La Mauvaise Réputation, exigeante et subversive
En 2002, Rodolphe et Franck1 fondent La Mauvaise Réputation, librairie-galerie indépendante, alors pionnière dans la défense des sous-cultures et contre-cultures. Si la dichotomie habituelle entre underground et mainstream a évolué, il n’en demeure pas moins que l’offre de LMR est très diverse : littérature, image et graphisme, productions d'artistes et de groupes variés.
Les termes "rareté", "bizarrerie" ont très souvent été rapportés à LMR. Aujourd’hui, comment, s’agissant de votre activité, ressentez-vous et vivez-vous l’étrangeté ? Votre librairie-galerie est-elle aussi un laboratoire de création ?
Les littératures et arts en marge que nous avons défendus dès 2002 ont depuis atteint largement le grand public. Inutile de faire du snobisme en voulant démontrer que nous avons été les premiers à le faire, il est très bien que d’autres lieux défendent aussi ces cultures hors norme. Quant à l’idée du laboratoire de création, ce n’est pas le but, même si parfois le lieu a pu se prêter à des expérimentations artistiques.
Il y a des ouvrages sur le punk rock, le street art, le voguing, etc. Parcourir vos rayonnages, c’est remonter le temps, le considérer : autant de phénomènes artistiques, marginaux, minoritaires ou pas, contestataires qui ont permis de déplacer les frontières de l’art et du non-art. Considérez-vous votre lieu, qui donne vie à l’émancipation, comme un espace politique ?
La culture est évidemment politique mais nous nous sommes toujours interdits d’avoir une posture militante.
Pouvez-vous nous présenter l’exposition actuelle "I Are" de l’artiste espagnol Gorka Mohamed ?
C’est la première exposition en France de cet artiste espagnol qui vit et travaille entre Londres et Madrid et qui bénéficie déjà d’une solide carrière internationale. L’idée était donc de présenter un éventail le plus large possible de son travail. Nous montrons essentiellement de la peinture mais aussi du pastel et des dessins à l’encre. Sa peinture est riche d’influences, des classiques espagnols jusqu’à George Condo ou Manuel Ocampo.
Quelles sont les publications transgenres et LGBT qui sont, à vos yeux, des références ?
Principalement tous les ouvrages de Judith Butler et de Sam Bourcier.
Quels ont été les cycles d’expositions les plus difficiles à mettre en place ?
Le cycle d’expositions en partenariat avec le Frac Aquitaine autour de la thématique Art contemporain et Bande dessinée. Expositions collectives avec une vingtaine d’artistes venant soit de la bande dessinée, soit de l’art contemporain avec des pratiques plastiques très différentes (dessins, sculptures, peintures, etc.).
Selon vous, que met au grand jour la littérature érotique ?
Plus forcément une subversion comme elle le faisait précédemment. Elle est devenue une littérature qui a atteint ses lettres de noblesse et est relativement bien acceptée.
La culture de l’indépendance est-elle un emploi à plein temps ? Quel est l’obstacle le plus grand à la liberté ?
Évidemment que l’indépendance implique forcément une notion du temps largement différente d’une situation salariale classique. Le seul obstacle est de se persuader que les journées font plus de vingt‑quatre heures.
Quelles seront les prochaines expositions de l’espace galerie ?
Sans tout dévoiler : l’artiste français Lucien Murat de mi‑juin à fin août. Une exposition d’Éric Rondepierre pour le mois de la photographie en novembre. Pour la fin de l’année, une artiste québécoise pour un rendu de résidence dans le cadre d’un échange culturel entre la France et le Québec, en partenariat avec Zébra 3.
1Aujourd’hui, les créateurs se sont approximativement répartis les rôles comme suit : Rodolphe divise son temps entre la librairie et le dessin de presse ; Urbs est son nom d’emprunt pour Le Canard enchaîné et Sud Ouest. Franck et sa compagne Florence managent la galerie qui a déjà accueilli la démarche de dizaines d’artistes sous forme d’expositions personnelles et collectives.