La Machine à Lire, 40 ans au service du livre et des lecteurs
Libraire d'engagement et de convictions, Hélène des Ligneris dirige au cœur de Bordeaux et de sa région la Machine à Lire, un lieu de partage et d'échange autour du livre qui fête cette année ses quarante ans. Un anniversaire qui célèbre aussi une certaine idée de la librairie indépendante, créant du lien social et défendant la bibliodiversité.
Pouvez-vous nous présenter l'histoire de la librairie et nous expliquer ce qui vous a amené à vous lancer dans cette aventure si singulière ?
Hélène des Ligneris : La Machine à Lire a été créée en 1979 par Henri Martin et sa compagne Danielle, rue de la Devise, où je résidais. Quand Henri a voulu la vendre en 2008, je me suis positionnée pour prendre sa suite. J'étais avant tout cliente de la librairie, fidèle lectrice, depuis quasiment ses origines. Étant à cette période directrice d’une entreprise d’insertion et ayant hérité d'une propriété familiale, nous nous sommes entendus avec Henri. L'idée première était de mettre quelqu'un à la direction, tout en m'investissant dans la librairie en continuant mon activité professionnelle en parallèle. J'ai finalement décidé de tenter pleinement l'aventure en reprenant le gouvernail deux ans après la reprise.
Quels ont été les principaux défis auxquels la librairie a été confrontée, notamment face à la surproduction des ouvrages, l'inflation de la proposition éditoriale ?
H.L. : Il est manifeste que la librairie a été fragilisée le temps de la transition. La vente d'un commerce est toujours à risque et il a fallu un temps d'adaptation pour remettre à flot la librairie, de s'assurer de la bonne marche à suivre. L'un des premiers socles reste la constitution d'une équipe stable afin de porter ensemble ce magnifique projet qui demande abnégation et engagement.
Hélène des Ligneris : La Machine à Lire a été créée en 1979 par Henri Martin et sa compagne Danielle, rue de la Devise, où je résidais. Quand Henri a voulu la vendre en 2008, je me suis positionnée pour prendre sa suite. J'étais avant tout cliente de la librairie, fidèle lectrice, depuis quasiment ses origines. Étant à cette période directrice d’une entreprise d’insertion et ayant hérité d'une propriété familiale, nous nous sommes entendus avec Henri. L'idée première était de mettre quelqu'un à la direction, tout en m'investissant dans la librairie en continuant mon activité professionnelle en parallèle. J'ai finalement décidé de tenter pleinement l'aventure en reprenant le gouvernail deux ans après la reprise.
Quels ont été les principaux défis auxquels la librairie a été confrontée, notamment face à la surproduction des ouvrages, l'inflation de la proposition éditoriale ?
H.L. : Il est manifeste que la librairie a été fragilisée le temps de la transition. La vente d'un commerce est toujours à risque et il a fallu un temps d'adaptation pour remettre à flot la librairie, de s'assurer de la bonne marche à suivre. L'un des premiers socles reste la constitution d'une équipe stable afin de porter ensemble ce magnifique projet qui demande abnégation et engagement.
"Le défi de tout libraire passionné est de continuer à être passeur du livre, le livre en tant qu'objet et en tant que vecteur de littérature."
Il est effectivement compliqué aujourd'hui d'avoir autant de livres édités, notamment face aux critères de qualité. En même temps, chaque auteur a droit à sa chance. La matérialité de cette proposition est difficile à gérer, avec la sortie de 600 titres à la rentrée littéraire par exemple. D'où la nécessité pour nous de faire des choix et de se donner les moyens de les défendre et de les assumer en lisant le plus possible. Le défi de tout libraire passionné est de continuer à être passeur du livre, le livre en tant qu'objet et en tant que vecteur de littérature. L'énergie doit être dirigée vers les lecteurs, les fidéliser, les attirer afin qu'ils échangent, partagent, rencontrent les auteurs, les éditeurs, tout cela dans une évolution permanente de notre métier, mais toujours autour de l'objet livre.
Qu'est-ce qui définit d'après vous l'identité de la Machine à Lire ?
H.L. : Son identité repose d'abord sur son équipe. Je dis toujours que l'accueil du lecteur est essentiel. Accueillir tout le monde, quel que soit le type de lecteur, le recevoir de la même manière en étant dans l'écoute et l'exigence, et non dans l'élitisme et le snobisme. La Machine à Lire représente évidemment ce en quoi nous croyons et ce que nous portons. Mettre l'humain au centre de la problématique relève de l'engagement citoyen. Ce qui participe grandement à l'identité de la librairie également, c'est son lieu physique qui est très fort, avec ses voûtes en pierre, et son encrage dans la cité. La beauté du lieu, son caractère, le fait que les pierres parlent, c'est très important. Rajoutez nos choix littéraires et vous avez un carrefour de plusieurs ingrédients qui sont indissociables de la réussite d'une librairie se voulant indépendante et intègre.
