Six mètres soixante-douze
Paru en octobre 2020 aux éditions de la Cerise, Les Quatre Détours de Song Jiang rassemble quatre panneaux de 84 cm chacun, l'ensemble constituant une frise en accordéon de 6,72 m de long. Une frise mise en couleur par Guillaume Trouillard et composée des textes d'Alex Chauvel, façonnée dans le centre de documentation d'ALCA, à la MÉCA, à l'automne dernier et en ce début d'année pour une heureuse réimpression.
Cela s’appelle un leporello.
Cela prend la forme originale d’une longue frise, qui est pliée ensuite comme un accordéon pour pouvoir tenir entre la couverture d’un livre.
Celle qui a pour titre Les Quatre Détours de Song Jiang est composée, dans sa version imprimée (elle est plus longue encore dans sa version originale), de quatre panneaux de 84 cm chacun, collés l’un à la suite de l’autre, soit une longueur par face de 3,36 m, soit une longueur totale de 6,72 m.
Le livre, qui contient cette frise en accordéon dont la lecture fait 6,72 m de long, a un format carré de 29 cm de côté, une couverture cartonnée de couleurs cuivre et argent, enserrée d’un bandeau qui reprend une partie d’un dessin intérieur.
Celui qui a imaginé, dessiné et mis en couleur cette frise s’appelle Guillaume Trouillard, celui qui en a écrit les textes s’appelle Alex Chauvel.
Les Quatre Détours de Song Jiang est le récit de la visite que font quatre hommes, venus chacun d’un point cardinal, à leur vieil ami le sage Song Jiang qui vit sur la montagne de l’Étoffe jaune, au centre d’un pays qui pourrait être la Chine.
Une multitude de personnages, d’animaux et d’arbres notamment, pris dans une infinie variation de bruns et de bleus, compose Les Quatre Détours de Song Jiang.
À la fin du livre, sur la face intérieure de la couverture, est collée une pochette de 18,5 cm de longueur sur 11 cm de hauteur, qui contient 8 cartes sur lesquelles figurent chaque fois le sage Song Jiang et deux brèves sentences évoquant l’importance des éléments naturels dans le cycle de la vie.
La maison d’édition qui a publié cet album qui contient le leporello et la pochette qui contient les cartes, lui-même contenu dans un bandeau, a pour nom les éditions de la Cerise, installées à Bordeaux.
La maison a été fondée par Guillaume Trouillard, il y a une quinzaine d’années, pour publier les livres qu’il désirait publier et que d’autres ne publieraient sans doute pas.
Celui-ci par exemple.
Avec Les Quatre Détours de Song Jiang, il y a sans doute aucun le désir de Guillaume Trouillard de poursuivre, à sa manière, le travail consacré à la poésie et à l’illustration chinoises, entamé par les éditions de la Cerise avec la publication des albums Souvenirs de Hulan He et Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes.
Avec Les Quatre Détours de Song Jiang, il y a un long temps de réflexion et de création entamé il y a près de dix ans.
Avec Les Quatre Détours de Song Jiang, il y a bien sûr l’envie de Guillaume Trouillard et d’Alex Chauvel de travailler ensemble.
Avec Les Quatre Détours de Song Jiang, l’idée de la fresque prend pour Guillaume Trouillard sa source dans la peinture chinoise sur rouleaux, son utilisation des pigments et sa technique du lavis où les couleurs se mêlent sans que l’on puisse maîtriser totalement le processus.
Avec Les Quatre Détours de Song Jiang, il y a cette longue fresque qui prend forme et dans laquelle on avancera comme au cours d’une longue déambulation dans un pays imaginé qui pourrait être la Chine.
"Il y a intérêt à ce moment-là (ou bien avant de vous lancer, vous n’êtes pas totalement inconscient non plus) de pouvoir travailler avec des gens qui sont de bons professionnels et qui ont de judicieux conseils."
Voilà. Maintenant nous y sommes.
Pour le dessinateur la fresque est terminée.
Pour l’éditeur, il faut en faire un livre.
