Les jeunes et le personnel réunis autour de l'écrit au lycée Le Dolmen à Poitiers
L'autrice Hélène Vignal a été accueillie au printemps dernier au lycée professionnel Le Dolmen, à Poitiers (86), dans le cadre du dispositif Résidences en territoire. Elle revient avec Prologue sur ces presque deux mois de résidence au cours desquels elle a travaillé avec de nombreuses classes et le personnel de l'établissement, dont les textes sont publiés dans une édition commune.
Rencontre avec Hélène Vignal, Bruno Bertrand, enseignant en français et histoire-géographie, Gérald Affalou, documentaliste, et Christian Corbinus, qui a encadré la création graphique de la publication L'Envers et l'endroit de ma liberté.
Comment s'est mise en place cette résidence de six semaines et qu'a pu apporter ce temps long avec les élèves ?
Bruno Bertrand : Nous avions organisé l'année dernière un atelier avec Hélène Vignal, sur un temps court mais qui avait très bien fonctionné. Quand nous avons appris que nous pouvions bénéficier d'une résidence d'auteur dans le cadre de ce dispositif Résidences en territoire, nous avons monté une demande avec Hélène. Accueillit une même autrice sur un temps long nous offre beaucoup plus de possibilités pédagogiques et permet aux élèves de travailler avec elle dans de meilleures conditions.
Hélène Vignal : J'ai aussi échangé en amont avec Gérald qui souhaitait mettre en place une proposition artistique pour les élèves, ces derniers n'étant pas sortis du lycée pendant la crise sanitaire. Nous nous sommes vus tous les trois et avons pensé au dispositif Résidences en territoire. Nous avons pu monter le projet en quelques semaines avant qu'il ne soit accepté par ALCA.
Entre un atelier spontané et une présence continue pendant plusieurs semaines, le travail de l'auteur avec les jeunes n'est évidemment pas le même. L'apprivoisement de l'acte d'écrire diffère selon qu'il s'inscrit dans le temps long ou dans l'immédiateté, d'autant que les lycéennes et lycéens ne me connaissent pas au départ.
Gérald Affalou : Cette prise de connaissance passe aussi par les livres. Chacun des ateliers a en effet commencé par la lecture de textes d'Hélène, ce qui a permis aux élèves de mieux comprendre le travail et la personnalité de l'autrice qu'ils rencontraient.
H.V. : Le temps permet également de mieux travailler les textes, de comprendre qu'un écrit évolue, mûrit. Entre chaque séquence, je commentais leur travail sur le choix des mots ou d'éventuels problèmes de cohérence, non pas pour écrire à leur place mais pour les inviter à améliorer l'écriture. C'est encore plus vrai dans les textes collectifs, pour lesquels ils se livrent à de vraies négociations sur les choix formels et de narration.
Quelles formes ont pu prendre ces ateliers avec les élèves mais aussi les adultes ?
H.V. : Avec les lycéennes et lycéens en formation commerciale RC2A (Responsable commercial pour l'agroalimentaire), nous avons travaillé sur la répétition et le parler de soi, à partir de textes de rappeurs, afin de stimuler leur créativité. Avec les élèves en seconde Métiers de la sécurité, nous avons écrit des consignes catastrophiques dites "cata-consignes" et des jeux pour deviner des expressions. Les BTS Mode ont rédigé des portraits de personnes imaginaires à partir de cartes que je leur ai données. Nous avons aussi travaillé avec d'autres classes à la création de nouvelles ou encore de textes sur des souvenirs autour des pieds et des mains.
B.B. : Le travail avec les adultes s'est fait sur la base du volontariat. Nous avons réussi à mobiliser plusieurs personnes : enseignants, administratifs et personnel de direction. Nous sommes d'abord revenus sur notre "moi d'avant", un travail d'introspection qui nous a permis de mieux nous connaître. Nous avons aussi écrit sur des super-héros et avons rédigé un poème commun.
"Que les textes des adultes soient publiés dans le même objet que les leurs instaure une égalité, une absence de hiérarchie propre à la création."
Une édition de ces textes est sortie de presse. Qu'apporte la publication d'un tel document ?
H.V. : Pour le jeune qui a écrit, voir son texte publié dans un livret édité a beaucoup plus de valeur. C'est un écrin qui leur donne davantage de confiance, en eux-mêmes et avec les autres membres de la classe, leur enseignant et l'animatrice de l'atelier. Que les textes des adultes soient publiés dans le même objet que les leurs instaure une égalité, une absence de hiérarchie propre à la création.
Christian Corbinus : Ce livret a en effet rassemblé beaucoup de monde tout au long de sa fabrication, à savoir près de 120 jeunes, une dizaine de professeurs et documentalistes, le graphiste, le personnel de l'imprimerie et aussi celui de l'administration du lycée.
B.B : Ce projet nous a d'abord obligés, dans sa phase de production, à avancer dans le même mouvement avec les élèves. Ensuite, le fait d'être associés à un objet fini est évidemment valorisant pour nous tous, jeunes comme adultes.
G.A. : Je pense que c'est grâce à ces projets que nous pouvons redonner l'envie de lire aux lycéens des filières professionnelles. En étant associé en tant qu'auteurs à la production d'un livret, ils ne peuvent qu'être plus sensibles à la lecture et à l'objet livre.