Donner goût ! Une résidence avec Violaine Bérot
Violaine Bérot a séjourné en 2025 aux Plumes de Léon, dans le cadre du programme Résidences en territoire. Ce dispositif, inscrit dans un programme d'éducation et de médiation artistique en lien avec les territoires et les acteurs artistiques et culturels, a permis un épisode de résidence particulièrement intense, fructueux et chaleureux. Et aussi un grand moment d'émotion.
Située au cœur du Périgord noir, l'association Les Plumes de Léon accueille des auteurs en résidence depuis 2019. En étroite collaboration avec le lycée Saint-Exupéry de Terrasson-Lavilledieu, nous avons reçu Violaine pour partager un temps de création et de rencontre avec des classes de l'enseignement général et professionnel, afin d'éclairer le processus de création littéraire et l'univers du livre. Les élèves ont ainsi pu travailler les œuvres de l'autrice dans la perspective du baccalauréat, en lien avec les programmes de français. Mais pas que. Violaine souhaitait surtout offrir une ouverture artistique sur le long terme aux élèves, non seulement à travers l'étude de textes, mais aussi par leur mise en voix, la création d'émissions de radio et d'un spectacle littéraire, impliquant ainsi les élèves de manière personnelle et vivante vis-à-vis de l’écrit. "Mon but était de faire lire à voix haute les lycéens, qu'ils y prennent goût, qu'ils osent se lancer, quels que soient leur niveau scolaire ou leur degré de timidité", explique-t-elle. Pour ce faire, l'autrice est venue à deux reprises à Saint-Léon-sur-Vézère et Terrasson, deux communes situées à une vingtaine de kilomètres l'une de l'autre : trois semaines en novembre 2024, puis trois semaines en mars 2025. Elle a donc investi le CDI du lycée de Terrasson pendant six semaines, consacrant de longues journées à cette activité.
Cette collaboration avec le lycée n’était pas fortuite, mais la suite d’une coopération fructueuse. Depuis maintenant six ans, nous organisons ensemble des rencontres entre écrivains et élèves avec des auteurs en résidence aux Plumes de Léon, comme Marie Nimier, Pascale Kramer, Thomas Flahaut, Joël Baqué ou encore Laurence Villaine, pour n’en citer que quelques-uns. Ces rencontres sont toujours parfaitement préparées en amont par les professeurs, de sorte que les auteurs et les élèves en tirent un maximum d'intérêt. Tous les auteurs intervenus au lycée Saint-Exupéry ont été conquis.
Mais cet exercice à long terme de Résidences en territoire était une première pour le lycée de Terrasson et pour Les Plumes de Léon. L’équipe enseignante a été enthousiaste dès la première proposition et a apporté un soutien sans faille par la suite. Les enseignants ont tous fait preuve d'une disponibilité rare. Bref, des professeurs que l’on aurait adoré avoir au lycée…
Violaine Bérot, habituée à intervenir dans les établissements scolaires, s'est également investie sans compter dans ce projet. Pendant ces six semaines, elle a travaillé avec les classes de seconde, première et terminale, générales et professionnelles. Dans un premier temps, elle a proposé aux lycéens d'enregistrer sur leur téléphone portable une lecture d'un extrait de l'un de ses romans ou un texte écrit en réaction à l'un d'entre eux. Elle a ensuite repris ces lectures ou ces textes de façon individuelle avec chaque élève. Puis, elle s'est attelée à un long travail de montage. "Comme le choix des extraits a été fait par les élèves, certains se répètent et il manque beaucoup de passages du livre. J'ai donc monté l'ensemble en structurant différemment mon texte", précise-t-elle. Il en résulte deux bandes audios :
La première, d'une durée de 23 minutes, est uniquement basée sur des lectures d'extraits du roman Comme des bêtes, avec les voix de 55 élèves. La seconde, d'une durée de 20 minutes, implique 44 élèves et comprend des lectures d'autres romans (notamment Nuits de noces, Tombée des nues, Jeanne, Notre père qui êtes odieux, ainsi que des réécritures de ces textes).
Le défi était ensuite de construire un spectacle à partir de ces morceaux épars : extraits des différents livres, réécritures par les élèves. Pendant que Violaine travaillait avec les élèves sur les textes, le professeur de français, Nicolas Batteau, s'est chargé de la mise en scène du spectacle : tous les élèves étaient installés en demi-cercle face au public, assis sur la scène pendant tout le spectacle, et se levaient à tour de rôle pour lire. Les enseignants étaient mêlés à eux et ont également lu des textes.
Il faut ici aussi souligner l'investissement des élèves, qui n'ont pas compté leur temps pour lire ou écrire des textes, les enregistrer et préparer la restitution finale, et qui ont surmonté leur peur d’intervenir en public ou ont trouvé le courage de présenter un texte personnel. Le 20 mars, ils se sont produits à guichet fermé à la médiathèque de Terrasson. Parents, amis, membres du cercle de lecture de la médiathèque, lecteurs de l'autrice… formaient un public attentif, visiblement ému et enthousiaste.
Nous avons également organisé à Saint-Léon-sur-Vézère une rencontre publique autour de trois romans de Violaine. Le moment fort de cette soirée a été la lecture, par deux élèves du lycée habitant à proximité du village, de textes autour du roman Tombée des nues. Lisa a lu un extrait du roman, et Quentin a lu son propre texte : une réponse mordante de l’un des personnages se considérant mal traité par l’autrice.
Cette Résidence en territoire a sans aucun doute été enrichissante pour les élèves et les enseignants, et restera un très beau moment de résidence. Directe, claire, exigeante et inspirante, Violaine a manié avec aisance les leviers de la transmission et de la mise en confiance, générant un enthousiasme collectif et une envie contagieuse de se surpasser.
Les résidences d'auteur sont précieuses. "Elles font vivre le territoire et offrent la possibilité de donner des perspectives à des lieux qui aspirent à faire société humaine et que l’éloignement pourrait condamner à la fermeture. Pourtant, on s'y sent bien, la nature y est belle et les gens qui y habitent ont les mêmes envies et les mêmes exigences que partout ailleurs. Donc que la poésie y vienne, et de manière plus large la littérature, c’est indispensable. C'est une remise à égalité des chances des populations pour accéder à la culture et participer à la diffusion de visions singulières du monde, ce qui permet la création d'une société plurielle", souligne Nicolas Batteau. Et Violaine conclut : "L'aboutissement de nos six semaines de travail a été, je crois, une réussite. Cette réussite, je la dois à l'implication sans faille des enseignants de Terrasson, ainsi qu'à la résidence Les Plumes de Léon, où j'ai pu merveilleusement me ressourcer entre deux journées auprès des élèves." Ce compliment fait chaud au cœur, mais il est aussi un arrache-cœur au vu des coupes budgétaires qui mettent tous ces dispositifs en danger. Nous y perdons tous. Beaucoup !
Pendant cette résidence, Violaine n’a pas eu le temps de travailler sur ses propres romans. Les Plumes de Léon seraient heureuses de pouvoir l’accueillir pour une résidence d’écriture, ce serait l’occasion de parler à nouveau de livres lus, à lire et à écrire, de la vie dans la montagne, de chèvres, de chevaux … de partager un verre ou un repas – et pourquoi pas de faire une visite au lycée Saint-Exupéry.
Béatrice Ottersbach est la fondatrice et la présidente de l’association Les Plumes de Léon qui propose un festival littéraire et des résidences d’auteur du même nom. Son travail dans l’édition, des deux côtés de la frontière franco-allemande, ont nourri son désir de rapprocher écrivains et lecteurs, pour un enrichissement mutuel.