Il y a intérêt à ce moment-là (ou bien avant de vous lancer, vous n’êtes pas totalement inconscient non plus) de pouvoir travailler avec des gens qui sont de bons professionnels et qui ont de judicieux conseils.
Il y a intérêt à ce moment-là à ce qu’ils soient proches de vous, car s’ils sont en Chine cela peut coûter moins cher certes, mais cela vous laisse moins de possibilité d’échanger directement et de trouver des solutions.
Il y a donc intérêt à ce moment-là à connaître un bon imprimeur, de préférence pas trop loin de Bordeaux.
Avec lui, vous allez envisager différentes possibilités.
Avec lui, vous allez comprendre (vous le saviez sans doute avant de vous lancer, vous n’êtes pas totalement inconscient non plus) que fabriquer un tel livre coûte cher.
Avec lui, vous allez comprendre que le faire fabriquer entièrement par un imprimeur coûte cher parce qu’il y a un certain nombre d’étapes qui doivent être faites manuellement.
Avec lui, vous allez comprendre que le faire fabriquer entièrement par un imprimeur vous obligerait à vendre le livre un prix exorbitant.
Alors, non content d’avoir déjà réalisé une fresque d’une longueur totale imprimée de 6,72 m, vous imaginez (vous n’y avez pas forcément pensé avant de vous lancer, vous êtes parfois totalement inconscient) que ces étapes pourraient être faites par un certain nombre de petites mains, prêtes à vous aider gracieusement.
Petites mains dont vous ignorez encore l’existence.
Et il y en a pour des heures de travail (vous ne le saviez sans doute pas non plus avant de vous lancer).
Reprenons dans les détails.
Quatre panneaux de 84 cm chacun sont imprimés et livrés par votre imprimeur, qu’il faudra consciencieusement coller l’un à la suite de l’autre, pour obtenir une fresque d’une longueur de 3,36 m, qu’il faudra ensuite plier en 24 volets pour obtenir un accordéon de la taille, ou presque, de la couverture.
Il faudra ensuite rapporter la totalité de ces accordéons à l’imprimeur pour qu’il en colle une extrémité sur la face interne gauche de la couverture, qu’il recouvrira ensuite d’une belle feuille bleue.
Il faudra ensuite revenir chercher ce qui commence à ressembler à un livre, à l’intérieur duquel il faudra consciencieusement coller sur la face interne droite de la couverture, avant de l’avoir pliée manuellement, une petite pochette de 18,5 cm par 11 cm, dans laquelle il faudra insérer 8 cartes, après les avoir rassemblées évidemment.
Il faudra ensuite enserrer le livre dans un bandeau consciencieusement collé à ses extrémités, avant de le rapporter une dernière fois à l’imprimeur qui le filmera pour qu’il puisse voyager sans trop souffrir (vous avez passé un certain temps à l’imaginer et à le créer ce livre).
Il faudra que toutes ces étapes mises bout à bout finissent par constituer 1700 exemplaires d’un livre qui a pour titre Les Quatre Détours de Song Jiang et doit être livré chez votre distributeur (qui ensuite approvisionnera les librairies intéressées) mi-octobre, pour que le livre soit disponible à partir du 23 de ce mois, qu’il puisse être lu et aimé et conseillé pour faire partie des beaux cadeaux de fin d’année.
Voilà. C’est toujours à vous de jouer maintenant. Vous êtes l’éditeur. Vous avez trois semaines.
"Et en septembre tout ce monde se met au travail, chaque jour des fourmis laborieuses sont au rendez-vous, à la MÉCA, à Bordeaux, où le centre de documentation d'ALCA Nouvelle-Aquitaine a été mis à votre disposition quelques semaines, parce que dans les locaux des éditions de la Cerise, vous ne pourriez pas étaler la fresque dans son entier."
Vous avez la chance (il en faut un peu pour aller au bout d’un tel projet) de travailler aux éditions de la Cerise avec une fourmi ouvrière qui a pour nom Julien Fouquet-Dupouy.