Vous parliez d'engagement citoyen. Pouvez-vous nous en dire plus avec par exemple des interventions en prison ou l'embauche d'une personne autiste ?
H.L. : Nous avons effectivement embauché un jeune autiste. J'en parle avec prudence car j'ai toujours peur qu'on mette plus en avant ces engagements que la défense même de la littérature... Ce jeune autiste, Charles, fait tous les jours le trajet entre la Machine à Lire et la Petite Machine. Nous avons aussi pris en stage Floriane, une jeune fille atteinte de trisomie, de façon à pouvoir faire appel professionnellement à elle si besoin. Et puis je vais quatre fois par an rendre visite à des prisonniers avec des auteurs comme Yves Ravey ou Catherine Poulain, en partenariat avec la Direction des Bibliothèques de la ville et le SPIP, afin que les détenus puissent avoir accès aux livres, aux auteurs... à la culture tout simplement.
Qu'est-ce qui définit d'après vous l'identité de la Machine à Lire ?
H.L. : Son identité repose d'abord sur son équipe. Je dis toujours que l'accueil du lecteur est essentiel. Accueillir tout le monde, quel que soit le type de lecteur, le recevoir de la même manière en étant dans l'écoute et l'exigence, et non dans l'élitisme et le snobisme. La Machine à Lire représente évidemment ce en quoi nous croyons et ce que nous portons. Mettre l'humain au centre de la problématique relève de l'engagement citoyen. Ce qui participe grandement à l'identité de la librairie également, c'est son lieu physique qui est très fort, avec ses voûtes en pierre, et son encrage dans la cité. La beauté du lieu, son caractère, le fait que les pierres parlent, c'est très important. Rajoutez nos choix littéraires et vous avez un carrefour de plusieurs ingrédients qui sont indissociables de la réussite d'une librairie se voulant indépendante et intègre.
Vous parliez d'engagement citoyen. Pouvez-vous nous en dire plus avec par exemple des interventions en prison ou l'embauche d'une personne autiste ?
H.L. : Nous avons effectivement embauché un jeune autiste. J'en parle avec prudence car j'ai toujours peur qu'on mette plus en avant ces engagements que la défense même de la littérature... Ce jeune autiste, Charles, fait tous les jours le trajet entre la Machine à Lire et la Petite Machine. Nous avons aussi pris en stage Floriane, une jeune fille atteinte de trisomie, de façon à pouvoir faire appel professionnellement à elle si besoin. Et puis je vais quatre fois par an rendre visite à des prisonniers avec des auteurs comme Yves Ravey ou Catherine Poulain, en partenariat avec la Direction des Bibliothèques de la ville et le SPIP, afin que les détenus puissent avoir accès aux livres, aux auteurs... à la culture tout simplement.
"Le point d'orgue [de cet anniversaire sera] une rencontre exceptionnelle avec James Ellroy en fin d’année."
Passons désormais aux 40 ans de la librairie, à cet anniversaire-événement. Quels seront les temps forts, les animations qui vont jalonner cette année spéciale ?
H.L. : Il y aura essentiellement quatre temps forts : le mardi 18 juin, à 18h30, nous invitons les éditions Verdier, partenaires et amies, qui fêtent également leurs 40 ans, en compagnie de l'éditrice Colette Olive, Marielle Macé pour son très beau Cabanes, Michel Julien qui a notamment écrit Denise au Ventoux, ainsi que François Garcia, auteur de Bye bye, bird. Nous espérons que Pierre Bergounioux sera des nôtres. Le mercredi 3 juillet, nous fêterons la littérature jeunesse avec plusieurs auteurs. Le jeudi 3 octobre, une soirée festive sera accompagnée d'un orchestre. Et enfin le point d'orgue, une rencontre exceptionnelle avec James Ellroy en fin d’année [date à définir, ndlr].
Quel sens mettez-vous dans cet anniversaire ? Est-ce pour vous une façon de remercier vos lecteurs ?
H.L. : C'est d'abord et avant tout le partage avec les amis, les éditeurs, les auteurs, les partenaires, les lecteurs bien sûr, de faire de notre librairie un moment de fête, un moment joyeux, de partager cette chance d'être passeur et de défendre encore et toujours la littérature.
Quels seraient les moments - le moment - que vous retiendriez de ces 11 années passées à la tête de la librairie ?
H.L. : Prioritairement les instants partagés avec les auteurs. Dans les moments magiques, il y a cet après-midi où deux hommes rentrent et me saluent. Je pense les connaître mais rien ne me vient jusqu'à cette illumination : Antonio Moresco !! L'auteur de La petite lumière aux éditions Verdier justement. Italien, il a pris sans prévenir un train du salon de Dax pour nous saluer. Simplement. Ce fut pour moi un cri de joie très fort ! C'était improbable et si inattendu comme preuve d'amitié. Pour le reste, ce sont les rencontres humaines, si variées et si riches !
