Les points à relier de Laurence de la Fuente
Faire émerger de manière sensible les lieux qui nous environnent, leur réattribuer une place comme une vertèbre dans une colonne vertébrale est, en partie, ce qui alimente l’œuvre de l’autrice et metteuse en scène, Laurence de la Fuente. Un dispositif comme les résidences en territoire d’ALCA1, qui permet à un artiste-auteur de travailler en immersion avec plusieurs classes d’établissements scolaires, ne pouvait donc que lui convenir. Pendant six semaines à ses côtés, quatre classes de lycée de Saint-Jean-d’Angély et une classe de collège de Matha (17) ont revisité leur village, leur habitation et leurs trajets, pour composer une nouvelle carte de leur territoire, agrémentée de microfictions constituées de lectures audio et de captations sonores.
Entre le 26 février et le 10 mai 2023, soit sur trois périodes de 15 jours, entourées par leurs professeurs de français et les documentalistes de leur CDI, deux classes de seconde, professionnelle et générale (divisées en 4 groupes) et une classe de terminale CAP du lycée Louis-Audouin-Dubreuil de Saint-Jean-d’Angély ainsi qu’une classe de troisième du collège Marc-Jeanjean de Matha, ont revisité intérieurement les lieux importants constituants leur quotidien.
La consigne était de faire émerger une adresse – qui pouvait inclure autant leur chambre qu’un lieu rêvé et imaginaire – pour en écrire leur attachement, avec si possible un ressenti personnel. L’objectif, au final, a permis de créer ensemble une carte géographique où chaque lieu évoqué, localisé par un QR-code, contient une captation de lecture à voix haute de leurs textes récoltés, associée à des sons captés.
L’écriture a permis de faire état d’un télescopage entre le familier, les habitudes et ce qu’on ne regarde plus autour de soi, qui de fait est inconnu et de son intérêt dès lors qu’on s’y arrête, qu’on cherche et qu’on explore : autant un ruisseau qu’on traverse, qu’une chapelle près de la maison ou qu’une adresse oubliée depuis longtemps. L’ensemble faisant remonter pour chacun des racines à étendre vers les autres, comme les points d’une carte qu’on pourrait relier.
Soutenus dans leur travail de rédaction par des livres, que Laurence de la Fuente nomme "des déclencheurs d’imaginaire" – notamment GPS de la romancière Lucie Rico (P.O.L, 2022) et Centre épique du poète et musicien Jean-Michel Espitallier (L’Attente, 2020) – tous ont également travaillé à partir du support de son propre dernier ouvrage, Domiciles Fantômes (L’Attente, 2022) qui évoque justement de nombreuses adresses et l’art de les faire résonner.
Si bien que le 15 mai, à la médiathèque de l’Abbaye royale de Saint-Jean-d’Angély, les parents accueillis par les élèves et leurs enseignants, ont pu découvrir une exposition de six cartes géographiques, imprimées sur de grands formats, et se prêter à l’écoute grâce aux QR-codes correspondants, des textes des lieux importants pour leurs enfants. La restitution de ces ateliers a été ponctuée de lectures à voix haute des textes des élèves, associé à celle d’extraits de Domiciles fantômes, tandis que circulait pour tous, un livret de tous les textes, que Sarah Lechon, une des enseignantes des classes de Seconde, a fait imprimer et relier tandis qu’une autre, Violaine Lucas, avait élaboré avec ses élèves, un flipbook mis à disposition de chacun.
Le fait de produire des cartes et d’ouvrir un tracé entre de nombreuses et différentes aires territoriales a déclenché chez les élèves, notamment ceux du collège de Matha, l’envie de produire une carte de randonnée reliant leurs lieux à eux, et à la distribuer aux offices de tourisme. La fin de l’année approchant, cette belle idée n’aura pas eu le temps d’aboutir mais l’essentiel était déjà au rendez-vous : travailler et produire ensemble, penser autrement son environnement, déclencher du désir, explorer l’imaginaire et… écrire.
1 : Mis en œuvre par ALCA Nouvelle-Aquitaine, soutenu par La Région Nouvelle-Aquitaine et la Drac Nouvelle-Aquitaine, ce dispositif est copiloté par les rectorats des académies de Bordeaux, Limoges et Poitiers (Délégation académique à l’action culturelle).
(Photo : Centre international de poésie Marseille)