Les Éditions libertaires, réelle ouverture sur l’infini
Jean-Marc Raynaud fonde en 2001 les Éditions libertaires à Saint‑Georges‑d’Oléron. Grâce à sa ligne éditoriale et ses seize collections, la maison indépendante et militante, qui compte plus de deux cents titres à son catalogue, n’a pas seulement l’objectif de diffuser des idées anarchistes mais aussi d’offrir une réflexion beaucoup plus large sur l’homme et son rapport au monde à construire.
La collection Propos mécréants compte une dizaine de titres. En 2011, comment s’est-elle annoncée ?
Jean-Marc Raynaud : Avec Dominique Lestrat, nous sommes les deux derniers co‑fondateurs des Éditions libertaires. Nous n’aimons pas l’étiquette "maison d’édition" : trop connotée capitaliste, logique du pouvoir, marchandisation, etc. Nous sommes simplement une bande de petits vieux, amoureux des livres œuvrant à des processus de révolution sociale. Sur le plan juridique, nous sommes une association 1901 à but non lucratif. Notre logique implique une absence de patrons, de salariés, d’actionnaires, de subventions, de contrats aidés, etc. De plus, nous imprimons nos livres dans une SCOP (Société coopérative ouvrière de production qui intègre l’égalité des salaires) et pas en Corée du Nord. Donc, nous travaillons tous gratuitement et nous mettons souvent la main à la poche de nos petites retraites. Notre objectif n’est pas de diffuser des idées anarchistes (disons pas seulement). Juste TOUTES les idées participant à la mise en actes d’un processus de révolution sociale libertaire. Enfin, en tant que libertaires, nous sommes athées et donc anticléricaux. Pour autant, nous nous battons pour la laïcité qui permet le « vivre‑ensemble » entre croyants et non croyants.
Les Égorgeurs de Benoist Rey est paru en 2017. Il s’agit d’une réédition. Racontez-nous la genèse des plus fiévreuses du livre…
J-M.R. : La fin des années 50 marque la guerre d’Algérie. Benoist Rey avait vingt ans. Il était prolétaire, son cœur était à gauche. Fallait-il y aller ou non ? À vingt ans, on est dans la toute puissance. D’où le choc avec la réalité. Pourquoi, comment, Benoist s’est-il insurgé jusqu’à affirmer qu’il ne porterait pas d’armes ? Un officier, intelligent ou pervers (ou les deux), lui a proposé d’être un infirmier, sans armes, dans les bataillons de chocs. Benoist y a vécu l’horreur : les assassinats, la torture, les viols, les massacres, etc. Cela l’a rendu fou. Pour se laver la tête, il a écrit Les Égorgeurs, un des quatre livres majeurs sur la guerre d’Algérie. Paru en 1961 aux éditions de Minuit, ce livre fut saisi trois jours après. Les Éditions libertaires s’honorent d’avoir republié ce livre en 1998. Par‑delà la dénonciation de l’intolérable, ce livre est d’une écriture cristalline. Quasiment du Camus.
L’ouvrage L’impasse islamique d’Hamid Zanaz, préfacé par Michel Onfray, est une critique radicale de l’idéologie islamique. Selon vous, avec quel esprit libre l’auteur l’a‑t‑il écrit afin de considérer la vérité dont il recèle ?
J-M.R. : Hamid Zanaz était Professeur à l’Université d’Alger, au département Sciences politiques. Il faisait partie de l’association des athées du Maghreb. Une fatwa a été lancée contre lui, ce qui l’a poussé à l’exil. Il sait de quoi il parle et c’est pourquoi sa radicalité est exempte de toute scorie insultante. L’énoncé des faits est suffisant.
Jean-Marc Raynaud : Avec Dominique Lestrat, nous sommes les deux derniers co‑fondateurs des Éditions libertaires. Nous n’aimons pas l’étiquette "maison d’édition" : trop connotée capitaliste, logique du pouvoir, marchandisation, etc. Nous sommes simplement une bande de petits vieux, amoureux des livres œuvrant à des processus de révolution sociale. Sur le plan juridique, nous sommes une association 1901 à but non lucratif. Notre logique implique une absence de patrons, de salariés, d’actionnaires, de subventions, de contrats aidés, etc. De plus, nous imprimons nos livres dans une SCOP (Société coopérative ouvrière de production qui intègre l’égalité des salaires) et pas en Corée du Nord. Donc, nous travaillons tous gratuitement et nous mettons souvent la main à la poche de nos petites retraites. Notre objectif n’est pas de diffuser des idées anarchistes (disons pas seulement). Juste TOUTES les idées participant à la mise en actes d’un processus de révolution sociale libertaire. Enfin, en tant que libertaires, nous sommes athées et donc anticléricaux. Pour autant, nous nous battons pour la laïcité qui permet le « vivre‑ensemble » entre croyants et non croyants.
