Les éditeurs néo-aquitains "plus forts à plusieurs"
L’Association des éditeurs de Nouvelle-Aquitaine a élu le 1er octobre 2020 à Bordeaux son président, André-François Ruaud, qui nous présente les priorités de cette nouvelle structure associative dont l’idée s’est affirmée pendant la crise sanitaire.
Quelles motivations ont poussé une trentaine d'éditeurs à s'associer pour relancer l'idée d'une structuration régionale ? La crise sanitaire que nous traversons a-t-elle contribué à cet élan ?
André-François Ruaud : L’idée trottait depuis un bon moment déjà et une ancienne association préexistait, en sommeil depuis quelques années. La revitaliser s’est imposé logiquement. Pour être plutôt individualistes en général, les éditeurs s’avèrent pourtant aussi très demandeurs de discussions confraternelles, de relations interprofessionnelles plus larges, de mutualisations de certains efforts. Nous avons besoin de ne pas être isolés et il existe de nombreux niveaux d’activité pour lesquels une structure collective peut être un atout important. L’association a pour ambition de devenir cet outil opérationnel. Nous allons par exemple monter des groupes de discussion entre éditeurs d’une même "sphère" — les éditeurs de jeunesse, de voyage, de sciences humaines, d’imaginaire, de libertaire, de lettres françaises, de lettres étrangères, de poésie, que sais-je encore ?
Être éditeur en région, cela signifie qu’il s’agit de structures indépendantes, c’est-à-dire n’appartenant pas à de grands groupes, mais ça ne veut pas dire qu’être domicilié à Pau, Saintes, Limoges ou Bordeaux sous-entendrait une quelconque infériorité de qualité. Nos adhérents sont des éditeurs variés et de haute tenue, dont la portée s’étend à toute la francophonie. Certains d’entre eux font aussi du régionalisme, bien sûr, et c’est tout sauf négligeable, mais dans l’ensemble, il va nous falloir promouvoir que nous n’avons rien à envier éditorialement parlant avec les grandes maisons d’édition parisiennes, par exemple. Richesse des catalogues, légitimité des démarches, indépendance sont autant d’axes qu’il est important de mettre en avant. Voilà nos motivations : avancer en groupe et dire que nous existons, le montrer, construire un élan collectif. La situation sanitaire conforte ces motivations : on est plus forts à plusieurs et cette crise nous démontre clairement la nécessité de se réunir pour s’épauler et progresser.
"Richesse des catalogues, légitimité des démarches, indépendance sont autant d’axes qu’il est important de mettre en avant."
Quelles missions l'Association des éditeurs de Nouvelle-Aquitaine se fixe-t-elle ?
A-F.R. : Elles sont nombreuses et situées à différents niveaux. L’association se veut un outil opérationnel pour débattre des problèmes de la chaîne du livre, proposer des lignes de conduites, mutualiser des actions ou des besoins, constituer des groupes de discussion thématiques. L’association vise la défense et la promotion de l'édition, notamment de la diversité des œuvres, des genres, des publics, des territoires et des langues. Pour ce faire, nous assurerons le rôle de "tête de réseau" du métier et la représentation des intérêts des membres de l’association, et nous construirons des projets avec Lina (mise en place notamment d'opérations en librairies de Nouvelle-Aquitaine). Nous tiendrons aussi des discussions interprofessionnelles plus larges (auteurs, organismes de formation, métiers du livre, lecture publique, etc.), établirons des relations fortes avec les organismes institutionnels et avec les autres organisations professionnelles, régionales, nationales et internationales.
Quels rapports l'association prévoit-elle d'entretenir avec l'interprofession et les partenaires institutionnels en Nouvelle-Aquitaine ?
