Liuna Virardi au Chalet Mauriac : une résidence riche en rebondissements
À la fin du mois d’octobre, Liuna Virardi a quitté Saint-Symphorien (33) et le Chalet Mauriac. Installée depuis début septembre dans cette résidence d’artistes coordonnée par ALCA, l’auteure-illustratrice d’origine italienne a profité de ces semaines hors du temps pour laisser le champ libre à sa créativité. Pour Prologue, elle fait le bilan de son séjour, fertile et productif.
Régulièrement exposée en Europe, en Asie et en Amérique du Nord, Liuna Virardi est née à Bologne en 1983, a étudié le design graphique et la communication visuelle en Italie, l’illustration à Barcelone et vit actuellement à Toulouse. C’est donc tout naturellement que, parmi la douzaine de livres pour enfants qu’elle a publiés, certains sont écrits en italien, d’autres en espagnol ou en français comme ABC des peuples et Comment tout a commencé (éd. MéMo) ou Imagine (éd. L’Agrume). Ces documentaires et abécédaires souvent tendres et poétiques sont illustrés selon les demandes des éditeurs, les besoins du texte et ses propres envies à partir de collages, de tampons ou de techniques numériques. Mais toujours avec cette patte minimaliste et tout en contraste, faisant jouer de manière dynamique les couleurs et les formes, nous plongeant dans un univers graphique particulièrement évocateur pour les plus jeunes. ALCA est donc ravie que Liuna Virardi ait pu mettre à profit le cadre du Chalet Mauriac, malgré un faux départ.
Faux départ, belle arrivée
En effet, lorsque Liuna Virardi a présenté sa demande de résidence, elle souhaitait alors travailler sur un projet d’imagier, destiné aux enfants de 5 à 6 ans. Intitulé Dans la maison, ce futur livre devait être le prolongement naturel d’un ouvrage paru en juin dernier, Dans la boîte (éd. L’Agrume). C’est ce projet qui a convaincu ALCA or, entre le moment où elle dépose sa candidature et celui où elle apprend qu’elle est retenue, l’illustratrice a décidé de l’abandonner, ne le trouvant plus si pertinent. Et c’est là l’occasion de rappeler le positionnement de ALCA : l’agence, qui a sélectionné l’artiste, lui fait confiance pour mettre à profit les deux mois qui lui sont proposés. En effet, le temps d’accueil au Chalet doit surtout être "un temps de création" donné à l’univers artistique du résident, plus que l’aboutissement d’un projet précis.
Dans le cas de Liuna, c’est tout un processus de réflexion/sélection qui s’est mis en place pendant son séjour à Saint-Symphorien : dans sa valise, elle avait emporté ses différents carnets de recherche regorgeant d’idées à développer. Après avoir pris quelques jours pour effectuer un tri, d’abord seule puis en collaboration avec son éditeur Guillaume Griffon (Ed. L’Agrume), elle décide de conserver deux projets à développer en résidence. Tout compte fait, ils seront eux aussi bien vite abandonnés (la création, c’est le doute !). Finalement, elle nous présentera quatre pistes nouvelles, variées et abouties : tout d’abord, un livre pour les tout-petits avec des jeux d’ouverture, pour lequel elle a fait une maquette pendant son séjour ; un projet de livre cartonné mini-format, destiné aux tout-petits également. Illustré par des collages, il se déploie en volume de façon circulaire afin de mettre en scène l’éternel recommencement du cycle de la vie sur Terre. Elle a profité du temps passé au Chalet Mauriac pour faire les maquettes de cet ouvrage mais… "en noir et blanc ou couleurs ? Même si le noir et blanc est une prise de risque éditoriale, pour les très jeunes lecteurs les images contrastées sont très claires à comprendre. J’hésite..." Ensuite, pour répondre à la commande d’un éditeur italien lui proposant d’illustrer un texte, elle a réalisé l’intégralité de la maquette. Le livre, consacré à la complémentarité et aux contrastes, s’appellera Pieno e Vuoto ("plein" et "vide", qui sont aussi les prénoms des deux personnages).
Belles lettres, calme et rencontres
Enfin, influencée par l’environnement immédiat du Chalet, elle a travaillé sur le thème de la lenteur. "Et pour la première fois, j’ai eu envie d’écrire. Dans mes livres, je cherche toujours à jouer avec les images ou à jouer avec l’objet-livre : des mécanismes, ou des pages qui s’ouvrent dans différents sens. Et là non. Dans mes deux premiers albums parus en France, il y a du texte, bien sûr, mais ce sont des textes documentaires. Là, j’ai eu envie d’écrire une histoire dans laquelle on dirait qu’il ne se passe rien mais en fait, si, bien sûr qu’il se passe quelque chose." Le secret de cette créativité pendant deux mois ? Liuna n’hésite pas une seconde : "Le calme qui permet de se concentrer. C’est beau ici, on se promène dans le parc, on est déconnecté du reste. On est hors-temps, hors-lieu. Et la nature est une bonne distraction : depuis ma fenêtre, je vois des écureuils, des biches. On reprend le rythme de la nature, c’est apaisant. On n’est pas pressé ici. C’est l’Eden !"
Liuna Virardi avait déjà bénéficié d’une résidence d’écrivain, à Troyes, en 2017, où elle était seule. Le Chalet Mauriac, lui, a pris le parti d’accueillir simultanément plusieurs résidents issus de différents domaines artistiques. Ils ont en commun l’écriture, ou plutôt les écritures : littéraires, musicales, cinématographiques, audiovisuelles etc. Les temps de partage entre résidents ont aidé Liuna, nous dit-elle, surtout pour son projet d’écriture de conte, un exercice inédit pour elle. Elle a ainsi pu montrer son ouvrage en cours à quelques-uns de ses colocataires. Pour avoir leur point de vue, pour être rassurée aussi, parfois. Une expérience de résidence pleine de revirements et de satisfactions. Complète et réussie, en somme.