Les Égorgeurs de Benoist Rey est paru en 2017. Il s’agit d’une réédition. Racontez-nous la genèse des plus fiévreuses du livre…
J-M.R. : La fin des années 50 marque la guerre d’Algérie. Benoist Rey avait vingt ans. Il était prolétaire, son cœur était à gauche. Fallait-il y aller ou non ? À vingt ans, on est dans la toute puissance. D’où le choc avec la réalité. Pourquoi, comment, Benoist s’est-il insurgé jusqu’à affirmer qu’il ne porterait pas d’armes ? Un officier, intelligent ou pervers (ou les deux), lui a proposé d’être un infirmier, sans armes, dans les bataillons de chocs. Benoist y a vécu l’horreur : les assassinats, la torture, les viols, les massacres, etc. Cela l’a rendu fou. Pour se laver la tête, il a écrit Les Égorgeurs, un des quatre livres majeurs sur la guerre d’Algérie. Paru en 1961 aux éditions de Minuit, ce livre fut saisi trois jours après. Les Éditions libertaires s’honorent d’avoir republié ce livre en 1998. Par‑delà la dénonciation de l’intolérable, ce livre est d’une écriture cristalline. Quasiment du Camus.
L’ouvrage L’impasse islamique d’Hamid Zanaz, préfacé par Michel Onfray, est une critique radicale de l’idéologie islamique. Selon vous, avec quel esprit libre l’auteur l’a‑t‑il écrit afin de considérer la vérité dont il recèle ?
J-M.R. : Hamid Zanaz était Professeur à l’Université d’Alger, au département Sciences politiques. Il faisait partie de l’association des athées du Maghreb. Une fatwa a été lancée contre lui, ce qui l’a poussé à l’exil. Il sait de quoi il parle et c’est pourquoi sa radicalité est exempte de toute scorie insultante. L’énoncé des faits est suffisant.
"La multiplicité des collections reflète simplement la multiplicité des manières d’aborder la vie."
De quelle manière avez-vous approché le journal de Sylviane Rosière jusqu’à en faire un livre Ouvrière d’usine ! édité en 2011 ?
J-M.R. : Je n’ai jamais rencontré Sylviane Rosière. La genèse de ce livre est simple. Lors d’un enterrement, un camarade des Éditions libertaires, qui n’est autre que Benoist Rey, rencontre la sœur de Sylviane. Sylviane est atteinte d’un cancer et elle écrit tous les jours à sa sœur. Benoist lui propose d’éditer cette correspondance. Ce livre, somptueux, aurait mérité d’être salué par la critique. La "quoi" ? Le monde est mal fait.
Diony Coop : des coopératives alimentaires autogérées dans le 9‑3 de Jean‑Claude Richard paraît en 2017. Il s’agit, entre autres, d’expérimenter des pratiques issues de l’éducation populaire, en proposant une approche libertaire du rôle de l’organisation dans les relations humaines. Comment un tel livre peut-il impliquer son lecteur ?
J-M.R. : Il n’y a que la lecture de Diony Coop qui puisse faire comprendre cette implication.
Quelle explication donnez-vous au fait que votre maison d’édition accueille autant de collections ?
J-M.R. : La multiplicité des collections reflète simplement la multiplicité des manières d’aborder la vie.
Vous avez édité plusieurs fois Claude Margat disparu fin 2018. Il avait signé Questions de mots avec Bernard Noël en 2009, Divin Capital en 2011, L’enseignement du vide et de la mort en 2017. D’après vous, que retenir de ce peintre et écrivain dont le talent n’était plus à prouver ?
J-M.R. : Claude Margat et moi étions amis depuis le lycée. Une soixantaine d’années, donc. Il nous a fait l’amitié, alors qu’il était mourant, de son dernier livre, L’enseignement du vide et de la mort. Tout y est dit.
Espagne, les affiches des combattant-e-s de la liberté regroupe trois cents affiches, timbres, cartes postales, éditées par les organisations libertaires entre 1936 et 1939. Quel pari avez-vous pris en publiant ce livre l’an dernier ?
J-M.R. : Nous n’avons fait aucun pari en publiant les affiches des combattant-e-s de la liberté, Espagne, 1936. C’était juste un devoir.
Quelle fut l’impulsion d’Antonin Artaud, l’anarchiste courroucé de Ilios Chailly (2018) ?
J-M.R. : Ilios Chailly est au moins aussi courroucé et déjanté qu’Antonin Artaud. Il nous en parle, donc, plus que savamment. Et c’est génial.
