Des lycéens bayonnais initiés à la bande dessinée pour mieux s'emparer de l'éco-citoyenneté
L'autrice Tiphaine Gantheil a été accueillie au printemps dernier au lycée général, technologique et professionnel Louis-de-Foix, à Bayonne (64), dans le cadre du dispositif Résidences en territoire. Elle revient avec Prologue sur ces deux mois de résidence au cours desquels elle a initié les élèves à la création de planches dessinées autour de l'éco-citoyenneté.
Que retenez-vous de ces six semaines de résidence ?
Tiphaine Gantheil : Nous avons travaillé à la création d'une éco-charte citoyenne. Les lycéens ont d'abord identifié les sujets qu'ils souhaitaient aborder – par exemple le recyclage, la biodiversité, la pollution des océans ou le climato-scepticisme –, puis ils ont créé des planches de bande dessinée sur ces thèmes. Par la suite, j'ai moi-même réalisé des planches en approfondissant les sujets qu'ils avaient choisis. Ces planches sont destinées à être diffusées dans les écoles de la région, dans un premier temps. Il faut réussir à faire quelque chose d'assez universel, qui peut s'adresser aux lycéens mais également aux plus petits. L'exposition se visite dans un conteneur dont les élèves de la filière bois aménagent l'intérieur. Il s'agit d'un conteneur itinérant, dont la première escale est Vieux-Boucau. En parallèle, il y a une exposition au CDI.
Pouvez-vous revenir sur le travail mené lors des ateliers et sur son appropriation par les élèves ?
T.G. : Durant le premier atelier, nous avons réfléchi avec les élèves pour identifier et mettre en avant des sujets qui les intéressaient. Nous avons ensuite travaillé à l'écriture d'un script. Le travail s'est vraiment fait par étapes, celles de la création en bande dessinée. Nous avons ainsi fait de la recherche de personnages puis réalisé le storyboard. Nous sommes passés par l'étape crayonnée avant l'étape finale d'ancrage aux couleurs. Je suis très présente sur le moment du découpage et plus largement tout au long de ces ateliers, pour pousser et faire avancer, dépasser l'idée quand elle n'est pas encore dessinée. Quand on fait de la BD avec des élèves qui ne sont pas des étudiants en arts ou des dessinateurs, il est nécessaire de les accompagner en leur rappelant que le dessin peut être très simple, très schématique ; que la bande dessinée, ce n'est pas seulement faire des beaux dessins. Le travail de groupe a permis à chacun de faire ce qui lui plaisait le plus : ceux qui préféraient écrire écrivaient, ceux qui préféraient faire des croquis se penchaient sur les croquis, d'autres sur le dessin.
Vous êtes également intervenue dans une classe nommée Baiona, où tous les élèves sont des réfugiés. Que retenez-vous de ce travail ?
T.G. : Les élèves de la classe Baiona sont, pour la plupart, seuls, loin de leur famille. Ils ne sont pas là depuis très longtemps. Certains vivent encore dans des foyers d'hébergement d'urgence et ils ont des conditions de vie assez difficiles. Ils viennent ici et essaient, dans un premier temps, d'apprendre le français puis d'intégrer l'année suivante une formation professionnelle afin de trouver un travail et de pouvoir vivre durablement en France. Ils ont une professeure qui s'occupe d'eux à plein temps et ils participent à de nombreux projets avec la documentaliste du CDI afin d'être sensibilisés à notre culture, à la législation et comment nous protégeons les gens ici. Le projet a pour thème les droits des femmes et l'émancipation des femmes en France. Nous avons réalisé une frise chronologique avec des petits dessins, qui viennent s'ajouter au texte. Ce travail est avant tout réalisé pour eux, pour qu'ils puissent se détendre et voir un peu autre chose. C'est important d'apprendre et d'en débattre, d'autant qu'ils sont face à une documentaliste et une professeure qui sont des femmes. Ils peuvent parler librement et semblent heureux de participer à ces échanges.
Caroline Laveau, Denis Theillet et Jean-Yves Le Floch, enseignants au lycée Louis-de-Foix, ont accompagné la résidence et les ateliers menés par Thiphaine Gantheil
Qu’est-ce que la résidence et la présence de Tiphaine Gantheil ont apporté aux élèves et au programme pédagogique ?
Denis Theillet : Par rapport aux élèves plus jeunes, les lycéens sont très introvertis et complexés par ce qu'ils peuvent produire dans l'écriture et dans le dessin. C'était donc assez surprenant de les voir se lâcher. Durant les ateliers, nous avons eu l'occasion de voir des élèves réussir à laisser libre cours à leur imagination. Tiphaine parvient très discrètement à laisser les élèves prendre leur place. Nous, en tant qu'enseignants, nous avons plus de mal à leur laisser leur place.
Jean-Yves Le Floch : Ce que Tiphaine a réussi avec eux m'impressionne. C'est quelque chose qui est beau alors que l'on n'est parti de rien.
Le travail de Tiphaine Gantheil a-t-il aussi permis de créer des ponts entre les élèves des établissements général et professionnel ?
D. T. : Certains élèves du lycée général ont découvert ce que faisaient les élèves du lycée professionnel. Ils étaient encadrés par un professeur de menuiserie et par les élèves du lycée professionnel. Ces derniers sont devenus, en quelque sorte, les tuteurs des élèves du lycée général.
Caroline Laveau : Cette rencontre n'avait jamais vraiment eu lieu auparavant. S'ils ne se connaissent pas en dehors du lycée, les élèves du lycée général et ceux du lycée professionnel ne se parlent pas.
D. T. : Maintenant, ils se mélangent un peu plus. Ce qui a été intéressant, c'est de voir tous les élèves du lycée général avoir envie d'aller dans l'atelier bois. Il a presque fallu imposer une jauge ! (rires) Ils avaient envie de manipuler, de toucher la matière, de découper, de scier, de taper avec un marteau…