"D'ici et d'ailleurs" : des lycéens néracais racontent l'histoire migratoire locale
Le lycée agricole Armand-Fallières de Nérac a reçu pendant six semaines en ce début d'année l'auteur de bande dessinée Elric Dufau dans le cadre du dispositif Résidences en territoire que propose ALCA. Prologue est revenu avec Elric, l'enseignant référent Christophe Cuelli et Isabelle Chaland, présidente de l'association Les Amis d'Yves Chaland, sur l'expérience de cette résidence construite autour du projet Rue Fontindelle qui donnera lieu à la publication d'un roman graphique sur "une petite histoire de l'immigration en Albret".
Elric, pouvez-vous nous présenter le projet de la résidence ?
Elric Dufau : Il s'agit de la création d'un roman graphique sous la forme d'un recueil de témoignages sur le parcours d'immigration d'habitants de Nérac. Durant six semaines, j'ai accompagné une classe de terminale CGEH (Conduite et gestion de l'entreprise hippique) dans l'élaboration d'une bande dessinée, du scénario au dessin, que je finaliserai juste après la résidence et que je confierai à l'association des Amis d'Yves Chaland pour qu'elle soit éditée et distribuée.
Comment les élèves ont-ils appréhendé le projet ?
E.D. : Il a été bien reçu, bien que certains élèves aient mis plus de temps à se l'approprier. Certains se sont révélés tardivement, ou ont été plus moteur à certaines étapes, mais dans l'ensemble tout le monde a trouvé sa place et l'ensemble de la classe a fait preuve d'une réelle envie.
Qu'ont-ils produit durant la résidence ?
E.D. : En amont de la résidence, la classe participante a été répartie en six groupes de quatre élèves qui ont recueilli les souvenirs des personnes sollicitées pour le projet. Puis, durant la résidence, après une initiation aux principes fondamentaux de la bande dessinée, nous avons dégagé des histoires puis réalisé un storyboard à partir des témoignages, ce qui leur a permis de prendre conscience de l'opportunité de choisir et de mettre en valeur les éléments du récit. Enfin nous avons engagé une phase très libre de crayonné et d'encrage avec de la recherche documentaire en parallèle, ce qui a permis de révéler quelques talents.
Comment s'est déroulé la collaboration avec l'équipe pédagogique ?
E.D. : C'était atroce... (rires). Plus sérieusement, et compte tenu du contexte sanitaire, j'ai été très bien accueilli. Grâce à la prévenance de l'établissement et à la mise à disposition d'une petite maison dans l'enceinte de l'établissement, j'ai pu me consacrer à 100 % sur le projet, en recevant par exemple les groupes d'élèves en soirée.
Qu'en est-il de la collaboration avec l'association des Amis d'Yves Chaland ?
E.D. : J'étais en terrain connu. J'ai déjà participé aux Rencontres Chaland et à d'autres projets avec l'association. Donc même si je suis d'un naturel aventureux, j'ai apprécié le fait de pouvoir compter sur l'encadrement et l'expérience d'Isabelle Chaland en matière de médiation culturelle.
"La présence diffuse d'un auteur de bande dessinée dans nos murs pendant six semaines, partageant le quotidien des élèves, crée une forme de stimulation dans à peu près toutes les classes, où l'on parle de son travail, où le sujet du projet amène discussions et débats."
Christophe, qu'est-ce que la présence d'Elric et son travail apportent au lycée et aux enseignants ?
Christophe Cuelli : Cette résidence nous permet d'aborder un sujet d'actualité qui prend racine dans le territoire – car on peut facilement retracer les vagues migratoires successives à partir de l'histoire des élèves, de leur famille ou de leurs proches – ce qui nous permet de croiser et d'aborder des préoccupations sociales et citoyennes. De plus, la présence diffuse d'un auteur de bande dessinée dans nos murs pendant six semaines, partageant le quotidien des élèves, crée une forme de stimulation dans à peu près toutes les classes, où l'on parle de son travail, où le sujet du projet amène discussions et débats. Pour ce qui est des enseignants, nous sommes souvent contraints dans les élaborations de nos projets. Or, cette mobilisation collective sur un dispositif innovant, différent et stimulant – mais également le fait de pouvoir le voir aboutir de la sorte –, nous permet de créer une dynamique et d'envisager d'autres actions.
Et qu'est-ce que ça apporte aux élèves ?
C.C. : C'est une approche transversale qui fait appel à de nombreuses disciplines. Ce projet permet notamment d’appréhender ce medium, d'aborder une thématique en privilégiant une approche artistique, de favoriser le développement des capacités de création des élèves. C'est également une approche transversale pour les enseignants qui peuvent s'appuyer sur la résidence afin de transmettre leur savoir, comme le fait que le professeur de français de la classe ait aidé les élèves à synthétiser les entretiens.
"L'idée première était un projet audiovisuel, mais c'est la concertation entre l'association et le lycée ainsi que le dispositif Résidence en territoires qui aura fait émerger la résidence."
Isabelle, comment s'intègre cette résidence dans le projet de l'association ?
Isabelle Chaland : Cette résidence s’intègre effectivement dans un projet au long cours qui se nomme Nérac, Terre d'accueil et dont l'objectif est de mettre à profit plusieurs espaces de médiation culturelle afin de valoriser les apports des différentes vagues migratoires sur notre territoire. À ce titre, nous nous sommes servis de cet appel à projets comme d'un outil mis à notre disposition et avons assumé notre rôle de médiateur entre l'établissement, l'auteur et l'institution. Nous avons été à l'écoute de l'équipe pédagogique pour pouvoir formuler la proposition de sorte à ce qu'elle soit accueillie le mieux possible par les élèves, en y apportant notre expertise en matière de regard artistique et de médiation culturelle. Pour l'anecdote, l'idée première était un projet audiovisuel, mais c'est la concertation entre l'association et le lycée ainsi que le dispositif Résidence en territoires qui aura fait émerger la résidence.
Et comment s'est déroulée la collaboration avec Elric dans le cadre de la résidence ?
I.C. : Lors de l'élaboration du projet avec le lycée, j'ai tout de suite pensé à Elric car je savais qu'il accepterait. L'association avait déjà collaboré avec lui et connaissait son implication et son savoir-faire pédagogique, car en plus d'être un auteur de bande dessinée complet, il est également enseignant. Il était donc tout indiqué pour ce projet et y a d’ailleurs tout de suite adhéré.