Maud Langlois fait exploser les couleurs


Maud Langlois nous ouvre les portes du Chalet Mauriac avec un sourire affable et une énergie communicative. Plein soleil, calme de la forêt, nous nous installons dans le parc du chalet pour évoquer ces quelques semaines de résidence. L’impétrante de la résidence de création libre allouée par ALCA est venue travailler à un projet de conte tzigane illustré.
"C’est ma toute première résidence ! Un mois entier sans aucune interférence avec l’extérieur, en immersion totale, c’est splendide." Son enthousiasme anime ses gestes et propos, aussi gais que sa palette de couleurs. Plus connue pour son travail de gravure, qu’elle a étudiée en école d’art mais surtout auprès du maître taille-doucier Robert Frelaut1, Maud Langlois décide, à quarante-cinq ans, de plaquer tout ce qu’elle a toujours fait.
"Après quinze ans de gravure, je me suis lancé ce challenge à moi-même : ne pas en faire pour ce projet ! J’ai vendu ma presse portative et suis venue avec mes gouges, mes gommes, mais aussi mes aquarelles, mes pastels secs, mon papier carbone… Sortir de la pratique de la gravure a donné lieu à une réelle explosion de couleurs. La révélation a été le pastel sec. Tu travailles avec le doigt, c’est très agréable, presque comme de la terre. Le trait donné par le doigt fait que ce n’est jamais pareil. Quant au papier carbone, ce que j’aime c’est qu’on découvre le dessin après. C’est opaque, on dessine, et puis, on soulève la feuille et le dessin apparaît soudain. Comme avec la gravure finalement… !"
Quand elle nous fait visiter son atelier éphémère (bien que très investi), on découvre des palettes de peinture pas comme les autres, qui empruntent leur forme à des bacs à glaçons, mais dont la céramique blanc immaculé renvoie la lumière. Des objets d’art.
"Je les ai fabriquées moi-même. Je trouve important de travailler avec des outils qui nous sont agréables, qui nous semblent beaux. J’ai appris le travail des émaux dans une école de céramique. On retrouve le procédé de surprise, de moment où l’œuvre ne t’appartient plus, et que tu découvres. Avec la céramique, tu mets au four, tu attends, et la magie opère."
Si Maud Langlois a gagné sa place dans ces murs mauriaciens, c’est grâce à son idée d’adaptation du conte traditionnel tzigane Le chant du monde, dont la trame et la parabole l’ont émue au point de vouloir les mettre en images. Une histoire d’oiseaux, et d’hommes, à la cosmogonie du monde.
L’illustratrice est aussi voyageuse. Entre autres, elle a vécu en Bulgarie, en Serbie, ce qui explique en partie son choix d’une histoire tzigane. "C’était une période de vie totalement libre, sans aucune recherche de confort, comme le petit oiseau rouge de l’histoire – ekiliki-. Mais je suis aussi ces autres oiseaux, j’ai vécu dans le palais et au ciel !" s’amuse-t-elle à comparer. Le précédent ouvrage (et son premier livre en tant qu’autrice) était signé chez la maison d’édition néo-aquitaine Apairon, spécialisée en livres d’art et dont le format en leporello (sorte d’accordéon) avait offert un bel espace pour ses dessins. Pour son histoire d’hommes-oiseaux, Maud Langlois voudrait changer de format, et changera de public. Elle s’attaque cette fois-ci à la littérature jeunesse, et vise un format peut-être plus classique à prendre en main qui ferait la part belle aux couleurs qui jaillissent de ses mille et un outils de création.
Et le texte dans tout ça ?
"Au départ, c’est vraiment l’image pour moi. Le texte vient après. J’ai commencé à travailler sur quelques scènes mais je pense qu’à la fin de la résidence, je prendrai une pause graphique pour aller vers le texte. Quand j’écris, j’écris à la main. Je réécris et réécris encore… Je crois que j’écris comme je dessine." Pourtant, écriture il y a, au Chalet. Selon la dessinatrice, l’ambiance studieuse du matin, où la vie des résidents fourmille dès l’aube, tout à leurs projets jusqu’à la fin de l’après-midi, se meut en atmosphère conviviale le soir venu. "On dîne ensemble tous les jours, on échange sur nos travaux, on joue beaucoup aussi. Je leur propose des cadavres exquis, ou d’écrire des lettres dans le futur. Hier, on a écrit sur nous en octobre 2025, ça avait l’air vraiment bien ! "
On leur souhaite, et bien au-delà.
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1. Pour en savoir plus sur le maître Frelaut : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lacouri%C3%A8re-Fr%C3%A9laut