Les Éditions du Lérot, des révélations à l’accoutumée
Étienne Louis dirige les Éditions du Lérot depuis 2011, maison d’édition indépendante spécialisée dans la littérature française des XIXe et XXe siècles, fondée par son père Jean-Paul Louis en 1982 à Tusson, en Charente. Le catalogue compte trois cent soixante-dix ouvrages. La collection dédiée à l’histoire littéraire du XIXe siècle est illuminée par des écrivains-phares tels Joris-Karl Huysmans, Victor Hugo, Léon Bloy, Léon Cladel, Félix Fénéon, Lautréamont, Jean Lorrain, Octave Mirbeau, Gérard de Nerval.
Histoires littéraires est une revue trimestrielle consacrée à la littérature française des XIXe et XXe siècles, créée en l’an 2000. Le numéro de Juillet-Août-Septembre 2018 était le soixante-quinzième de la collection. Comment son éditorial a-t-il été composé ?
Étienne Louis : La revue a été créée par Jean-Jacques Lefrère et Michel Pierssens, j’en suis donc devenu l’éditeur en 2011. Le contenu de chaque numéro était choisi par ces deux fondateurs jusqu’au décès prématuré de Jean-Jacques Lefrère en 2015. La direction est aujourd’hui assurée par Muriel Louâpre, Jean-Paul Goujon et Michel Pierssens. Je tiens à rendre hommage à Jean-Jacques Lefrère, grâce à qui j’ai pu enrichir mon expérience d’éditeur. Il avait en effet participé à l’élaboration de nombreux ouvrages avec une énergie et une intelligence très rares.
La revue Le Lérot rêveur débute en 1970. La maison d’édition n’existait pas. Pétales de Maurice Ciantar (1915-1990) est paru en 2015. Pouvez-vous nous parler de cet écrivain et journaliste politique, utilisant Jacques Vorageolles pour nom d’emprunt, que vous avez révélé par une dizaine de publications, tous genres confondus ?
E.L. : Maurice Ciantar, dans son roman Jacques Vorageolles, utilise effectivement ce nom d’emprunt. Mais, il a également été sous son véritable nom un journaliste parlementaire, un chroniqueur renommé des années 1950 à 1970 (presse, radio ; à la fondation d’Europe 1). Mon père avait lu Jacques Vorageolles sur les conseils d’un bouquiniste parisien, avant de rencontrer l’écrivain à la fin des années 1970 et de devenir son éditeur. Maurice Ciantar était un personnage très charismatique, un écrivain et un journaliste avec une liberté de ton et un style peu communs. Il a été injustement oublié. Nous avons donc publié l’intégralité de son œuvre ainsi que des correspondances, des articles de presse avec la collaboration amicale et dynamique d’Éric Séébold. Ce dernier a rassemblé une somme considérable de textes de Ciantar ainsi que d’autres critiques sur son œuvre, volume paru sous le titre Jacques Vorageolles et ses ombres.
De quelle manière avez-vous pensé la poursuite de la construction du catalogue en prenant la succession de votre père ?
E.L. : Il ne s’agissait pas de tout bouleverser, mais de s’appuyer sur le catalogue existant. J’ai donc travaillé dans la continuité en gardant le même type de maquette et la même fabrication. Je reste sur une ligne éditoriale assez proche c’est-à-dire la littérature de la fin du XIXe siècle et celle du XXe siècle.
Le rythme de publication est d’environ dix livres par an. Les nouvelles parutions se font souvent par des sollicitations spontanées d’intellectuels, de passionnés, d’universitaires, de collectionneurs. J’ai publié des textes oubliés d’écrivains naturalistes grâce à René-Pierre Colin, universitaire lyonnais (auteur également du Dictionnaire du naturalisme paru chez nous, une référence) ; plusieurs volumes de correspondances de Jean Lorrain présentées et annotées par Éric Walbecq ou Jean de Palacio ; d’autres d’aspect bio-bibliographique sur Louis-Ferdinand Céline tel À la ronde du grand Paris (3 vol.) de Laurent Simon. Je tiens à évoquer une nouveauté : les deux romans inédits de Jules Vallès, Les Bacheliers perdus, avec une introduction de Michèle Sacquin.
Étienne Louis : La revue a été créée par Jean-Jacques Lefrère et Michel Pierssens, j’en suis donc devenu l’éditeur en 2011. Le contenu de chaque numéro était choisi par ces deux fondateurs jusqu’au décès prématuré de Jean-Jacques Lefrère en 2015. La direction est aujourd’hui assurée par Muriel Louâpre, Jean-Paul Goujon et Michel Pierssens. Je tiens à rendre hommage à Jean-Jacques Lefrère, grâce à qui j’ai pu enrichir mon expérience d’éditeur. Il avait en effet participé à l’élaboration de nombreux ouvrages avec une énergie et une intelligence très rares.
La revue Le Lérot rêveur débute en 1970. La maison d’édition n’existait pas. Pétales de Maurice Ciantar (1915-1990) est paru en 2015. Pouvez-vous nous parler de cet écrivain et journaliste politique, utilisant Jacques Vorageolles pour nom d’emprunt, que vous avez révélé par une dizaine de publications, tous genres confondus ?