A-F.R. : Un rapport qui ne peut qu’être étroit et une véritable discussion : la Drac Nouvelle-Aquitaine, le Conseil régional et ALCA sont nos partenaires habituels et indispensables. Mes premiers rendez-vous se font d’ailleurs avec eux. Sincèrement, nous avons la chance immense, dans notre région Nouvelle-Aquitaine, de bénéficier de tels partenaires institutionnels et de politiques culturelles affirmées, ce qui n’est pas forcément le cas ailleurs. L’Association des éditeurs de Nouvelle-Aquitaine sera évidemment partie prenante de ce dialogue.
Cette implication du réseau se vérifiera-t-elle aussi au niveau national ?
A-F.R. : Bien entendu ! L’un de nos premiers actes a été de communiquer avec nos homologues des Hauts-de-France en vue d’un travail commun. Nous souhaitons donc développer des projets avec les autres associations d’éditeurs, mais aussi entrer en dialogue avec des acteurs institutionnels nationaux comme le CNL.
"Nous appelons vraiment tous les éditeurs de Nouvelle-Aquitaine à nous rejoindre car nous avons pour but d’être le plus représentatif possible, et donc le plus légitime."
Comment se structure l'association, notamment depuis l'élection de son bureau le 1er octobre dernier ?
A-F.R. : Nous comptons déjà trente-trois maisons adhérentes, et nous appelons vraiment tous les éditeurs de Nouvelle-Aquitaine à nous rejoindre car nous avons pour but d’être le plus représentatif possible, et donc le plus légitime. Dans l’immédiat, nous allons demander des subventions auprès de la Drac Nouvelle-Aquitaine et du Conseil régional afin de disposer d’un budget de fonctionnement solide. Nous pourrions alors lancer le recrutement d’une personne chargée de mission, à mi-temps, qui sera la "cheville ouvrière" de l’association en suivant au quotidien tous les dossiers.
Dans ce contexte d'organisation de la structure, quelles vont être ses priorités ces prochains mois ?
A-F.R. : Les défis sont nombreux, les chantiers aussi. D’emblée, nous allons lancer ce recrutement puis, dans les premiers temps, nous allons poursuivre le dialogue déjà entamé avec l’association des libraires de Nouvelle-Aquitaine et préparer des opérations de promotion et de communication en direction des libraires, des bibliothécaires et des journalistes avec des réunions de présentation de nos catalogues dans des lieux importants. Nous allons également prendre contact avec d’autres associations d’éditeurs et travailler à la production d’un premier catalogue thématique, à la fois professionnel et grand public, présentant nos fonds et nos "coups de cœur". Cette publication devrait être annuelle.
La Nouvelle-Aquitaine compte près de deux cents maisons d'édition. Comment comptez-vous inciter le plus grand nombre d'éditeurs à adhérer à l'association ?
A-F.R. : En faisant parler le plus possible de l’association, notamment par nos premiers outils et actions de communication, comme ce catalogue dont je viens de parler. Et bien entendu, en discutant autour de nous avec les éditeurs du territoire. Ensuite, ce sera à nous de prouver que nous pouvons apporter de véritables services, des actions efficaces et des groupes de discussion riches et bien structurés.
L'implication du collectif dans de grandes campagnes de communication, comme celle célébrant le quarantenaire de la loi Lang, pourrait-elle être un levier ?
A-F.R. : Effectivement. Il n’est rien de dire que la loi Lang est un pilier incontournable. Il s’agit d’une force française à proclamer et à laquelle nous sommes très attachés. Plus largement, en matière de communication, nous prévoyons par exemple de réaliser des rencontres d’éditeurs avec les libraires et avec les bibliothécaires. L’association sera présente sur les réseaux sociaux, publiera certainement une lettre d’information périodique et un site web est en cours de développement auprès d’une agence spécialisée.
Enfin, à titre plus personnel, qu'est-ce qui vous a poussé à vous présenter à la présidence de l'association ?
A-F.R. : Je suis convaincu d’assez longue date du fort intérêt des regroupements d’éditeurs, et je collabore à la tête des Moutons électriques déjà à plusieurs niveaux avec d’autres collectifs d’éditeurs. L’expérience d’une telle direction d’association m’intéressait donc vivement et naturellement.