Responsabilité dans les festivals de cinéma : unis pour mieux avancer
Né au printemps 2020, en pleine crise du Covid, le Collectif des festivals de cinéma et d'audiovisuel de Nouvelle-Aquitaine a été pensé par ses fondateurs comme un lieu de réflexion, de collaboration et de formation pour répondre aux problématiques liées à la pandémie et à la vie d’après. Rencontre d’une seule voix avec les trois coprésidents du collectif : Maguy Cisterne (Festival du cinéma de Brive – Rencontres internationales du moyen métrage), Arnaud Dumatin (Festival La Rochelle Cinéma) et Stéphanie Loustau (Festival Biarritz Amérique latine).
Pouvez-vous présenter la genèse du collectif et sa raison d’être ?
Le Collectif des festivals de cinéma et d'audiovisuel de Nouvelle-Aquitaine1 a vu le jour à la suite de nombreux échanges informels entre les organisateurs de festivals de cinéma de la région pendant la pandémie. Reprise de nos activités après le Covid, reconquête des publics : nous avions des problématiques communes et nous avons eu besoin de dialoguer et de confronter nos expériences afin de trouver des réponses. Pour accompagner ces réflexions et aller au-delà, nous avons créé la structure pour réfléchir à des thématiques assez récentes, en tout cas dans leur prise de conscience. Pour la troisième année de suite, nous organisons des journées autour de la responsabilité (environnementale et sociale). Un thème est défini chaque année et décliné lors de journées de formation. L’objectif est d’en retirer des pistes d’améliorations très concrètes et aussitôt exploitables.
L’autre objectif du collectif est de mieux se connaître entre festivals et de créer des liens, voire des mutualisations (de coûts, de compétences, de connaissances). Nous étions huit membres au départ et nous sommes seize aujourd’hui. Pour adhérer, plusieurs critères doivent être remplis : une existence de deux ans minimums, un ancrage en Nouvelle-Aquitaine, un financement de la Région, une direction artistique, un travail d’éducation à l’image…
Vous organisez des journées professionnelles sur la responsabilité depuis 2022. L’écoresponsabilité a été la première problématique abordée. Quels constats vous y ont amenés ?
Nous sommes bien évidemment toutes et tous sensibles au monde qui nous entoure et réfléchir à l’écoresponsabilité nous paraissait urgent. Le thème est foisonnant et assez intimidant, mais nous tenions à nous améliorer et à organiser des festivals vertueux et responsables. Nous avons été aiguillés par les dix objectifs de la Charte de développement durable pour les festivals (publiée par le ministère de la Culture en décembre 2021). La notion d’écoresponsabilité est apparue depuis quelques années dans les conventions signées avec nos partenaires publics et des critères d’écoconditionnalité commencent à être prévus (Région, mairies, etc.). Nous ressentions aussi un devoir d’exemplarité et de sensibilisation face aux publics que nous accueillons, notamment les jeunes générations.
En 2022, nous avons organisé quatre journées de formation, très pratiques et techniques, autour de quatre thématiques : la responsabilité numérique, les circuits courts, la mobilité et la compensation carbone. Beaucoup d’idées préconçues ont été battues en brèche et nous avons pu mettre immédiatement en pratique ce qui a été appris : un meilleur usage du matériel informatique (recycler, acheter du matériel de seconde main, etc.) et des pratiques numériques plus vertueuses (éteindre sa caméra lors de réunion en visio, repenser l’utilisation du streaming pour envoyer les films aux professionnels, etc.).
De même avec la journée sur les circuits courts, qui nous a donné des pistes pour adopter des comportements plus responsables sur la restauration dans nos événements (conception de menus moins carnés, locaux, proposition de menus végétariens uniques pour les invités, etc.).
Lors de la journée sur la compensation carbone, nous avons invité un représentant du festival de Cannes et un du festival de San Sebastián. Les deux événements ont une démarche proactive par rapport à leur bilan carbone et ils nous ont partagé leur expérience et leur savoir-faire. Lors de la journée sur la mobilité, le transport des spectateurs comme celui des invités ont été étudiés.