E.L. : Maurice Ciantar, dans son roman Jacques Vorageolles, utilise effectivement ce nom d’emprunt. Mais, il a également été sous son véritable nom un journaliste parlementaire, un chroniqueur renommé des années 1950 à 1970 (presse, radio ; à la fondation d’Europe 1). Mon père avait lu Jacques Vorageolles sur les conseils d’un bouquiniste parisien, avant de rencontrer l’écrivain à la fin des années 1970 et de devenir son éditeur. Maurice Ciantar était un personnage très charismatique, un écrivain et un journaliste avec une liberté de ton et un style peu communs. Il a été injustement oublié. Nous avons donc publié l’intégralité de son œuvre ainsi que des correspondances, des articles de presse avec la collaboration amicale et dynamique d’Éric Séébold. Ce dernier a rassemblé une somme considérable de textes de Ciantar ainsi que d’autres critiques sur son œuvre, volume paru sous le titre Jacques Vorageolles et ses ombres.
De quelle manière avez-vous pensé la poursuite de la construction du catalogue en prenant la succession de votre père ?
E.L. : Il ne s’agissait pas de tout bouleverser, mais de s’appuyer sur le catalogue existant. J’ai donc travaillé dans la continuité en gardant le même type de maquette et la même fabrication. Je reste sur une ligne éditoriale assez proche c’est-à-dire la littérature de la fin du XIXe siècle et celle du XXe siècle.
Le rythme de publication est d’environ dix livres par an. Les nouvelles parutions se font souvent par des sollicitations spontanées d’intellectuels, de passionnés, d’universitaires, de collectionneurs. J’ai publié des textes oubliés d’écrivains naturalistes grâce à René-Pierre Colin, universitaire lyonnais (auteur également du Dictionnaire du naturalisme paru chez nous, une référence) ; plusieurs volumes de correspondances de Jean Lorrain présentées et annotées par Éric Walbecq ou Jean de Palacio ; d’autres d’aspect bio-bibliographique sur Louis-Ferdinand Céline tel À la ronde du grand Paris (3 vol.) de Laurent Simon. Je tiens à évoquer une nouveauté : les deux romans inédits de Jules Vallès, Les Bacheliers perdus, avec une introduction de Michèle Sacquin.
"Cette activité d’imprimeurs nous permet d’assurer la pérennité des Éditions et d’employer un conducteur offset et une brocheuse."
Vous êtes éditeur et imprimeur. Trois salariés travaillent pour l’atelier artisanal Du Lérot. Racontez-nous son organisation afin d’assurer l’ensemble du processus fabrication…
E.L. : Nous n’imprimons quasiment que des livres (des revues sur la région, des livres de critiques d’art, des tirages de tête, etc.). Cette activité d’imprimeurs nous permet d’assurer la pérennité des Éditions et d’employer un conducteur offset et une brocheuse. Nous sommes indépendants pour la fabrication, mis à part le "flashage" effectué par "Le vent se lève" à Chalais. Les tirages varient entre 200 et 1200 exemplaires environ. Nous attachons de l’importance à ce que les livres soient cousus, ce qui devient rare. Nous tenons aussi beaucoup à l’aspect esthétique du livre, le choix du papier, la police de caractère ; même si nous nous adaptons aussi à la demande de nos clients.
Quel rapport entretenez-vous avec la librairie gargantuesque créée par votre père ?
E.L. : La librairie de livres anciens est effectivement gargantuesque. Cela provoque chez moi un peu de découragement lorsque l’encombrement devient difficile à ordonner. Mais c’est aussi le plaisir de découvrir des ouvrages et de le partager avec certains visiteurs. L’élaboration d’un catalogue de livres anciens envoyé à nos clients est enrichissante. J’ai hérité de mon père le plaisir de chercher et de dénicher certains livres.
E.L. : Nous n’imprimons quasiment que des livres (des revues sur la région, des livres de critiques d’art, des tirages de tête, etc.). Cette activité d’imprimeurs nous permet d’assurer la pérennité des Éditions et d’employer un conducteur offset et une brocheuse. Nous sommes indépendants pour la fabrication, mis à part le "flashage" effectué par "Le vent se lève" à Chalais. Les tirages varient entre 200 et 1200 exemplaires environ. Nous attachons de l’importance à ce que les livres soient cousus, ce qui devient rare. Nous tenons aussi beaucoup à l’aspect esthétique du livre, le choix du papier, la police de caractère ; même si nous nous adaptons aussi à la demande de nos clients.
Quel rapport entretenez-vous avec la librairie gargantuesque créée par votre père ?
E.L. : La librairie de livres anciens est effectivement gargantuesque. Cela provoque chez moi un peu de découragement lorsque l’encombrement devient difficile à ordonner. Mais c’est aussi le plaisir de découvrir des ouvrages et de le partager avec certains visiteurs. L’élaboration d’un catalogue de livres anciens envoyé à nos clients est enrichissante. J’ai hérité de mon père le plaisir de chercher et de dénicher certains livres.
