques communes. L’Association des éditeurs de Nouvelle-Aquitaine (AENA) joue ce rôle depuis 2021. Rencontre avec Esther Merino, présidente, et Hervé Chopin, adhérent.
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Après quatre ans d’existence, pouvez-vous revenir sur la ligne directrice et le fonctionnement de l’association ?
Esther Merino : À la fin du confinement et dans une période incertaine, les éditeurs ont choisi de se regrouper pour faire face à un besoin de partage : des préoccupations, des inquiétudes, de leurs difficultés. La première ligne directrice de l’association est celle-ci : pouvoir discuter et faire ensemble. Nous avons profité d’une structure existante et dormante fondée en ex-Aquitaine pour recréer très vite une association. Nous étions une vingtaine au départ et nous sommes plus d’une soixantaine d’adhérents aujourd’hui.
Hervé Chopin : Le but de l’association est de tendre à la professionnalisation des éditeurs. Nous avons donc un certain nombre de critères pour répondre à cette exigence : avoir un siège social en Nouvelle-Aquitaine, trois ans d’ancienneté minimum et un certain nombre de titres publiés dans l’année. Pour la diffusion, si elle n’est pas déléguée, nous demandons une liste de dix librairies vérifiables où la maison d’édition est présente.
E. M. : L’idée n’est pas de faire "masse", mais d’être une association professionnelle pour les professionnels.
H. C. : Ce qui fait la richesse mais aussi la complexité de l’association, c’est la typologie des maisons qui la composent : des toutes petites structures et des plus importantes, des éditeurs diffusés et d’autres non, certains ont des salariés, d’autres n’ont pas de bureaux dédiés. Nous sommes dans des réalités très différentes.
E. M. : Notre force, c’est que nous arrivons à échanger, à nous donner des retours d’expérience, à œuvrer ensemble avec des modèles économiques divers et des perceptions multiples de la pratique de notre métier.
Justement, comment exploitez-vous cette variété de profils ? Quelles actions avez-vous mises en place pour "œuvrer ensemble" ?
H. C. : Nous organisons un jeudi par mois un "café-thème" en visioconférence : soit chacun peut amener un sujet, soit c'est autour d’une thématique choisie. Pour cette dernière option, nous faisons appel à un membre de l’association pour un retour d’expérience sur une problématique ou nous envisageons de solliciter un regard professionnel extérieur. La diffusion-distribution est un thème récurrent, nous pourrions donc faire intervenir un diffuseur, par exemple.
E. M. : Ces cafés ne sont pas une formation ; ce sont vraiment des temps d’échange pour ouvrir le champ des possibles. Nous avons cette année répondu à l’appel d’offres Alternatives vertes 20301 avec un projet d’ouverture d’un lieu de stockage. C’est une problématique ancienne et commune à tous les éditeurs, qu’ils aient délégué leur diffusion ou non. Pour certains, cela leur permettra de faciliter une partie de leurs expéditions et, pour d’autres, de réduire les coûts avec un stockage plus local.
H. C. : Le collectif offre aussi de nouvelles possibilités. Par exemple, la cooptation d’un autre éditeur auprès d’un diffuseur. En échangeant plus régulièrement, on se connaît mieux et on peut plus facilement proposer de nouvelles initiatives ou donner nos avis sur des publications ou des choix de couvertures. -
E. M. : Partager nos regards et nos expériences, c’est la première forme de coopération que nous réalisons.
Dans son programme d’actions, l’AENA propose de nombreux rendez-vous tout au long de l’année. Pouvez-vous revenir sur quelques temps de mutualisation ?
E. M. : Nous organisons de nombreuses actions de mutualisation, comme des présentations d’ouvrages pour les rentrées littéraires. Cette année, nous proposons aux éditeurs de se déplacer dans une librairie pour découvrir son lieu et sa ligne. Nous essayons ainsi de développer des moments plus intimes pour mieux se connaître entre différents maillons de la chaîne.
H. C. : L’AENA propose beaucoup d’actions de visibilité. Cette forme de mutualisation est essentielle, car le libraire, par exemple, se déplacera plus facilement pour dix éditeurs que pour un.
E. M. : Nous mettons aussi en place cette année un festival itinérant qui a commencé à La Rochelle début octobre 2024, en partenariat avec la Maison des écritures, puis à Limoges avec la Bibliothèque francophone multimédia. L’idée est de créer un mini-salon avec les éditeurs volontaires, qui viennent présenter leur catalogue et animent aussi des tables rondes pour faire découvrir les dessous du métier ou leurs auteurs et autrices. Nous développons de plus en plus des partenariats avec les organisateurs de manifestation en intégrant nos auteurs dans la programmation ou en proposant des temps forts dédiés à l’association. Mais nous avons aussi des actions transversales avec les académies, les médiathèques, etc.
H. C. : La force du collectif, c’est justement d’avoir une voix plus importante pour négocier ce type de partenariat. D’être aussi représentatif auprès des partenaires publics et donc de pouvoir négocier et apporter des réponses à des problématiques communes.
L’AENA fait partie de la Fédération des éditions indépendantes (FEDEI) ; comment cette fédération s’est-elle créée et quel est son rôle au niveau national ?
E. M. : En 2021, huit associations d’éditeurs professionnels se sont rassemblées pour créer la FEDEI, avec comme objectif d’unir leurs forces pour porter une voix nationale auprès des institutions publiques et professionnelles. Nous sommes aujourd’hui quatorze associations adhérentes et représentons plus de 400 maisons d’édition. Ce poids non négligeable nous permet de faire entendre nos projets, nos revendications, nos problématiques à un niveau national et d’accéder donc à des sphères que nous atteignons difficilement seuls. Nous nous sommes rendu compte que chaque association a des actions spécifiques, propres à son histoire ou à sa localisation. L’idée est de mutualiser des actions qui ont un écho national et qui répondent à des objectifs collectifs, comme la solution de gestion OP’libris2 . C’est un outil-métier créé pour les professionnels à l’initiative de la FEDEI pour répondre à leurs attentes et à leurs besoins, notamment dans la gestion de leur activité, et particulièrement pour les redditions de compte. L’outil devrait être opérationnel fin 2024. Nous organisons aussi les Assises nationales de l’édition indépendante, dont la deuxième édition aura lieu à Bordeaux3. Deux grandes thématiques seront abordées : la première, autour des difficultés économiques que nous connaissons aujourd’hui et qui s’accentuent. Une étude est en cours sur ce sujet, dont les résultats seront présentés aux assises, avec un axe fort autour de la précarité des éditeurs et sur la répartition de la valeur dans les structures. Les défis financiers sont une problématique majeure à faire résonner à tout niveau, local comme national. La deuxième thématique abordera les questions de coopération et de mutualisation, un sujet d’actualité !
1. Appel à projets France 2030 "Alternatives vertes 2"
2. voir encadré plus haut
3. Du 19 au 21 février 2025, au TnBA, Théâtre national Bordeaux-Aquitaine.