Semer et faire sens : entre terre, geste et récit - Trace du parcours de la résidence en territoire de Sabrina Ambre Biller


Un parcours qui relie la notion du vivant, des cycles, du fragile, du faire et de l’empreinte. Un chemin qui questionne, qui relie, qui interroge. Comment habiter poétiquement le monde ? C’est cette posture que nous présentent les élèves du lycée horticole et du paysage du Petit Chadignac de la ville de Saintes, avec l’autrice Sabrina Ambre Biller et leur enseignante d’éducation socioculturelle Aude Bolzer. Après plusieurs semaines de résidence dans l’établissement, Sabrina Ambre Biller nous accompagne sur un parcours thématique mêlant poésie, imaginaire et technologie.
Luxuriante et piquante, je brille sous la rosée du matin... Ce sont les premiers mots d’un texte collectif qui nous accueillent dès l’entrée du lycée. Une poésie qui nous prend aux pieds, au cœur, aux sens, qui nous invite et nous ramène au cycle des saisons. Telle une liane, un méli-mélo végétal, c'est le travail d’écriture des élèves de 3ème qui a été mené avec Sabrina Ambre Biller. D’abord des jeux d’acrostiche, des jeux autours du végétal et de l’émotionnel, des mots, des phrases, un texte… des vers s’en détachent et reforment une poésie collective. L’artiste accompagne l’exercice à la réflexion, au questionnement. Comment la nature influence les mots et pensées ? Comment la poésie reflète l’environnement et la personnalité de chacun ? Ce texte poétique aux lettres cursives et à l’écriture linéaire est inscrit au sol avec une peinture écologique élaborée à base d’algue par une start-up bordelaise. Cette peinture à la particularité d’être photoluminescente et donc de réfléchir la lumière. Le texte prend alors vie à chaque cycle de la journée, de la rosée à la fraicheur de la nuit… Les oiseaux dessinent des cercles et la moissonneuse rugit au loin… Ce cheminement de mots nous guide tout autour de l’établissement sans discontinuer. Les élèves peuvent le suivre comme une musicalité, comme un repère, un lieu d’expression. Léane et Flora expriment leur joie d’avoir participé au projet.
"Ce qui est intéressant, c’est que chacun a une phrase et qu’on laisse une trace même après notre départ du lycée". Voilà une jolie expression d’un questionnement qui nous suit toute une vie. Comment trouver sa place dans le monde et que laissons-nous ?
Un morceau de rose, une magnifique fleur, résiste à la colère. Tout au long du parcours, on trouve disséminé aux abords du parc et des locaux de l’établissement, des carreaux de céramique. Ces carreaux présentent des QR code qui nous permettent d’entendre des capsules poétiques. Cette poésie japonaise, nommée haïku, composée de brefs vers, met en avant le rapport à la nature et à l’émotionnel. Un travail d’écriture mit en exergue par l’autrice et les élèves pour le Printemps des poètes, en écho au thème de cette édition annuel "Poésie volcanique". Guerre sanglante, fureur amoureuse, une vie pour un feu. Cette nouvelle installation "Haïkus au jardin", présentée à la suite de la résidence de l’artiste, lie de nouveau, poésie et nouvelle technologie. Matière noble et matière virtuelle. Céramique et lien sur plateforme. On peut donc écouter, sur la plateforme Spotify, l’expression de l’âme fougueuse, la pensée coulante, le chant des peurs, l’éclat de colère, le tremblement de terre ou bien encore la lumière éblouissante de Rachelle, Irina, Anaë, Alex et leurs camarades. Des textes émouvants, un véritable moyen d’exprimer ses émotions avec liberté.
Sabrina Ambre Biller est une artiste pluridisciplinaire au lien fort avec la nature. Elle étudie les arts plastiques, elle évolue dans la médiation culturelle et l’édition. Elle est l’autrice de plusieurs ouvrages mêlant poèmes et/ou illustrations. Photographe et designer graphique, elle regarde le monde dans ses différentes teintes de couleur. Après ces périodes de résidence au lycée de Saintes, c’est dans le train qui la ramène dans sa campagne landaise qu’elle se remémore les rencontres de la semaine et construit ses réflexions, ses observations. De ces observations qui font appel à tous les sens. Quelle place pour la contemplation ? pour voir la beauté du monde ? pour garder espoir ?
