Les éditions Maison Lison portent haut leurs couleurs !
Paru en septembre 2022, Et pourquoi pas ?, second titre des jeunes éditions bordelaises Maison Lison, s'inscrit parfaitement dans leur amour autoproclamé pour la couleur et l'imaginaire.
C'est un endroit magique, où l'on a tout de suite envie de s'installer : les noms de lieux y sont tendres et rigolos, il y a des manèges au milieu de la forêt, beaucoup d'arbres et de fleurs et toutes sortes d'animaux. On y pratique le patin à roulettes et il y pleut des confettis. Et puis, les personnages y sont hors du commun, à l'instar des trois héros : ils s'appellent Huguette Roulettes, Diégo Stégo et Simonator, ont les cheveux violets, des combinaisons spatiales ou sont des dinosaures ventrus avec des coiffes à plume et des beaux escarpins roses.
Et quand ces trois drôles de personnages franchement dépareillés partent explorer la montagne voisine, ils emmènent un bien curieux équipement... Qui irait randonner avec un ressort, du chewing-gum et des pinces à linges ? Eh bien, les jouets d'un enfant qui s'amuse dans sa chambre, pardi !
À l'instar de son titre, Et pourquoi pas ?, ce joli album nous parle du champ des possibles. Qu'est-ce qui empêche un dinosaure de s'appeler Diégo Stégo ? De lui faire porter des chaussures roses et de manger du cheesecake ? Rien, absolument rien, et c'est bien le privilège des enfants de pouvoir créer des mondes imaginaires, sans s'encombrer d'inutiles lois.
"Ici, l'enfant qui joue, c'est moi !"
Oriana Villalon, qui a réalisé les textes et illustrations, nous le confirme : sa première envie dans l'écriture de cet album était celui de parler du "besoin d'imaginaire", du "tout est possible", et comment celui-ci peut passer par le jeu. Quand elle évoque – avec une forme de gourmandise – l'"ultra liberté" qu'elle a ressentie en réalisant l'album, il nous est difficile de ne pas faire un parallèle entre l'enfant qui joue et l'artiste elle-même. Y a-t-il une activité plus proche et aussi libérée de règles et contraintes que la création artistique ? Pour Oriana, en tout cas, la comparaison est évidente : "Ici, l'enfant qui joue, c'est moi !"
Elle rend donc hommage à ces possibilités sans limites que provoque le jeu, et qui amène aussi, de façon plus discrète, à la poésie. Il y a quelque chose du surréalisme et du cadavre exquis à associer tant d'éléments disparates. Le verbe n'est d'ailleurs pas en reste, car ce chant d'amour à l'imagination et au fantasque joue aussi avec les mots. L'inventaire des accessoires de randonnée a des accents de Prévert, beaucoup de paragraphes se terminent comme des comptines, et puis, le verbe "grimpatouiller", il n'existe pas. Quoique... et pourquoi pas ?
Bien sûr, ce n'est pas la première fois qu'un album s'empare de la thématique du monde intérieur de l'enfant, de sa capacité à projeter des univers entiers dans un coin de chambre, et un trésor dans une simple boîte à boutons. Mais le champ des possibles que porte ce sujet fait qu'il peut être mille fois renouvelé, et s'adresse à tous, puisqu'absolument universel. Nina Bruneau, qui gère la Maison Lison, l'exprime d'ailleurs ainsi : "Le but de ce récit est de montrer aux enfants qu'un trésor peut être ce qu'il veulent."
"Nous portons une grande importance aux sujets et aux morales que nous faisons passer dans nos ouvrages."
Nous avons par ailleurs interrogé l'éditrice sur leur slogan, qui apparaît en début d'album : "Des livres hauts en couleurs, pour voir le Monde autrement." Nina nous explique : "Monde avec un m majuscule car nous portons une grande importance aux sujets et aux morales que nous faisons passer dans nos ouvrages. Et hauts en couleurs parce que nous aimons le loufoque, les personnages aux caractères originaux, l'humour, la magie et que les couleurs ont une grande place. Elles nous permettent de transmettre bon nombre d'émotions et d'apporter de la gaieté dans nos albums."
Et effectivement, si le message porté est clair, côté couleurs aussi le pari est tenu ! La couverture donne le ton : le vert du dinosaure est d'autant plus explosif qu'il tranche sur un fond noir, soutenu par des éléments fuchsias et une pluie de confettis. Ces teintes éclatantes et saturées se retrouvent dans les pages intérieures, à l'image de ce fameux ressort arc-en-ciel, qui éveillera chez les plus grands une douce nostalgie. Oriana Villalon assume ses inspirations fauvistes, avec des couleurs qui semblent directement sorties du tube, mais aussi un goût pour l'art naïf évoquant tant le Douanier Rousseau que Séraphine de Senlis.
C'est d'ailleurs la couleur qui créé le dessin : les illustrations sont en couleurs directes, sans tracé noir. Elles façonnent les éléments, paysages, objets comme personnages, avec un côté "fait main" largement assumé, laissant paraître le grain du papier et les coups de pinceau. L'autrice laisse libre cours aux aléas de l'aquarelle, offrant ainsi de beaux effets de matières.
Finalement, un livre chaleureux, gai et réconfortant, qui donne envie de dessiner, de peindre, et surtout de ressortir le vieux coffre à jouets !