Maud et Yanis Youlountas cosignent Exarcheia la noire : Au cœur de la Grèce qui résiste. Édition mise à jour et augmentée, 2018. Si le Quartier latin, à Paris, concentre les épisodes les plus marquants de la révolte de Mai 1968 dans la mémoire collective, Athènes a son quartier Exarcheia, bastion historique de la résistance durant la dictature des colonels, aujourd’hui haut lieu de la contestation. La force de l’ouvrage provient qu’il donne corps à l’actualité. Quelles ont été les clés pour publier Exarcheia la noire ?
J-M.R. : Maud et Yannis Youlountas sont des camarades et des amis. Leur combat est le nôtre. Et c’est un combat d’aujourd’hui.
Quels sont les livres à paraître prochainement ?
J-M.R. : Un livre de Justhom sur l’histoire passée et présente de l’esclavage. Vous allez avoir du mal à y croire. Et pourtant ! Et puis, un livre d’art qui s’intitule Paris révolutionnaire. Dans chaque arrondissement, des lieux peu connus et une flopée de révolutionnaires les ayant fréquentés. Ça donne envie de revisiter Paris.
J-M.R. : Je n’ai jamais rencontré Sylviane Rosière. La genèse de ce livre est simple. Lors d’un enterrement, un camarade des Éditions libertaires, qui n’est autre que Benoist Rey, rencontre la sœur de Sylviane. Sylviane est atteinte d’un cancer et elle écrit tous les jours à sa sœur. Benoist lui propose d’éditer cette correspondance. Ce livre, somptueux, aurait mérité d’être salué par la critique. La "quoi" ? Le monde est mal fait.
Diony Coop : des coopératives alimentaires autogérées dans le 9‑3 de Jean‑Claude Richard paraît en 2017. Il s’agit, entre autres, d’expérimenter des pratiques issues de l’éducation populaire, en proposant une approche libertaire du rôle de l’organisation dans les relations humaines. Comment un tel livre peut-il impliquer son lecteur ?
J-M.R. : Il n’y a que la lecture de Diony Coop qui puisse faire comprendre cette implication.
Quelle explication donnez-vous au fait que votre maison d’édition accueille autant de collections ?
J-M.R. : La multiplicité des collections reflète simplement la multiplicité des manières d’aborder la vie.
Vous avez édité plusieurs fois Claude Margat disparu fin 2018. Il avait signé Questions de mots avec Bernard Noël en 2009, Divin Capital en 2011, L’enseignement du vide et de la mort en 2017. D’après vous, que retenir de ce peintre et écrivain dont le talent n’était plus à prouver ?
J-M.R. : Claude Margat et moi étions amis depuis le lycée. Une soixantaine d’années, donc. Il nous a fait l’amitié, alors qu’il était mourant, de son dernier livre, L’enseignement du vide et de la mort. Tout y est dit.
Espagne, les affiches des combattant-e-s de la liberté regroupe trois cents affiches, timbres, cartes postales, éditées par les organisations libertaires entre 1936 et 1939. Quel pari avez-vous pris en publiant ce livre l’an dernier ?
J-M.R. : Nous n’avons fait aucun pari en publiant les affiches des combattant-e-s de la liberté, Espagne, 1936. C’était juste un devoir.
Quelle fut l’impulsion d’Antonin Artaud, l’anarchiste courroucé de Ilios Chailly (2018) ?
J-M.R. : Ilios Chailly est au moins aussi courroucé et déjanté qu’Antonin Artaud. Il nous en parle, donc, plus que savamment. Et c’est génial.
Maud et Yanis Youlountas cosignent Exarcheia la noire : Au cœur de la Grèce qui résiste. Édition mise à jour et augmentée, 2018. Si le Quartier latin, à Paris, concentre les épisodes les plus marquants de la révolte de Mai 1968 dans la mémoire collective, Athènes a son quartier Exarcheia, bastion historique de la résistance durant la dictature des colonels, aujourd’hui haut lieu de la contestation. La force de l’ouvrage provient qu’il donne corps à l’actualité. Quelles ont été les clés pour publier Exarcheia la noire ?
J-M.R. : Maud et Yannis Youlountas sont des camarades et des amis. Leur combat est le nôtre. Et c’est un combat d’aujourd’hui.
Quels sont les livres à paraître prochainement ?
J-M.R. : Un livre de Justhom sur l’histoire passée et présente de l’esclavage. Vous allez avoir du mal à y croire. Et pourtant ! Et puis, un livre d’art qui s’intitule Paris révolutionnaire. Dans chaque arrondissement, des lieux peu connus et une flopée de révolutionnaires les ayant fréquentés. Ça donne envie de revisiter Paris.