Une plante modifiée qui pousse sans fin, un régime totalitaire, des villes-tours flottantes, un monde où cohabitent humains et cyborgs, la disparition du soleil, l’intégration et l’accueil d’Aliens, ou bien encore, un monde où la nature a repris ses droits, ce sont "Les mondes futurs" imaginés par les élèves de terminale pour leur épreuve artistique du baccalauréat. Chaque élève présente son monde imaginaire, un univers dystopique dans tous ses détails, géologiques et sociologiques. Ils y abordent l’écoanxiété, questionnent les enjeux environnementaux, les pratiques passés et à venir.
"Le format soutenu par ALCA est d’une grande richesse. La période de six semaines d’intervention de l’autrice permet une véritable immersion dans le quotidien du lycée. Les élèves, le personnel du lycée, Sabrina Ambre Biller et moi, nous sommes véritablement rencontrés."
Sabrina Ambre Biller enrichit leurs mondes en présentant des cartels audios. Une exposition offerte aux élèves, comme une surprise, comme un "Merci pour cette aventure créative partagée". C’est à découvrir dans la chaleur exotique de la serre, qui reflète bien les conditions du réchauffement de la planète. Chaque cartel expose une phrase d’introduction au monde imaginaire, et la possibilité d’y entendre par un bouton pression, un message venant de ce monde… un appel à l’aide, un message d’alerte ou d’espoir interprété et mis en son par la compagnie de théâtre Torrent-ciel. "À cet instant précis, le temps et l’espace se plient, nous entrainant dans un enchevêtrement de mondes parallèles. L’action est notre seule clé pour façonner le futur." écrit l’autrice sur sa présentation du projet.
Cette résidence a également été l’occasion d’échanges et de débat autour de l’identité numérique, de l’image de soi. Que faisons-nous de notre image ? Comment la diffuse-t-on ? À la suite de quoi, l’autrice et photographe propose aux jeunes le projet nommé "MIX". Un projet qui explore la photogénie. Les élèves créent des portraits en utilisant des jeux de lumières révélant les facettes de leur véritable identité. Ce sont dans les flous, dans les ombres, dans les teintes que les élèves modèlent, mettent en exergue leurs émotions, la transmission d’un message qui leur ressemble. "Cette capacité des images à révéler une vérité intérieure à travers la lumière et la forme". Dans un monde où le visuel a pris beaucoup de place, ce projet permet aux élèves d’être "acteurs plutôt que simples consommateurs d’images."
C’est également grâce à la photographie que l’artiste Sabrina Ambre Biller propose un projet qui met en valeur la spécificité de l’établissement, un projet qui fédère. Un reportage photographique, documentaire et artistique nommé "De la graine à l’assiette". L’autrice plonge dans le quotidien de chaque acteur du parcours de cette graine. Un parcours dans le monde du vivant où les mains sont actives, précises et respectueuses, où les gestes se ressemblent, se répètent. De cette main qui plante la graine à celle qui cuisine. Semer, cultiver, récolter, cuisiner, vendre… Une immersion de Sabrina Ambre Biller dans les cours de l’exploitation agricole et dans le service de restauration qui valorise les produits issus du travail des jeunes. Une magnifique exposition sur le "faire", une mise en avant du lien entre les différents intervenants de ce parcours, les élèves, les enseignants mais aussi tout le personnel de fonctionnement de l’établissement. Un reportage fin, reflétant l’œil sensible de son autrice, qui rend hommage à la beauté et au bon sens. Ce reportage est exposé à la médiathèque F. Mitterrand de Saintes depuis le 3 juin 2025.
Tant de projets et réalisations furent possibles grâce au travail en binôme de l’artiste et de Aude Bolzer, enseignante d’éducation socioculturelle. L’éducation à l’environnement social, à la communication active et l’éducation artistique constituent des composantes de la formation des aprennant.es dans les établissements agricoles. Aude Bolzer occupe son poste depuis un an et souligne son intérêt pour ce projet. "Le format soutenu par ALCA est d’une grande richesse. La période de six semaines d’intervention de l’autrice permet une véritable immersion dans le quotidien du lycée. Les élèves, le personnel du lycée, Sabrina Ambre Biller et moi, nous sommes véritablement rencontrés."
Autrice, compositrice et interprète. Artiste de spectacles vivants et directrice artistique de la compagnie ABAT-JOUR. Elle mène sa musique et ses mots comme sa vie, à trouver l’équilibre entre douceur et force, raison et instinct. Cela donne alors des chansons aux mots poétiques, choisis et souriants, aux sons subtils, mélancoliques mais aussi décalés et grinçants. Elle s'est posée en bord de Charente où elle joue ses chansons en co-production avec la scène conventionnée de la ville de Saintes (17) Théâtre LE GALLIA.