Marion Guilloux et Joaquim Pavy créent "À nos forêts" avec les élèves
Durant six semaines, les deux artistes Marion Guilloux et Joaquim Pavy, à l’origine du projet de création À nos forêts, ont investi les couloirs et salles de classe du lycée agricole d’Ahun en Creuse. Une rencontre possible grâce à Vincent Pavageau de l’association Instants libres.
C'est Vincent Pavageau, coordinateur artistique et un des fondateurs d'Instants libres, non-lieu creusois qui se définit comme une "structure de production alternative et d’accompagnement de projets artistiques", qui va faire le lien entre Audrey Meiss, professeur d'éducation socio-culturelle au lycée agricole d’Ahun, et Marion Guilloux et Joaquim Pavy. "Vincent est venu à nous et nous avons tout de suite été intéressés, avec nos élèves qui étudient l’agroforesterie et les projets de créer une filière sur le lycée, cela faisait écho", raconte Audrey Meiss.
"Je connaissais déjà le travail de Marion, et avec Instants libres nous avions déjà travaillé avec le lycée d’Ahun. Donc quand j’ai découvert le projet À nos forêts, ce projet de création mêlant textes poétiques et musique qui questionne l’avenir des forêts, j’ai tout de suite pensé que ce serait pertinent pour Marion et Joaquim de travailler en Creuse, avec le lycée". Ensemble, ils montent donc un dossier présentant le projet, écrivent une lettre de motivation, afin de proposer leur candidature à l’appel à projets d'ALCA.
"C'était la première fois que nous travaillions sur un projet aussi long en territoire", expliquent Vincent Pavageau et Audrey Meiss. Pour Vincent, il fallait donc bien accompagner chacun des acteurs du projet et identifier les besoins de chacun.
Marion et Joaquim proposent donc leur candidature pour cette résidence avec une double ambition. Animer des ateliers de création et d’écriture avec les élèves, mais aussi recueillir des témoignages, de la matière documentaire pour nourrir la suite de À nos forêts. En effet, il paraît pertinent aux deux artistes de questionner les élèves sur leur rapport à la forêt et sur l'avenir qu'ils imaginent et ainsi alimenter l'écriture de leur création.
L'objectif principal de la résidence étant de se remettre, justement, dans un temps de création.
Pour Audrey Meiss, l'objectif est d’apporter une ouverture artistique aux élèves. "Écriture, danse, théâtre, en général, c’est un "non" direct des élèves. Pour eux, l'art c’est secondaire, et d'être dans le théorique, ça ne leur parle pas forcément, mais dès qu'ils passent dans le concret de l'écriture, de l'interprétation des textes, là ça change un peu", commente la professeure qui se félicite des résultats de la résidence sur plusieurs points.
Durant six semaines, donc, Marion Guilloux et Joaquim Pavy, ont animé des ateliers d'écriture avec une centaine d’élèves de seconde, première et terminale. Lors des séances de deux heures, les deux artistes proposent aux adolescents d'écrire de courts textes selon des thématiques données.
Dès le départ, Marion Guilloux avait eu l'idée de travailler sur le thème de la forêt bien sûr, et de la science-fiction en espérant que cela soit évocateur pour les élèves. Dans les premiers temps, les deux artistes les invitent à écrire des souvenirs ou des récits autobiographiques. "Nous leur avons expliqué que nous allions produire un podcast à partir de leurs textes. Et que nous les interviewerons. Et finalement, c'est l'organisation et la préparation de ces ateliers d’écriture qui ont pris tout notre temps et nous n'avons pas pu mener notre recueil de témoignages", expliquent Marion et Joaquim.
"Ce thème de la science-fiction, ça a énormément bougé notre rapport au spectacle. Comme nous n'avons pas pu recueillir les témoignages plus documentaires sur le rapport des élèves à la forêt, les ateliers d'écriture sur le thème de la science-fiction nous a décalé vers l'imaginaire plus que vers le documentaire finalement, même si bien sûr il reste beaucoup de travail !", expliquent les deux artistes.
La résidence de six semaines a permis aux professeurs comme à Marion et Joaquim de voir une évolution chez les élèves, car si au début tout est nouveau et ludique, l’ennui s’est finalement vite installé. "C'est à ce moment-là que certains élèves ont vraiment écrit les choses les plus intéressantes, ceux qui sont restés attentifs ont produit des choses plus fournies, avec plus de style, même si tous ont fait des progrès dans l’écriture", a constaté Marion.
Et même dans ces exercices d'écriture de fiction, Marion et Joaquim ont pu déceler une dominante dans la perception de l’avenir chez les élèves : l'inquiétude quant au futur.
Le podcast final a été présenté aux élèves, et plusieurs d'entre eux ont même choisis d’assister à la restitution plutôt que de réviser leurs épreuves du baccalauréat. "Ils ont vraiment été surpris et heureux de découvrir le produit fini : c'est une forme mosaïque où plusieurs débuts, plusieurs milieux, et plusieurs fins ont été montés à la suite les uns des autres, une juxtaposition qui fait sens par les idées. La révélation de ce qu'est un produit artistique à partir de leurs textes bruts, je crois que ça les a un peu bluffés !", avoue Joaquim.
"À la sortie de résidence, à la présentation de l'objet artistique, j'ai vraiment eu l'impression que ceux qui avaient participé au projet étaient surpris et heureux du résultat, c'était vraiment joyeux !", renchérit Vincent.
Pour Audrey Meiss qui a assisté aux épreuves du baccalauréat, l'intérêt de ces ateliers ne fait aucun doute : "Il y avait des épreuves d'écrit d'invention, on peut donc voir l'impact direct de ces ateliers. Et puis nous avons pu voir des élèves se révéler, des timides, ou des élèves d'habitude perturbateurs qui avaient plaisir à écrire et lire leurs textes. C'était touchant."
Pour Marion et Joaquim, l'impact de cette résidence se ressent encore des semaines après : "Ça m'a déplacé. Ce temps de résidence a changé ma vision romantique du sujet. Le sujet de la création est un sujet compliqué. Et même si nous n’avons pas pu faire tout ce que nous avions prévu, car le temps de préparation, de pédagogie était très important, nous récupérons dans ces semaines qui suivent la résidence ce qui a infusé pendant notre résidence au lycée d’Ahun", concluent les deux artistes.