"Mon père travaille depuis longtemps sur l’œuvre et la correspondance de Louis-Ferdinand Céline."
En 1990, sous l’égide d’Henri Godard, est née la revue d'actualité célinienne L’Année Céline : Textes-Documents-Études-Bibliographie systématique. Qu’incarne pour vous cette éminente aventure éditoriale ?
E.L. : Mon père travaille depuis longtemps sur l’œuvre et la correspondance de Louis-Ferdinand Céline. Il a soutenu sa thèse sur l’édition de la correspondance de Louis-Ferdinand Céline (actuellement près de sept mille lettres connues). Sa connaissance approfondie de l’écrivain a généré la création d’une revue annuelle, L’Année Céline. Cette revue incarne l’esprit de recherche et de découverte sur divers aspects de l’œuvre et de la vie de Céline. Le tirage est assez limité, il est de 550 exemplaires. Le nombre de pages varie selon les années en fonction du nombre des découvertes et des contributions.
Henri Simon Faure (1923-2015) a vécu à l’écart du monde littéraire. Il est considéré, entre autres, comme un poète libertaire. Vous avez fait paraître une vingtaine d’ouvrages de l’écrivain. À quoi souhaitez-vous le voir exposer ?
E.L. : Henri Simon Faure était une personnalité très originale. Cela se ressent dans son œuvre poétique où son écriture "déforme" la langue et la structure grammaticale. Je peux citer parmi la vingtaine de titres : Je brocanteur de mots, Où le point de rencontre des deux branches de la croix (poème en sept volumes). C’est une poésie au langage oral. Henri Simon Faure et sa femme Lell Boehm, qui était peintre, étaient des amis de longue date de mes parents. Le poète a notamment publié dans la revue poétique La tour de feu dirigée par Pierre Boujut à Jarnac. Par la suite, mon père a édité certains poèmes dans sa revue Le Lérot rêveur. S’en suivirent les nombreuses éditions aux couvertures illustrées par Lell Boehm.
Pouvez-vous nous présenter les ouvrages à paraître ?
E.L. : La prochaine Année Céline 2018 avec notamment plus de cinquante lettres inédites et le rapport de la police de Copenhague lors de l’arrestation de Céline le 17 décembre 1945, resté jusqu’ici inconnu et retrouvé par François Marchetti. Un ouvrage de Maurice Garçon sur Huysmans à Ligugé présenté et annoté par Olivier Cariguel. Un important volume sur André Breton représentant un aboutissement des recherches du spécialiste Henri Béhar. Une étude de Pierre Giresse, ayant lui-même vécu en Afrique, sur "Céline en Afrique". Et bien sûr, les prochains numéros de Histoires littéraires.
E.L. : Mon père travaille depuis longtemps sur l’œuvre et la correspondance de Louis-Ferdinand Céline. Il a soutenu sa thèse sur l’édition de la correspondance de Louis-Ferdinand Céline (actuellement près de sept mille lettres connues). Sa connaissance approfondie de l’écrivain a généré la création d’une revue annuelle, L’Année Céline. Cette revue incarne l’esprit de recherche et de découverte sur divers aspects de l’œuvre et de la vie de Céline. Le tirage est assez limité, il est de 550 exemplaires. Le nombre de pages varie selon les années en fonction du nombre des découvertes et des contributions.
Henri Simon Faure (1923-2015) a vécu à l’écart du monde littéraire. Il est considéré, entre autres, comme un poète libertaire. Vous avez fait paraître une vingtaine d’ouvrages de l’écrivain. À quoi souhaitez-vous le voir exposer ?
E.L. : Henri Simon Faure était une personnalité très originale. Cela se ressent dans son œuvre poétique où son écriture "déforme" la langue et la structure grammaticale. Je peux citer parmi la vingtaine de titres : Je brocanteur de mots, Où le point de rencontre des deux branches de la croix (poème en sept volumes). C’est une poésie au langage oral. Henri Simon Faure et sa femme Lell Boehm, qui était peintre, étaient des amis de longue date de mes parents. Le poète a notamment publié dans la revue poétique La tour de feu dirigée par Pierre Boujut à Jarnac. Par la suite, mon père a édité certains poèmes dans sa revue Le Lérot rêveur. S’en suivirent les nombreuses éditions aux couvertures illustrées par Lell Boehm.
Pouvez-vous nous présenter les ouvrages à paraître ?
E.L. : La prochaine Année Céline 2018 avec notamment plus de cinquante lettres inédites et le rapport de la police de Copenhague lors de l’arrestation de Céline le 17 décembre 1945, resté jusqu’ici inconnu et retrouvé par François Marchetti. Un ouvrage de Maurice Garçon sur Huysmans à Ligugé présenté et annoté par Olivier Cariguel. Un important volume sur André Breton représentant un aboutissement des recherches du spécialiste Henri Béhar. Une étude de Pierre Giresse, ayant lui-même vécu en Afrique, sur "Céline en Afrique". Et bien sûr, les prochains numéros de Histoires littéraires.