Les Éditeuriales, un rendez-vous littéraire novateur en Nouvelle-Aquitaine
Pour leur cinquième édition, Les Éditeuriales accueillent les éditions Grasset, du 12 au 23 mars, à la médiathèque François-Mitterrand de Poitiers. L’occasion pour son directeur, Jean-Louis Glénisson, et son équipe de revenir sur cet événement littéraire original en Nouvelle-Aquitaine.
Les Éditeuriales sont un événement novateur en ce qu’elles mettent chaque année en avant un éditeur et a fortiori le métier d’éditeur. Pourquoi avoir pris ce parti ?
Jean-Louis Glénisson : C'est un projet qui mûrissait depuis plus de cinq ans. La médiathèque souhaitait proposer un événement littéraire original. L'angle d'attaque qui nous intéressait était : pourquoi ne pas montrer un aspect mal connu dans la chaîne du livre qui est le travail de l'éditeur, et son rapport avec les auteurs ? Tout est parti d’un souhait de médiation. L’idée émane des bibliothécaires, de la connaissance qu’ils ont du monde des livres, qui ont constaté que les lecteurs lisent souvent les auteurs qui sont publiés par une même maison d’édition. C’est donc cette parenté qu'on essaie de mettre en avant dans cette manifestation avec la complicité de l'éditeur ou des éditeurs qui se prêtent au jeu et qui dévoilent quelques secrets de fabrication.
Les Éditeuriales, c'est un coup de projecteur sur une maison d’édition. Cette année, nous avons choisi de donner une carte blanche aux éditions Grasset. Durant une dizaine de jours, la médiathèque propose de nombreuses rencontres avec des auteurs publiés chez un même éditeur. Chaque rencontre réunit un auteur et son éditeur. Au cours de celle-ci, l’auteur présente son dernier livre publié puis sont abordées les relations entre l’auteur et l’éditeur. Un autre aspect de la chaîne du livre sera évoqué cette année avec la présence dans plusieurs rencontres de Jean-Marc Levent qui est le directeur commercial des éditions Grasset. Chaque soir, plusieurs maillons de la chaîne du livre échangent entre eux : puisqu'on retrouve l'auteur, l'éditeur, le libraire, le bibliothécaire, le journaliste littéraire et, enfin, le lecteur.
Parce que les rencontres sont proposées en majorité aux horaires de fermeture de la médiathèque, le public est vraiment présent pour la rencontre, ce qui permet une réelle écoute et souvent une vraie découverte. Dans le public, il y a ceux qui viennent voir l'auteur qu'ils connaissent et puis il y a ceux qui se laissent guider parce qu'ils on aimé une première rencontre et découvrent d’autres auteurs. Ils butinent un peu finalement. Il y a un petit côté festival, en fait.
Les éditions Grasset sont donc l’invitée de cette cinquième édition. Comment se fait chaque année le choix de la maison d'édition ?
J-L. G. : Après de longues discussions entre les bibliothécaires, on essaie de viser des maisons dans lesquelles on pressent des relations entre auteurs et éditeurs qui sont intéressantes et vraies. Il y a un souhait d'ouvrir à des maisons "grand public" et de qualité avec un niveau d'exigence éditoriale important puisque la médiathèque est à destination de tous les publics. D'une Éditeuriale à l'autre, nous sommes entourés de conseils. Nous avons constitué un réseau avec les journalistes, les auteurs, les éditeurs qui eux mêmes peuvent parfois nous suggérer des pistes.
Le choix de la programmation résulte évidemment d’un échange entre les bibliothécaires et la maison d’édition. Nous essayons d'équilibrer la présence d’auteurs connus et des auteurs un peu plus confidentiels, tout en faisant en sorte que ce soit le reflet de la politique éditoriale. Au début, on a souvent une vue idéalisée mais la programmation est faite de choix et de renoncements...
"Nous essayons d'équilibrer la présence d’auteurs connus et des auteurs un peu plus confidentiels."
Les Éditeuriales ne proposent pas exclusivement des rencontres éditeurs-auteurs…
J-L. G. : Dès les premières éditions des Éditeuriales, nous avons mis en place un partenariat avec le cinéma TAP Castille à Poitiers. Une projection en présence de l’auteur ou de l’éditeur est proposée, voire de l’auteur-réalisateur comme c’est le cas cette année avec Samuel Benchetrit. Un partenariat privilégié avec le master Livres et médiations de l’université de Poitiers permet cette année encore un focus sur l’histoire des éditions Grasset. Une rencontre à deux voix est proposée entre Jean Bothorel (historien et auteur d'une biographie de Bernard Grasset) et Olivier Nora, qui interviendra également. Par ailleurs, des rencontres sont proposées chaque année en lycée, pour des élèves de seconde. Les rencontres sont préparées en amont avec les documentalistes et enseignants. Cette année, il est proposé une double rencontre avec Carole Zalberg et son éditrice Juliette Joste. Ce sera l’occasion d’un nouvel éclairage sur le monde de l’édition pour les élèves.
Les années précédentes, des liens avec la musique se sont tissés, notamment avec le Conservatoire à rayonnement régional de Grand Poitiers. On pourrait très bien imaginer d'autres liens avec le théâtre, et pourquoi pas avec les arts plastiques. Nous réfléchissons également à une nouvelle piste qui serait une rencontre en milieu pénitentiaire. Tous ces partenariats sont développés en fonction des maisons d’édition invitées.
Les rencontres se déroulent essentiellement à la médiathèque François-Mitterrand, quels sont les développements prévus pour Grand Poitiers ?
J-L. G. : Les rencontres actuelles nécessitant un espace d’accueil conséquent, il est plutôt envisagé de faire des extensions, des variations de ce format préexistant. Par exemple, la médiathèque de Saint-Éloi (Poitiers) propose déjà des lectures à voix haute. Les bibliothécaires réalisent un réel travail de sélection de textes et de préparation des lectures.
Pour le public, c'est une autre approche du catalogue de la maison d’édition par le plaisir d'écoute, qui se traduit aussi souvent par des découvertes. Ces lectures sont suivies de nombreux emprunts de livres dans la médiathèque. Les clubs de lecture des médiathèques du réseau consacrent une séance au catalogue de l’éditeur invité avec leurs fidèles participants. C'est l’occasion d'échanges entre les lecteurs et les bibliothécaires. Un premier travail de sensibilisation est mis en place grâce aux bibliothécaires de Grand Poitiers qui proposent des tables thématiques dans les médiathèques.
Maintenant que Les Éditeuriales sont bien implantées, envisagez-vous de travailler avec des maisons d'édition un peu plus petites, plus fragiles économiquement ?
J-L. G. : On y a pensé, bien sûr. Nous voulions nous lancer avec des maisons d'édition assez connues du public pour tester le concept. Un temps était nécessaire pour ancrer l'événement. A priori, on ne s'interdit rien pourvu que ça reste sur une ligne de conduite que l’on s'est donnée. C’est-à-dire des familles d'éditeurs qui ont une vraie politique éditoriale, originale, bien affirmée et qu’on peut explorer grâce à des rencontres et des questionnements.
D’autres ouvertures sont possibles : par exemple ouvrir à la littérature étrangère, ou décliner le projet sur un genre littéraire spécifique. Ce projet ne nous enferme pas dans quelque chose de monolithique et c’est ce qui est motivant.