Comment voyez-vous l'évolution de la Machine à Lire sur les prochaines années ?
H.L. : Je peux déjà parler de la Petite Machine et de la Machine à Musique - Lignerolles qui participent au développement de leur grande sœur, la Machine à Lire. Prenez par exemple la Petite Machine qui est devenue un lieu de partage, d'échanges, où on y boit du café, du thé, où on y rit, on y pleure... C'est un ensemble cohérent qui nous permet de défendre un peu plus la culture en laquelle nous croyons. Je suis donc assez confiante en l'avenir. C'est un vrai défi permanent de susciter et d'entretenir le désir de lire, avec en creux notre rôle singulier de devoir lire beaucoup afin de conseiller et partager les textes auxquels nous croyons. La pérennisation de la clientèle reste le nerf du combat et je suis assez optimiste à ce sujet. Une de mes préoccupations pour la suite est ce jour où j'arrêterai et que cette aventure dure encore très longtemps. Je ne suis pas irremplaçable mais la transmission mérite un temps d'anticipation, même si je le dis souvent en souriant que ce n'est pas pour tout de suite. Je suis assez sereine sachant à peu près comment va se dessiner l'avenir a priori radieux de la Machine à Lire.
Pour finir, parlons littérature… Quel est le livre qui vous a le plus marquée ?
H.L. : On y revient mais un livre important pour la Machine à Lire, et à titre personnel : La petite lumière du fameux Antonio Moresco chez Verdier, qui marquera celles et ceux qui rencontreront cette écriture puissante et magique.
H.L. : Il y aura essentiellement quatre temps forts : le mardi 18 juin, à 18h30, nous invitons les éditions Verdier, partenaires et amies, qui fêtent également leurs 40 ans, en compagnie de l'éditrice Colette Olive, Marielle Macé pour son très beau Cabanes, Michel Julien qui a notamment écrit Denise au Ventoux, ainsi que François Garcia, auteur de Bye bye, bird. Nous espérons que Pierre Bergounioux sera des nôtres. Le mercredi 3 juillet, nous fêterons la littérature jeunesse avec plusieurs auteurs. Le jeudi 3 octobre, une soirée festive sera accompagnée d'un orchestre. Et enfin le point d'orgue, une rencontre exceptionnelle avec James Ellroy en fin d’année [date à définir, ndlr].
Quel sens mettez-vous dans cet anniversaire ? Est-ce pour vous une façon de remercier vos lecteurs ?
H.L. : C'est d'abord et avant tout le partage avec les amis, les éditeurs, les auteurs, les partenaires, les lecteurs bien sûr, de faire de notre librairie un moment de fête, un moment joyeux, de partager cette chance d'être passeur et de défendre encore et toujours la littérature.
Quels seraient les moments - le moment - que vous retiendriez de ces 11 années passées à la tête de la librairie ?
H.L. : Prioritairement les instants partagés avec les auteurs. Dans les moments magiques, il y a cet après-midi où deux hommes rentrent et me saluent. Je pense les connaître mais rien ne me vient jusqu'à cette illumination : Antonio Moresco !! L'auteur de La petite lumière aux éditions Verdier justement. Italien, il a pris sans prévenir un train du salon de Dax pour nous saluer. Simplement. Ce fut pour moi un cri de joie très fort ! C'était improbable et si inattendu comme preuve d'amitié. Pour le reste, ce sont les rencontres humaines, si variées et si riches !
Comment voyez-vous l'évolution de la Machine à Lire sur les prochaines années ?
H.L. : Je peux déjà parler de la Petite Machine et de la Machine à Musique - Lignerolles qui participent au développement de leur grande sœur, la Machine à Lire. Prenez par exemple la Petite Machine qui est devenue un lieu de partage, d'échanges, où on y boit du café, du thé, où on y rit, on y pleure... C'est un ensemble cohérent qui nous permet de défendre un peu plus la culture en laquelle nous croyons. Je suis donc assez confiante en l'avenir. C'est un vrai défi permanent de susciter et d'entretenir le désir de lire, avec en creux notre rôle singulier de devoir lire beaucoup afin de conseiller et partager les textes auxquels nous croyons. La pérennisation de la clientèle reste le nerf du combat et je suis assez optimiste à ce sujet. Une de mes préoccupations pour la suite est ce jour où j'arrêterai et que cette aventure dure encore très longtemps. Je ne suis pas irremplaçable mais la transmission mérite un temps d'anticipation, même si je le dis souvent en souriant que ce n'est pas pour tout de suite. Je suis assez sereine sachant à peu près comment va se dessiner l'avenir a priori radieux de la Machine à Lire.
Pour finir, parlons littérature… Quel est le livre qui vous a le plus marquée ?
H.L. : On y revient mais un livre important pour la Machine à Lire, et à titre personnel : La petite lumière du fameux Antonio Moresco chez Verdier, qui marquera celles et ceux qui rencontreront cette écriture puissante et magique.