Les résidences internationales, d'une province à l'autre
Dernière née du vaste réseau de résidences d’écritures néo-aquitain, la Villa Valmont a ouvert ses portes en avril 2023. Forte d’une programmation foisonnante de genres et de projets, cette ancienne chartreuse de la métropole bordelaise réserve quelques-unes de ses chambres aux résidences d’écriture internationales, portées par ALCA. Mélanie Archambaud, directrice de la structure, explique la place de son lieu au sein de la fourmilière de partenaires qui composent ce réseau régional et international.
La Villa Valmont de Lormont (33), maillon du réseau des résidences d’écriture de Nouvelle-Aquitaine, ouvre ses portes aux lauréats et aux lauréates des résidences croisées et internationales en littérature comme en cinéma. Croisées d’accord, mais avec qui ? Le Land Hesse envoie un auteur ou une autrice chez nous, qui part écrire quatre semaines à la Villa Valmont, puis quatre autres semaines aux Plumes de Léon, en Dordogne. Pendant ce temps-là, c’est un ou une autrice néo-aquitaine qui s’envole pour Wiesbaden, en Allemagne, faire son temps de résidence à la Villa Clémentine. Le jumelage historique entre la province de Québec et la Région Nouvelle-Aquitaine donne lieu, lui aussi, à un croisement d’auteurs. Le Néo-Aquitain est accueilli à La Maison de la littérature de Québec tandis que l’artiste québécois séjourne un mois à la Villa Bloch de Poitiers puis un mois à la Villa Valmont. Enfin, la résidence internationale Afriques-Haïti accueille, en partenariat avec l’Institut des Afriques, l’artiste lauréat à la Villa Valmont et à la Maison des Écritures de La Rochelle. Voilà pour la littérature. Mais ce n’est pas tout. Le cinéma joue sa part dans ce chassé-croisé de la création. Côté cinéma, ce sont deux résidences d’écriture de longs métrages qui sont proposées aux artistes, en collaboration avec le Festival Biarritz Amérique Latine et le Poitiers Film Festival. Les réalisateurs étrangers sélectionnés gagnent un temps de résidence à la Villa Valmont. Un maillage qui marque ses points sur quatre continents.
La poétesse québécoise Nora Atalla, l’écrivain haïtien Patrick Erwin Michel ou encore le réalisateur brésilien Leonardo Martinelli ont pu séjourner dans la toute neuve Villa Valmont, nichée sur les hauteurs du parc de l’Ermitage lormontais. La peinture est encore fraîche, ou presque, mais le projet du lieu a été longuement mûri.
"Nous avons visité d’autres lieux de résidences du réseau avant d’ouvrir le nôtre, explique Mélanie Archambaud. Nous sommes allés à La Métive, en Creuse, puis en Charente à la Maison Maria Casarès et à la Maison François Méchain… Cela permet de se nourrir des pratiques des autres et de travailler dans une optique de complémentarité, d’essayer de se distinguer tout en s’inspirant. C’est vraiment la force de ce réseau : on s’aide les uns les autres, notamment sur les aspects juridiques, administratifs ou comptables, pas toujours évidents quand on débute", confesse la directrice.
La Villa Valmont se distingue par bien des aspects. Sa ligne directrice s’axe sur l’émergence et la médiation. "Nous souhaitons montrer les coulisses de la création et des résidences, qui peuvent être assez méconnues et opaques pour le public", estime Mélanie Archambaud. Une mise en voix par les élèves du Cours Florent des textes de Patrick Erwin Michel, une rencontre avec la poétesse Nora Atalla à la bibliothèque de Lormont, toutes ces actions de médiation permettent "la circulation des idées". Elles constituent pour l’auteur déraciné une expérience in situ différente de l’isolement créatif qu’offrent habituellement les lieux de résidences. "Ces résidences internationales permettent aussi de mutualiser les moyens, précise l’hôtesse lormontaise. Cela coûte cher de faire venir des artistes outre-Atlantique, d’où l’importance d’organiser des rencontres dans des bibliothèques de quartier avec nos résidents internationaux." Entrelacer ainsi les talents au-delà des continents profite à tout un écosystème. Mais la Villa Valmont n’héberge pas que les résidences accompagnées par ALCA. Elle affiche, en cette année inaugurale, pas moins de trente résidences à son programme, toutes dédiées aux écritures contemporaines et placées sous les signes de l’émergence, de la représentativité et du féminisme.
"Nous ne nous limitons pas au binôme littérature/cinéma, souligne Mélanie Archambaud. Nous portons une attention particulière aux femmes, aux personnes racisées, issues des minorités ou invisibilisées en général. On ne se cloisonne pas à des genres spécifiques, cela peut aller de l’écriture dramatique à l’écriture musicale, de l'essai au documentaire, de la série au roman ou encore à la poésie… Les formes hybrides sont les bienvenues. Nous avons aussi à cœur d’accueillir des artistes qui n’ont pas encore été publiés et qui sortent de leurs études. On mélange les artistes confirmés avec les émergents, et certains des projets qui se retrouvent à la Villa évoquent d’une manière ou d’une autre la thématique du paysage, de la nature et du vivant. Nous sommes une Maison des écritures et des paysages, donc ce thème infuse notre programmation de résidences et d’événements", précise-t-elle.
Le mentorat est un autre choix qui singularise la Villa : l’autrice Chloé Delaume a sélectionné quelques jeunes pousses pour les embarquer dans cette résidence où l’on apprend aussi à écrire, pour devenir peut-être un
jour un des auteurs lauréats qui décrochent ces semaines hors du temps, consacrées à la création.