Vous avez la chance (si un tel qualificatif est de circonstance) de lancer ce projet dans un moment, l’automne 2020, où ceux qui y sont obligés en ont assez de rester chez eux et ont un furieuse envie de se retrouver enfin avec d’autres, qui plus est pour s’impliquer dans une telle entreprise.
Vous avez la chance de recevoir des réponses de votre entourage, de vos amis, des amis de vos amis, et même de gens que vous ne connaissez pas mais qui souvent connaissent les éditions de la Cerise (ce n’est pas rien d’avoir quinze ans, on s’en rend compte dans ces moments-là).
Et en septembre tout ce monde se met au travail, chaque jour des fourmis laborieuses sont au rendez-vous, à la MÉCA, à Bordeaux, où le centre de documentation d'ALCA Nouvelle-Aquitaine a été mis à votre disposition quelques semaines, parce que dans les locaux des éditions de la Cerise, vous ne pourriez pas étaler la fresque dans son entier.
Chaque jour, Julien Fouquet-Dupouy est l’incontournable maître d’oeuvre.
Chaque jour, il donne et redonne les consignes pour que chaque étape de ce travail soit consciencieusement réalisée.
Chaque jour, tout le monde est concentré, et même derrière les visages masqués se devine le plaisir d’être là, à participer à ce chantier inédit.
Il y aura plus de 30 visages différents, quoique masqués, au cours de ces trois semaines.
Ça colle, ça plie, ça colle, ça plie, ça compte, ça met dans des cartons, ça sort des cartons, ça vient de chez l’imprimeur, ça repart chez l’imprimeur, ça usine comme à la chaîne.
Le travail est soigné, contrôlé, parfois il faut passer du temps à vérifier une dernière fois pour que tout soit comme on le souhaite (vous avez passé un certain temps à l’imaginer et à le créer ce livre).
Fin octobre, la quantité attendue par le distributeur est livrée.
Les fourmis laborieuses et bénévoles ont consciencieusement rempli leur mission.
Le 23 octobre le livre paraît.
La mise en vente a pourtant été laborieuse elle aussi, les libraires à ce moment d’une année qui s’annonçait compliquée ont été plutôt frileux (malgré vos quinze ans).
Vous n’allez pas vous décourager.
Vous vous appelez Guillaume Trouillard, vous vous appelez Julien Fouquet-Dupouy.
Sauf qu’à peine une semaine après l’arrivée du livre dans les librairies, les librairies ferment à nouveau.
De quoi vous décourager.
Mais vous vous appelez Guillaume Trouillard, vous vous appelez Julien Fouquet-Dupouy.
Vous savez que vous pouvez compter sur quelques libraires qui suivent et aiment votre travail (on n’a pas quinze ans pour rien).
Vous savez expliquer sur les réseaux sociaux que le reconfinement vous tombe dessus comme une massue qui pourrait bien abattre tout à la fois votre enthousiasme et votre maison d’édition.
Vous faites connaître ce magnifique travail à des médias qui répondront présent au-delà de ce que vous aviez imaginé, les articles se suivent dans des publications qui n’avaient encore jamais parlé de votre travail.
Vous recevez des commandes malgré tout, de l’est, de l’ouest, du nord, du sud, via les librairies fermées et votre site Internet ouvert.
Ce qui aurait pu être une catastrophe se transforme en une belle histoire, celle qui vient de vous être racontée.
Fin janvier, gâteau sur la cerise, il a fallu remobiliser les fourmis bénévoles pour fabriquer 1000 exemplaires de plus.
D’un livre qui a pour titre Les Quatre Détours de Song Jiang, paru aux éditions de la Cerise.
Qui contient ce qu’on appelle un leporello.
De six mètres soixante-douze.
De travail et de plaisir.
Les Quatre détours de Song Jiang
Guillaume Trouillard et Alex Chauvel
Éditions de la Cerise
octobre 2020
24 pages
Couverture cartonnée, livre accordéon, 8 cartes insérées, bandeau
28,5 x 28,5 cm
32 euros
ISBN : 978-2-918596-18-9