Nos festivals répondent à la règle d’obligation de transport en train pour les voyages des participants en France, mais comment être plus responsables quand nos invités viennent de loin ? La grande équation à résoudre est : comment être plus vertueux tout en gardant une dimension festive et conviviale qui attire les publics ?
En 2023, vous avez décidé de réfléchir à la question du travail et du social, pourquoi ?
Nous avons constaté une fragilisation et une lassitude de nos équipes (notamment en sortie de pandémie). Nos métiers sont des métiers de passion, mais ils sont épuisants, pas toujours bien rémunérés et avec des statuts et des contrats très disparates. Nous avons commencé par un état des lieux lors du festival Filmer le travail de Poitiers, aidés notamment par Sous les écrans la dèche, le collectif des précaires des festivals de cinéma. Nous avons ensuite travaillé sur des pistes d’amélioration en invitant un groupement d’employeurs et une juriste. Une journée de formation a aussi été consacrée au bien-être au travail et à l’évolution du rapport au travail ces dernières années. Ces journées ont permis une prise de conscience de nos tutelles. La réflexion se poursuit aujourd’hui au niveau national avec le collectif Carrefour des festivals, qui travaille sur l’état d’urgence économique et sociale des festivals. Dans tous nos événements, on observe les mêmes difficultés à boucler les budgets, à recruter les personnes et à les payer à leur juste valeur.
Et pour 2024, quel est le programme ?
Cette année, nous aurons pour thème l’inclusion. Trois journées thématiques sont prévues : une première lors du Festival de cinéma de Brive en avril2, autour du genre, de la parité, des violences et du harcèlement sexiste et sexuel ; une autre autour du handicap et de l’accessibilité pendant le Fema, début juillet ; et la dernière autour de la diversité ethno-raciale et sociale au FBAL en septembre. Nous travaillons actuellement sur les angles et les intervenants.
À qui s’adressent ces journées ?
Elles s’adressent en priorité aux membres du collectif et des structures qui coorganisent (ALCA, Cina, etc.), mais aussi aux professionnels présents sur le festival qui les accueille. Chaque journée est organisée par un festival membre qui s’occupe de la régie et de la programmation, ceci pour favoriser les intervenants locaux et exploiter la richesse du territoire. Les supports et comptes rendus de toutes les journées proposées sont disponibles sur le site du collectif et peuvent être utilisés comme une boîte à outils que chaque festival peut intégrer selon ses besoins et ses possibilités.
Nous avons une responsabilité sur l’événement, son image, ses répercussions sur les territoires et une autre vis-à-vis des auteurs et de la vie de leurs œuvres.
Qu’évoque le terme de responsabilité dans votre métier ?
Nous avons une responsabilité sur l’événement, son image, ses répercussions sur les territoires et une autre vis-à-vis des auteurs et de la vie de leurs œuvres. La responsabilité est multiple et notre rôle est de défendre des créations, de les faire connaître, de faire vivre notre territoire et de proposer une offre culturelle au public. Notre responsabilité est aussi à l’égard de notre structure, de nos employés et de notre environnement. Nous devons être vertueux et responsables pour être en phase avec l’idée du cinéma que nous défendons.
1. Le collectif réunit les festivals suivants : Fifib (Festival international du film indépendant de Bordeaux), Festival La Rochelle Cinéma, Poitiers Film Festival, Festival du cinéma de Brive, Fipadoc (Biarritz), Filmer le travail (Poitiers), Fifca (Festival international du film court d’Angoulême), Festival Biarritz Amérique latine (FBAL), Les Escales documentaires, Festival du film de Sarlat, Festival international du film d’histoire de Pessac, Rencontres du cinéma latino-américain, Festival du film de Contis, Festival Rock This Town de Pau, Rencontres cinéma et société (Tulle).
2. En collaboration avec ALCA.